Ou plutôt, écrire pour réaliser qu’on avance.
Mon combat a pris un tournant moins spectaculaire, plus anodin, et pourtant je continue à le mener jour après jour, et surtout, presque sans m’en rendre compte. Malgré tout, les victoires sont bien là, aussi extraordinaires que les premières.
J’ai arrêté le traitement fin juin, après 5 mois de traitement. L’objectif de mon médecin était de me monter à trois cachets par jour, mais je suis restée à deux, parce que déjà à cette dose là, j’avais du mal à supporter les effets secondaires. Et c’est d’ailleurs ces derniers qui m’ont fait arrêter le traitement plus tôt que prévu. Je dormais très mal, j’avais des vertiges, bref, il me devenait difficile de continuer comme ça. Mais déjà, le médicament avait joué son rôle de béquille, et l’important s’était bien imprégné. J’en suis capable. Je peux y arriver, goûter n’importe quoi, tout ce que je veux. Bien sûr, c’est plus facile pour certaines choses que d’autres, et il me reste encore beaucoup de chemins à parcourir, aux grandes victoires viennent s’ajouter quelques petites défaites, des déceptions et des faux-pas, mais le plus important est fait : je peux le faire.
Ce soir, j’ai mangé deux morceaux entiers de poisson pané. Sans avoir la sensation de me forcer. La dernière fois, en faisant de gros efforts, j’avais réussi à manger la moitié d’un morceau, pas plus.
La semaine dernière, je commandais un menu au fast-food de Disney, sans rien modifier ou enlever à la recette originale. Un burger au poulet avec son fromage, sa sauce, sa salade et ses tomates. J’ai juste enlevé les tomates moi-même avant de le manger, mais comme je vois beaucoup de gens régulièrement le faire dans les fastfoods. Et j’en ai mangé plus de la moitié. La première fois de ma vie que je mangeais de la salade.
Il y a deux semaines, je me préparais des croque-monsieur maison, augmentant encore un peu plus la dose de chiffonnade de jambon de Bayonne que je mettais dedans. L’un avec quelques morceaux, et le deuxième croque avec juste du fromage. Et j’ai trouvé meilleur celui dans lequel j’avais mis du jambon. Et quelques jours plus tard, quand j’ai voulu me préparer des croques et que j’ai vu qu’il ne restait plus de jambon dans le frigo, j’ai été déçue.
Maintenant, quand on va manger à la crêperie, je prends une galette oeuf fromage, alors qu’avant je ne prenais que du sucré. Je n’arrive pas encore à la manger en entier, mais c’est un début, et c’est nouveau pour moi, de commander un plat salé, qui plus est qui se trouve sur la carte, suivi d’un dessert sucré.
Avant hier, j’ai piqué deux morceaux de poulet et des petits morceaux de fromage de la salade Ceaser de mon chéri au restaurant. C’est l’un de mes prochains défis, la salade Ceasar, et elle viendra peut-être plus rapidement que je ne le pensais il y a encore quelques jours.
J’ai aussi mangé des petits morceaux de melon, et même une bouchée accompagnée d’un petit bout de jambon fumé l’autre jour. La première fois que j’ai goûté le melon, j’ai détesté ça. Grosse déception pour moi, car le melon faisait partie des aliments dont l’odeur me plaisait beaucoup. Mais petit à petit, je me fais à son goût, et je ne désespère pas réussir à en manger de plus en plus. Il paraît qu’il faut manger de quelque chose neuf fois pour l’apprécier. Je n’en suis qu’à 4. Je ne perds pas espoir.
Et surtout, il ne se passe plus une semaine sans que je ne mange une pizza.
Et puis il y a une autre grande victoire, dont je n’avais pas encore parlée, mais qui me tient énormément à coeur. Ce sont les commentaires que m’ont laissé Lili et Angélique. Ces demoiselles sont comme moi, et je sais qu’on est un certain nombre en France – et ailleurs – à être dans la même situation. Pendant de très nombreuses années, j’ai cru que j’étais simplement pas normale, très difficile, alors je n’ai même pas cherché à approfondir le sujet. Et puis un jour, au hasard d’une émission de radio, mon père a pu mettre un nom à mon problème. Alors forcément, j’ai de suite cherché sur internet à en savoir plus. Et j’ai étonnée de trouver au final assez peu de choses sur le sujet, mais suffisamment tout de même pour confirmer ce qu’avait entendu mon père : c’est bien de néophobie que je souffre. Et je me suis vite retrouvée assez frustrée, de savoir que je ne suis pas la seule, mais que je n’ai aucun moyen de pouvoir partager cela avec mes pairs, de pouvoir trouver du soutien, et, maintenant que j’ai pu un peu faire évoluer ma situation, de pouvoir en aider d’autres, qui sûrement comme moi ne savent pas trop vers qui se tourner.
Et si j’ai créé ce blog, c’est essentiellement pour cela. Pouvoir m’adresser à ceux qui rencontrent le même genre de difficulté, et pouvoir leur dire que c’est possible d’en sortir, et qu’ils ne sont pas seuls. Et croyez moi, quand on parle de ça à son médecin, et qu’il ne sait même pas ce que c’est, la solitude, on tombe dedans bien profond. Et j’en ai croisé quelques uns des médecins, avant d’en trouver un qui me parle de TOC et d’un traitement possible…
Tout ça pour dire que les messages d’Angélique et de Lili me donnent aujourd’hui envie de continuer ce blog que j’avais un peu laissé à l’abandon depuis quelques temps, alors merci les filles.
Ah je voulais justement savoir où tu en étais, cet article répond à ma question! Je trouve ça presque hallucinant les efforts que tu as faits, et en si peu de temps au final…J’aimerais bien savoir ce que tu mangeais « avant »,histoire de voir à quel point tu as varié ton alimentation. Parce que personnellement je m’imagine mal goûter par exemple du fromage alors que je n’en ai jamais mangé (du moins pas que je me souvienne). Penses-tu que tes efforts viennent plus du médicament ou de ta propre volonté?
Pour avoir goûté certains aliments, sans « aide » médicamenteuse, l’effort était pour moi surhumain,et la peur de vomir l’aliment était bien là. Que ressentais-tu lorsque tu goûtais un nouvel aliment pendant la période où tu prenais le médicament? Et maintenant?
Ca peut paraitre bête mais je me pose des questions sur les effets du médicament. Est-ce qu’il change vraiment les émotions ressenties avant/pendant/après avoir goûté l’aliment inconnu?
Un petit article serait le bienvenu pour que tu expliques tout ça, je pense que ça pourrait intéresser tes lecteurs.
En attendant je te souhaite de bonnes vacances.
A bientôt,
Angélique.