Parfois, je me dis que je manque de volonté, et que tout ça aurait pu être différent si je l’avais voulu, je veux dire vraiment voulu.
Que mon frère a surmonté ça alors que lui aussi était très difficile quand il était petit, même si ce n’était pas aussi important que moi. Que mon père aussi l’a surmonté, il me répète d’ailleurs sans cesse que c’est une question de volonté, que se forcer chaque fois un peu plus finit par être récompensé, et qu’on finit par découvrir qu’on aime de nouvelles choses.
Il paraît que tout est question de volonté. Mais parfois, bien malgré nous, il y a quelque chose bien plus fort que notre volonté qui nous empêche d’agir comme on le souhaiterait. Du moins c’est comme ça que je le vois. Peut-être que je me dis ça pour me rassurer, pour me donner une excuse, je ne sais pas.
Encore aujourd’hui, j’ai l’impression que cette volonté me fait défaut.
Je suis guérie. C’est mon médecin qui me l’a dit. Je peux manger ce que je veux, a-t-il même ajouté.
Oui, mais est-ce que je le veux, je veux dire, est-ce que je le veux vraiment ?
Le combat contre la maladie est gagné, mon TOC est parti, il s’est fait battre à plates coutures par l’antidépresseur, qui gagné haut la main, et en moins de temps qu’on ne l’avait prévu. Mais après ?
Comment passer outre vingt cinq ans d’habitudes alimentaires ?
Se mettre du jour au lendemain à mettre systématiquement du fromage rapé dans ses pâtes, parce que tout le monde le fait, même si je les préfère au beurre ? Est-ce que j’en ai vraiment envie ?
Manger du poulet ou du poisson pané à tous les repas, parce qu’il faut une viande avec chaque accompagnement ?
Non, clairement, je n’en ai pas envie. J’ai intégré de nouveaux aliments à mon alimentation, mais à l’heure actuelle, les manger requiert encore beaucoup d’efforts, et je ne ressens que très peu de plaisir à le faire. Et pourtant, vous en conviendrez, manger est une source de plaisir, au delà de toute considération nutritionnelle.
Mon traitement m’a servi à transformer l’effort surhumain que représentait auparavant le fait de goûter un aliment nouveau en effort possible. Mais cela reste un effort. Il semble juste désormais réalisable. L’antidépresseur a transformé les falaises qui m’entouraient en muret tout juste plus grands que moi. Franchissables, mais pas sans peine.
Les efforts, eux, viennent d’une conjonction de pas mal de choses.
L’envie de ne pas décevoir mes proches, qui attendaient tous beaucoup de ce traitement ‘miracle’ inespéré, tombé du ciel du jour au lendemain. Tout s’est fait très vite, et je me suis retrouvée dans un engrenage que je n’avais pas du tout envisagé sans même avoir eu le temps de dire ouf. Je pensais prendre rendez-vous chez le médecin pour parler du traitement, je suis repartie avec une ordonnance pour un mois de traitement. C’était parti, je ne pouvais plus reculer, ce que tout le monde avait attendu pendant vingt ans était enfin possible, et je ne me sentais pas la force de leur répondre « euh non attendez, je ne suis pas franchement prête là, on va attendre un peu que je me fasse à l’idée, ok ? »
Le soutien sans faille de mon copain. Je vis avec lui, et il m’a soutenu chaque jour sans exception, sans jamais pousser, sans jamais me forcer. Il a fait de gros gros efforts pour réussir à me comprendre, à mieux me connaître sur ce plan là, et à m’aider et me conseiller au mieux jour après jour. Il m’a d’ailleurs dit ce soir qu’il commence à mieux cerner ce que je peux aimer de ce qui me rebutera, et je sais que s’il me propose de goûter quelque chose, je peux lui faire confiance, c’est que je suis capable de le manger.
L’envie, dont j’avais déjà parlée précédemment, d’en découdre avec ce blocage, avant de pouvoir envisager avoir des enfants un jour.
Et puis aussi, les fruits de la thérapie comportementale que j’avais entamée l’an dernier, et qui en quelques mois seulement m’ont permis d’apprendre à mieux appréhender et gérer le stress que génère en moi l’approche d’un aliment nouveau. Je reviendrai là dessus plus longuement une prochaine fois, mais être capable de savoir qu’une crise d’angoisse, c’est un pic, qui arrive au bout d’un moment à son maximum, et que si on attend un peu, il finit forcément par redescendre, ça m’a beaucoup aidée. Savoir qu’une fois la crise passée, je reviendrai à mon état normal. Qu’une fois le premier morceau goûté, il faut que j’attende justement ce retour à la normale avant de pouvoir envisager d’en prendre un deuxième. Même si cela peut prendre jusqu’à vingt minutes.
Les médicaments servent justement à contrôler ce pic de stress. Je sais que l’angoisse est toujours là, je la ressens au creux de mon ventre, mais elle n’a plus assez de force pour m’empêcher de bouger, elle n’est plus assez puissante pour me paralyser sur place. Mon esprit peut alors reprendre le dessus, et après je reste maître de mes mouvements.
Mon médecin me l’avait dit, pour lui le médicament allait seulement servir de béquille, d’élément déclencheur. Chaque victoire m’a rendue un peu plus forte, et au bout de quelques tentatives réussies, tel le gosse sur son vélo, je savais que je pouvais pédaler sans roulettes, et ce, sans risques majeurs.
Parfois, je tomberai, m’écorcherai un peu les genoux, mais je sais que je ne resterai pas engluée dans le béton, je ne m’étoufferai pas avec un gravier, et surtout, après chaque chute, chaque déception, je remonterai sur mon vélo vers de nouvelles destinations.
Et puis, une chose importante, dont on n’a pas conscience quand on est néophobique : on peut ne pas aimer certaines choses. Cela n’est pas grave, et surtout, surtout, ce n’est pas non plus définitif.
Le goût s’éduque, le goût s’apprivoise, le goût évolue.
Merci, ton article répond à mes questions sur le médicament!
C’est dingue, j’ai découvert ton blog par hasard en tapant « néophobie alimentaire » dans google, je suis tombée sur le lien de ton blog que ta maman avait laissé sur doctissimo je crois. Et là, je découvre qu’une solution est possible.
En lisant tes articles je me dis que c’est inespéré. Je pense voir mon médecin dans quelques temps et lui en parler. J’espère qu’elle comprendra, je lui ai déjà expliqué que j’étais difficile et évoqué le terme « néophobie alimentaire ». Bizarre ce que ce terme est peu connu des médecins, des psys…
Et je te comprends quand tu dis « Se mettre du jour au lendemain à mettre systématiquement du fromage rapé dans ses pâtes, parce que tout le monde le fait, même si je les préfère au beurre ? Est-ce que j’en ai vraiment envie ? ». Je crois qu’effectivement, passer plus de 20 ans à manger quotidiennement la même chose nous a conditionné. C’est pour ça aussi que c’est difficile de goûter aux nouveaux aliments. Au fond, ce qu’on mange est un peu comme un cocon rassurant. Et c’est pas rassurant de manger quelque chose qu’auparavant on ne mangeait pas…
Quand tu iras voir ton médecin, parle de lui de TOC. Les médecins en général ne connaissent pas la neophobie, mais ils savent commet traiter les TOC.
Salut,
Je découvre ce blog via Angélique qui m’en a parlé. J’ai la même « particularité » alimentaire. Leeloo, est-tu déjà venue sur le forum qui traite de la néophobie alimentaire ?
Comme, je l’ai déjà dis à angélique, par mon expérience, je pense que l’approche psy (toc) et les médicaments ne sont pas adaptés. Notamment, ils font l’impasse sur l’estime de soi et le sentiment de décalage vis à vis des autres. Sur ces 2 aspects justement, tout n’est pas question de volonté, mais plutôt de changement dans notre manière de perçevoir et d’interpréter la réalité. La dessus, tu trouveras plus d’aide auprès des artistes que des psy.
Je ne pense pas que tu sois une chieuse pathologique comme tu te décris dans tout tes messages. Je te remercie de ton témoignage, il nous permet de se rendrent compte qu’on n’est pas tout seuls à vivre avec cette difficultée et ça rassure. Je t’encourage à poursuivre tes efforts afin d’atteindre les objectifs que tu t’es fixé quels qu’ils soient.
Fait juste attention avec les médicamments, ce n’est pas anodain et ils peuvent causer plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Il existe d’autre moyens pour gérer les angoisses. De mon côté j’ai choisi de considérer l’apprentissage de la diversification alimentaire comme un jeu, une distraction comme on peut le faire dans un cours de danse, ou autre loisirs. Tu n’es jamais montée sur un grand 8 juste pour t’amuser à te faire peur par jeu. Rien que ça, les angoisses sont bien moins fortes que de se dire c’est une catastrophe et une honte absolue si je n’arrive pas à manger pareil que tout le monde. Fonce, tente le coup sans te poser cent mille questions, tout ce que tu risques c’est d’arriver à ce que ça marche. Quand ça bloque, ne force pas, et ré-essaye à un autre moment ou tu te sentiras mieux disposé.
en tout cas, bonne chance,
alexis
Salut Alexis,
J’étais venue sur le site au début de mes recherches sur la néophobie, mais le forum ne fonctionnait pas le soir où j’y étais allée, et j’en avais conclu qu’il avait été laissé à l’abandon, je n’avais jamais retesté depuis. Mais depuis qu’Angélique est arrivée ici, j’en ai conclu qu’en fait il devait juste y avoir un problème technique le jour où j’avais tenté… Je viens donc juste de m’inscrire, j’attends la validation…
Pour ce qui est des médicaments, je sais que ce n’est pas un traitement anodin, et d’ailleurs je l’ai arrêté plus tôt que prévu car je ne supportais plus les effets secondaires. Au bout de deux mois, je ne dormais presque plus, j’avais des vertiges et n’arrivais plus à marcher droit à cause de la fatigue, donc j’ai réduit pendant 15 jours avant d’arrêter totalement. Mon médecin aurait aimé dans l’idéal que je continue le traitement pendant encore quelques mois, mais c’est lui qui m’a dit d’arrêter, car il s’est bien rendu compte que je ne supportais plus le traitement.
Il est important, pour envisager ce type de traitement, d’avoir un médecin en qui on a confiance, et qui prend le temps de bien suivre le traitement dans la durée. Je voyais le mien tous les quinze jours, c’est un ami de la famille qui me connaît depuis ma naissance, et je savais qu’il ne m’aurait pas proposé cette solution s’il n’était pas absolument sûr de lui et des résultats possibles. Et la preuve, les résultats sont là, cinq mois après le début du traitement je mange du poulet et du poisson, je n’aurais jamais pu envisager cela il y a six mois.
Je ne regrette en aucun cas d’avoir pris ce traitement, malgré les effets secondaires. Car ce qu’il m’a permis de faire, je n’aurais jamais été capable de le faire sans, et pour preuve, ma thérapie comportementale n’avait donné quasiment aucun résultat. Je te trouve un peu radical quand tu dis que l’approche psy et médicamenteuse n’est pas adaptée. Je suis d’accord sur le fait que ça ne suffise pas, et qu’il faut aussi faire un travail sur soi, et sur la manière de voir les choses. Mais ce dernier, sans une béquille plus forte en soutien (le médicament pour ma part), ne suffira pas dans la plupart des cas, du moins les plus avancés. Comme je le disais dans un précédent article, je pense que la première étape de ma guérison est sur le point de s’achever, justement parce que c’est maintenant à moi de faire ce travail de changement dans ma façon de percevoir les aliments notamment, et que c’est un travail de longue haleine. Mais sans les médicaments, cette première étape n’aurais jamais pu avoir lieu… Le jeu ne peut pas tout résoudre…