Témoignages

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Tiphaine, adulte néophobe – portrait Vracc

Tiphaine est néophobe, et a créé la page Instagram @team_neophobie pour donner la parole aux néophobes et partager leurs témoignages.

Elle prend également la parole en vidéos pour faire connaître plus largement la néophobie chez les adultes, comme elle l’a fait sur Vracc, un média vidéo qui fait des vidéos courtes de portraits de personnes ayant une spécificité peu connue du grand public.

Vous pouvez découvrir le témoignage de Tiphaine dans la vidéo ci-dessous :

Merci Tiphaine pour tout ce que tu fais pour la communauté des néophobes !

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Podcast – La tête chocolat

Laure est diététicienne nutritionniste, et a créé le podcast La tête chocolat. Dans ses interviews, elle parle des troubles du comportement alimentaire et plus largement de l’impact de notre santé mentale sur notre alimentation (et vice versa).

Chaque épisode est l’occasion de rencontrer des patients, aidants ou soignants, qui partagent des outils et des pistes de réflexions à tous ceux qui cheminent vers le rétablissement.

Cet été, elle est venue me rencontrer pour que je lui parle de ce trouble de l’alimentation si méconnu qu’est la néophobie alimentaire. Ensemble, on a retracé mon parcours, de gamine capricieuse à adulte sur le chemin de la guérison. On y a parlé des pistes qui ont fonctionné ou non, et surtout, du choix que j’ai eu, de ne pas devoir guérir à tout prix.

Je vous souhaite une belle écoute.

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Je souffre d’un trouble alimentaire dont vous n’avez probablement jamais entendu parler

Partage d’un article publié le 23 juillet 2020 dans le journal canadien Huffington Post Quebec, écrit par Rivkah Lambert Adler
Source : article original
Ce texte, initialement publié sur le HuffPost États-Unis, a été traduit de l’anglais.

Je n’ai jamais mangé d’avocat, d’ailes de poulet, de cornichons, de yogourt ou de café. En fait, la liste des aliments que je n’ai jamais goûtés est beaucoup, beaucoup plus longue que la liste de ceux que j’ai déjà mangés.

Je souffre d'un trouble alimentaire dont vous n'avez probablement jamais entendu
MACTRUNK VIA GETTY IMAGES

Je suis une adulte et je n’ai jamais mangé de sushi. Je n’ai jamais goûté d’avocat, de pamplemousse, d’ailes de poulet, de cornichons ou de yogourt et, sans vouloir vous bouleverser, je n’ai jamais bu une tasse de café. En fait, la liste des aliments que je n’ai jamais goûtés est beaucoup, beaucoup plus longue que la liste de ceux que j’ai déjà mangés.

Pendant longtemps dans ma vie, je ne savais pas pourquoi l’idée de manger certains aliments me faisait vomir. Je savais que je n’étais pas simplement difficile avec la nourriture, mais jusqu’à très récemment, je ne savais pas qu’il y avait un nom pour ce que je vivais.

Maintenant, j’en sais plus. J’ai un trouble de l’alimentation sélective et évitante. En termes simples, il s’agit d’une phobie alimentaire dans laquelle le fait d’avaler certains aliments, ou même de penser à les avaler, entraîne des réactions physiques indésirables comme la fermeture involontaire de la gorge, des haut-le-cœur et des vomissements.

Mon trouble alimentaire a commencé lorsque j’étais enfant. Quand ma famille mangeait de la nourriture chinoise, je ne mangeais que du riz blanc. Un peu plus tard, j’ai commencé à manger des rouleaux impériaux, mais seulement l’extérieur. J’ai de vifs souvenirs de mon père qui grattait la garniture au chou et me donnait la coquille vide.

J’ai un souvenir particulièrement traumatisant d’un affrontement avec mon père au sujet d’un foie poêlé. J’étais jeune, probablement pas plus de 6 ou 7 ans. J’étais anémique et ma mère a préparé le foie pour m’aider à combattre mon anémie. Mais j’ai refusé de le manger.

Alors que j’étais assis en face de mon père, il m’a dit: «Nous allons rester assis ici jusqu’à ce que tu manges ça. Et si tu ne le manges pas ce soir, je te le servirai au déjeuner. Et il sera froid.»

La liste des aliments que je refusais de manger était toujours plus longue.

Il a fini par céder, mais ma victoire n’a pas été douce. Je n’avais aucun moyen d’expliquer ce que je ressentais à ce moment-là. Je n’étais pas une enfant obstinée, mais je savais que je n’arriverais jamais à avaler le foie.

En grandissant, d’autres aliments sont venus s’ajouter à mon répertoire, mais la liste des aliments que je refusais de manger était toujours plus longue.

Beaucoup plus longue.


Les enfants sont souvent difficiles avec la nourriture, mais lorsque je suis devenue mère et que je ne connaissais personne d’autre comme moi, j’ai commencé à chercher des réponses. J’ai contacté un professeur d’université qui a mené des recherches sur les comportements alimentaires difficiles chez les enfants. Il m’a dirigé vers un de ses étudiants de troisième cycle qui avait fait des recherches sur l’alimentation difficile chez les adultes.

Dans sa thèse, j’ai pu lire au sujet d’adultes dont le régime alimentaire complet était composé de moins de dix aliments. Je savais que je ne m’alimentais pas comme la moyenne des gens, mais je n’étais pas non plus aussi restrictive. Elle a également trouvé des associations statistiquement significatives entre ses sujets et toute une série de problèmes neurologiques et psychologiques, comme l’autisme et les TOC, dont je ne souffrais pas. Sa thèse était intéressante, mais elle ne me représentait pas et ne me donnait aucun aperçu de mon propre comportement.

Il y a un nom réel pour ce comportement que je pensais si unique. Pouvoir le nommer a été un grand soulagement.

Puis, il y a quelques années, je suis tombée sur un groupe de soutien sur Facebook pour les gens difficiles avec l’alimentation. J’ai été étonnée par ce que j’y ai découvert. Non seulement il y avait d’autres adultes comme moi, mais nous étions toute une communauté. Il y a un nom réel pour ce comportement que je pensais si unique. Pouvoir le nommer a été un grand soulagement.

Ce trouble alimentaire est un ajout relativement récent au DSM-V, la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, que les professionnels de la santé utilisent pour aider au diagnostic. Par contre, comme la grande majorité des professionnels ne sont pas encore familiarisés avec ce trouble, les patients sont souvent incapables d’obtenir un diagnostic clinique.

Une fois que j’ai trouvé le groupe de soutien sur Facebook, j’ai su avec certitude que mon incapacité physique à avaler certains aliments, et le sentiment d’anxiété que j’éprouve autour de ceux-ci, sont la preuve que ce que j’ai longtemps considéré comme une relation bizarre avec la nourriture est un véritable diagnostic. Je n’ai pas besoin d’un professionnel, qui en sait probablement moins que moi à ce sujet, pour le confirmer. Des décennies à être confrontée à des aliments que je n’arrive juste pas à manger, même si je le voulais, représente la seule confirmation dont j’ai besoin.

Les personnes atteintes du trouble de l’alimentation sélective et évitante qualifient d’«aliments sûrs» les aliments qu’elles peuvent manger avec aisance. Ma liste d’aliments sûrs est plus longue que celle de beaucoup d’autres personnes souffrant de ce trouble alimentaire, mais ça ne signifie pas que je ne ressens pas d’anxiété face à la perspective d’avoir à avaler de nombreux aliments conventionnels.

Je souffre d'un trouble alimentaire dont vous n'avez probablement jamais entendu
OSCAR WONG VIA GETTY IMAGES

Chaque personne atteinte de ce trouble a sa propre liste d’aliments sûrs. Comme c’est souvent le cas, mais pas tout le temps, beaucoup de mes aliments sûrs sont des glucides, comme la pizza, les pâtes et les pommes de terre blanches, ou des aliments à forte teneur en calories comme les noix. Ça complique les efforts pour maintenir un poids sain.

D’autres de mes aliments sûrs sont propres à moi. Par exemple, le blanc de poulet est un aliment sûr pour moi, mais les ailes ou les cuisses ne le sont pas. Les poivrons jaunes et orange sont sans danger, mais pas les rouges. Les plats à base de bœuf haché ont de grandes chances d’être corrects, mais le bifteck ou les côtes d’agneau ne sont jamais des aliments sûrs pour moi. La plupart des crèmes glacées ne sont pas des aliments sûrs pour moi; il n’y a que la vanille ordinaire qui passe toujours et seulement si elle est dure comme de la pierre. Les brocolis et les oignons sont sans danger, mais les champignons, les asperges, les betteraves, les tomates, les olives et les navets me provoquent tous un serrement de gorge.

S’il existe un modèle qui peut expliquer les aliments qui sont toujours sûrs pour moi, je n’ai jamais réussi à l’identifier. Je peux regarder un aliment et savoir instantanément, par la façon dont mon corps réagit, si c’est quelque chose que je pourrai manger sans avoir envie de vomir.

Dans certaines de mes relations, mon alimentation limitée a créé des tensions.

Au cours des dernières décennies, je me suis adaptée à mon palais excentrique. J’ai appris à cuisiner et j’ai introduit des dizaines de nouveaux aliments dans mon répertoire d’aliments sûrs. Mais je ne suis toujours pas une «mangeuse normale». Et mon trouble alimentaire interfère toujours dans ma vie sociale.

Dans certaines de mes relations, mon alimentation limitée a créé des tensions, soit parce que j’ai refusé d’essayer certaines cuisines ou certains aliments, soit parce que je ne mange pas dans des restaurants particuliers où il n’y a pas d’aliments sûrs au menu. Lorsque je trouve un aliment sain dans un restaurant, je commande généralement la même chose à chaque fois.

Mon mari, dont le palais est aussi large que le mien est étroit, est remarquablement accueillant et accommodant. Lors de notre lune de miel, il y a 23 ans, nous sommes entrés dans un restaurant de plats à emporter où il y avait un buffet. Des dizaines de plats étaient exposés. J’ai rapidement balayé tout le buffet. N’y trouvant aucun aliment sûr, je me suis tournée vers mon nouveau mari et j’ai dit, simplement, «non».

Aujourd’hui, nous parlons en riant d’aliments qui ne sont pas sûrs pour moi comme étant des «aliments nah». Je considère que c’est une grande bénédiction que mes enfants ne souffrent pas de ce trouble, parce que vivre avec cette maladie peut rendre fou.

Mes amis proches savent tous que je «mange bizarrement». Certains amis mettent un point d’honneur à toujours avoir des poivrons jaunes à disposition quand on est invité. Certains préparent des plats que j’ai déjà mangés par le passé. Si je me sens assez proche de quelqu’un, je lui dirai précisément ce qu’il pourrait faire que je pourrais manger.

C’est toujours gênant avec de nouveaux amis et je ne suis pas assez à l’aise pour m’y attarder. Je ne leur parle pas de mon trouble alimentaire. Je mentionne simplement que je mange bizarrement ou je me qualifie comme difficile avec la nourriture. Puis je croise les doigts et j’espère qu’ils ne seront pas assez intéressés pour poser des questions complémentaires.

Être invitée à un repas chez quelqu’un pour la première fois reste un défi. J’ai assisté à des soupers où les gens faisaient des commentaires désagréables sur ce que je mange (ou ne mange pas) et j’ai assisté à des repas où les seuls aliments sûrs pour moi étaient, littéralement, le pain et l’eau.

Même si c’est beaucoup plus de travail, je préfère généralement être hôte plutôt qu’invitée parce que ça évite la danse prévisible – quoiqu’inconfortable – qui s’ensuit si je dis à l’avance à l’hôte que j’ai des difficultés avec la nourriture.

Hôte: Dis-moi simplement ce que tu ne manges pas et je m’en occuperai.

Moi: La liste des aliments que je ne mange pas est assez longue. Je vais juste apporter ma propre nourriture. Je ne veux pas que tu te donnes du mal.

Hôte: Je veux faire quelque chose que tu vas aimer. Je ne veux pas que tu aies à apporter ta propre nourriture.

Moi: (dégoûtée et embarrassée) OK, voici la nourriture que je mange, mais je ne veux vraiment pas te donner du travail supplémentaire. (Je partage ensuite une liste limitée et très précise d’aliments sûrs, en espérant que l’hôte ne roule pas des yeux et me dit que j’aurais souhaité ne jamais être invitée au départ).

Bien que je ne sache pas comment ni pourquoi cette phobie de la nourriture a commencé pour moi, il y a quelques choses que je sais. Mon trouble alimentaire va bien au-delà d’un simple repas difficile. Et la majorité des personnes qui en sont atteintes ne peuvent pas simplement s’en débarrasser.

Le groupe de soutien a été vraiment utile. Je sais maintenant qu’il existe des traitements cliniques d’hypnothérapie qui ont beaucoup de succès auprès d’adultes comme moi. Le traitement est un investissement. Je ne l’ai pas encore essayé, mais je ne l’ai pas non plus exclu.

Qui sait, il pourrait y avoir des sushis dans mon futur.


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Léa, néophobie « à peu près guérie »

Léa fait partie du groupe Facebook Néophobie alimentaire, et quand elle s’est présentée, j’ai tout de suite eu envie qu’elle partage son expérience sur le blog.

Je vais être honnête avec vous, des cas de néophobie où l’alimentation s’élargit autant ne sont pas si courants sur le groupe. Mais il ne faut pas oublier que ça arrive, et un peu de positif de temps en temps, ça ne fait pas de mal !

 

 

/!\ Ce post est d’abord à l’attention des néophobes adolescents et adultes recherchant un témoignage «positif» d’une personne se considérant comme à peu près «guérie». /!\

Temps de lecture estimé : long. Très long.

 

Bonjour à toutes et à tous !

Je me présente : je m’appelle Léa, j’ai 23 ans et demi et je suis néophobe depuis aussi loin que je me souvienne (depuis l’âge de 2 ans d’après ma môman). Je précise d’ores et déjà que je ne souffre pas outre mesure du syndrôme de dysoralité sensorielle. Je suis dégoutée par les odeurs des supermarchés, des cantines de médiocre qualité, de kebabs et de certains aliments mais je n’ai pas un odorat ni un goût surdéveloppé qui ferait de ma vie un enfer.

Je précise également que mon grand-père maternel souffre aussi de néophobie (il refuse catégoriquement de goûter ce qu’il ne connait pas) et/ou de sélectivité alimentaire (il ne mange aucun aliment blanc, par exemple). Ma mère est quant à elle très sensible aux odeurs et sans être véritablement néophobe, elle est assez « difficile » concernant certains aliments.

Aujourd’hui, je me considère comme à peu près «guérie» de ma néophobie ou en tout cas, en bonne voie de «guérison». Ce que je veux dire par là, c’est que mon rapport à la nourriture ne me cause (quasiment) plus de soucis au quotidien.
Bien sûr, beaucoup de questions sur la néophobie/sélectivité alimentaire me turlupinent encore. Je me pose aussi encore quelques questions sur mon rapport aux autres en lien avec la nourriture : Est-ce-que je peux parler de mon rapport particulier à la nourriture à untel/untelle ? Comment rendre compte de mon ressenti aux autres ? Comment faire respecter et entendre aux autres qu’il s’agit d’une incapacité de ma part et non d’un choix ? Comment exprimer à quel point cette incapacité fût une souffrance pour moi étant petite et continue à l’être un petit peu même si globalement je m’en bats plus ou moins les steaks maintenant ? Comment leur expliquer que non, je ne suis pas «chiante» sur la bouffe mais qu’au contraire, je suis la première «victime» de ce rapport chelou à la bouffe ? Comment leur faire prendre conscience des énooooormes progrès que j’ai fait et de tous les efforts et le travail sur moi que ça m’a demandé ?
Bref.

A l’heure actuelle, je peux manger dans quasiment n’importe quel restaurant que l’on me propose (tous sauf ceux qui ne proposent absolument aucun plat végétarien (ce qui devient rare à Paris et soit dit en passant, je bénie les végan ! Ma vie est devenue bien plus simple grâce à eux.). Cela me simplifie grandement la vie et les rapports sociaux ! Quasiment plus personne ne remarque que j’ai un problème bizarre avec la bouffe (ou alors on me confond avec une végétarienne), je n’ai (quasiment) plus peur de changer d’environnement et de ne rien trouver à manger, j’aborde à présent la plupart de la nourriture avec un enthousiasme certes modéré mais bien réel, et il m’arrive parfois d’avoir envie/de désirer manger tel aliment plutôt qu’un autre (auparavant, cela ne m’arrivait jamais de me dire : «Tiens, dis donc, j’aimerais bien du fromage fondu !»).

Jusqu’à mes 17-18 ans, je ne me mangeais QUE des féculents (toute la gamme, je pense), 3 yaourts de marques bien précises (Danette vanille-caramel, Laitière vanille en grand pot, Dany au chocolat), quelques fruits et légumes (carottes crues, haricots verts crus, radis, pommes, poires, clémentines) et c’est tout. 0 viande (excepté le chorizo cuit), 0 poisson, 0 fruits de mer, 0 dessert, 0 fromage. Impossible de toucher, de sentir ou d’avaler ces trucs (ça me rappelle qu’une fois, on m’a mis des morceaux de viande de force dans la bouche, j’ai mâché pendant 2h sans réussir à déglutir, tout en culpabilisant de ne pas y arriver et j’ai dû finir par cracher mes morceaux de viande dans la corbeille de ma classe de CP, devant tout le monde #minitrauma ). Et j’ai bu mon chocolat chaud dans mon biberon jusqu’à mes 7-8 ans parce que je refusais de le boire dans un bol (ça n’avait pas le même goût selon moi). Vers mes 7-8 ans, plus de biberon, plus de Nesquik.

Le point de départ de ce changement se trouve cinq ans plus tôt avec l’introduction dans mon alimentation de la pizza Margarita et avec elle, la tomate (groooosse révolution) ainsi que plus de fruits (je les mange tous maintenant). J’ai aussi commencé à manger des glaces et des Danettes goût autre que vanille (pistache, noisette, coco…) mais sans réussir à tenter celles au chocolat (je bute toujours sur la crème de chocolat actuellement) et des pizzas végétariennes. Tout cela s’est fait treees progressivement, pendant quatre ans.

J’ai ensuite eu une deuxième phase, qui a commencé il y a tout juste un an, en juin dernier. Le processus de « guérison » était déjà enclenché mais cela n’allait pas assez vite à mon goût. J’ai donc décidé de me donner un coup de boost et je suis allée voir une personne spécialisée dans la diététique (je voulais apprendre à «bien» manger) et les troubles du comportement alimentaire. Elle ne connaissait pas la néophobie mais elle a été très compréhensive et m’a aidé à passer la vitesse supérieure (et pas qu’un peu) ! Depuis maintenant plusieurs mois, je mange ainsi quasiment tous les légumes (sauf les haricots verts cuits, beurk beurk beurk) ou les ai goûtés au moins une fois. Je peux aussi manger des yaourts autres que mes 3 marques favorites s’il n’y a rien d’autre et je mange quelques desserts (ceux qui ne sont pas crémeux et les tartes) !
La plus grosse révolution à été le fromage fondu (j’ai découvert le plaisir de manger une énorme raclette, ça n’a pas de prix *.*) ! Maintenant j’adoooore ça ! Pour le fromage non fondu, normal, j’ai encore beaucoup de réserves. Il faut que je sois vraiment dans un très bon jour pour me lancer. Je mange aussi des fruits de mer (crevettes, moules et même poulpes à la gallega ou frits!).
Pour ce qui est de la viande, ça reste assez compliqué. Je mange un peu de charcuterie et de porc sous format saucisse et un tout petit peu de poulet (par exemple sous format « poulet au caramel » au restaurant chinois). Le poisson reste le pire aliment pour moi. Il y a quelques mois, j’ai goûté le saumon (c’est rose, c’est joli) et ça m’a plu mais pour tout le reste, je n’ai absolument pas du tout envie d’y toucher. Cela me dégoute encore absolument : j’ai un gros rejet de tout ce qui rapporte à la mort et quand la viande ou le poisson ne sont pas modifiés (c’est-à-dire mis sous une forme différente comme des nuggets, par exemple) je ne vois pas de la nourriture mais une carcasse. Et de toute façon, je ne vois pas vraiment l’intérêt de manger des animaux (l’élevage pollue énormément). A ma répulsion irrationnelle vient s’ajouter une répulsion rationnelle, je pense donc ne jamais devenir une grande consommatrice de viande.

Également, je suis à présent capable de faire la vaisselle des autres en cas de force majeure (un air de dégoût profond ne quittera cependant jamais mon visage). Et dans les bons jours, je suis également capable de mettre spontanément les assiettes et les couverts sales dans le lave-vaisselle (ça me dégoûte toujours beaucoup mais j’arrive maintenant à dépasser ce dégoût).

Finalement, je dirais qu’aujourd’hui je souffre toujours un peu de sélectivité alimentaire mais plus de néophobie : je n’ai pas/plus peur de goûter quelque chose de nouveau (au contraire, j’ai même très envie de goûter ce que je ne connais pas) cependant il y a encore beaucoup de produits alimentaires que mon cerveau ne considère absolument pas comme des aliments et il existe toujours des textures qui me dégoûtent (notamment tout ce qui est très crémeux).

Mais comment tous ces changements se sont-ils donc produits ?, vous demandez-vous certainement. Par quel miracle tripler sa gamme d’aliments ingérables ? Par quel truchement passer d’une alimentation subie à une alimentation choisie ? En somme, par quelle opération divine reprendre le contrôle de son alimentation ?
Et bien sans plus attendre, je vais vous le dire :
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Je ne sais pas ! Ha ha ha ha !
Désolée.

Plus sérieusement, j’ai quelques pistes de réflexion, quelques indices… Mais ce qui vaut pour moi ne vaut pas forcément pour tout le monde. Je ne me risquerai donc pas à faire des généralisations douteuses. Je peux simplement témoigner de la façon dont cela s’est passé pour moi.

D’abord, j’ai remarqué qu’il m’est beaucoup plus facile de goûter un aliment lorsque je suis en petit comité, en présence d’une personne en laquelle j’ai la confiance ABSOLUE qu’elle ne me jugera pas. Pour exemple, j’ai goûté ma première pizza lors de l’anniversaire de ma meilleure amie. Elle m’a rassurée sur le fait qu’il n’y avait pas que très peu d’ingrédients dans la pizza Margarita, seulement de la pâte et un peu de fromage et de tomate, qu’elle avait confiance dans le fait que j’allais aimer et m’a montré la poubelle juste à côté de nous en me disant que ce n’était pas grave si je recrachais ou même si je refusais finalement de goûter. Elle m’a laissé 1) une porte de sortie et 2) son opinion de moi ne dépendait absolument pas de ma capacité ou non à goûter. Je suis certaine que ces éléments ont été CAPITAUX.
Il me faut donc un environnement de confiance et/ou un environnement où personne n’a d’a priori sur mon rapport à la nourriture. Par exemple, si je mange avec plusieurs personnes que je ne connais pas, ça me permet de goûter un aliment incognito. Mais, ça, c’est venu dans un second temps, quand ma gamme d’aliments a commencé à s’élargir un peu et que j’ai pu fréquenter les restaurants plus facilement.

Bref, je dirais qu’il faut absolument un environnement où on se sent totalement safe, où il n’y a absolument aucune pression sur la bouffe. Mais si un excellent environnement est nécessaire, cela n’est pas encore suffisant.

Le cœur de la solution, qui est aussi le cœur du problème, c’est nous (en tout cas, ce fût moi-même). Dis comme ça, je sais que ça fait très shaman bisounours récitant un mantra afin d’ouvrir son chakra des sphincters mais je m’explique : avant, j’étais complexée, je n’étais pas du tout à l’aise avec moi-même, très peu sûre de moi, timide, etc. Mais l’entrée à l’université m’a menée à tenter de nouvelles expériences (sorties, consommation de diverses substances plus ou moins licites, rencontres de nouvelles personnes très différentes de moi et de mon milieu social, premiers véritables émois amoureux, également un gros échec scolaire alors que j’ai toujours été excellente à l’école et qui m’a mené à une énorme remise en question (et une bonne dépression au passage), etc). J’en étais même venue à rechercher les nouvelles expériences pour elles-mêmes (avec une dimension un peu malsaine, je dois l’admettre).
Tout cela, toutes ces expériences bonnes et mauvaises m’ont énormément changée.

Si je parle de tout cela, c’est parce que c’est à cette même période que j’ai commencé à goûter et à introduire de nouveaux aliments dans mon alimentation, petit à petit, de temps en temps, quand je me sentais disposée à le faire et sans que j’y prête très attention, finalement.
En fait, le fait de vivre et de voir beaucoup de choses nouvelles m’ont conduit à 1) en apprendre plus sur moi-même (ce que je veux, ce que j’aime), 2) avoir beaucoup plus confiance en moi et à m’affirmer beaucoup plus et 3) à être beaucoup plus détendue et ouverte d’esprit qu’avant. Et ainsi, sans que je m’en rende compte sur le moment, mon rapport à la bouffe a commencé à changer aussi, dans la continuité de tous ces changements et ces évolutions.

Bien sûr, j’ai encore des difficultés (j’ai parfois des réflexes vomitifs au moment où je m’y attends le moins, je mange très lentement et avec précaution les aliments qui ne sont pas encore bien introduits dans mon alimentation et parfois je ne finis pas mes plats car ceux-ci peuvent me donner la nausée même si je les apprécie) mais que de progrès réalisés ! Et surtout, la nourriture n’est plus un frein à quoi que ce soit dans ma vie.
Par exemple, je ne me suis absolument pas empêchée de partir deux mois complets à l’autre bout du monde afin de réaliser le voyage que je rêvais de faire depuis tant d’années ! Que ce soit au Cambodge ou en Thaïlande, il a finalement été facile pour moi de trouver de quoi manger, d’autant plus qu’il était possible dans presque tous les restaurants de remplacer le bœuf par du poulet, des crevettes ou du tofu grillé. J’ai même réussi à goûter du serpent ! Mais je ne le recommande pas car c’était plein de vertèbres. Mon séjour en Chine a été un peu plus difficile au niveau de l’alimentation car j’ai eu beaucoup de mal à trouver des plats végétariens ou sans trop viande ou de poisson. Je me contentais donc le plus souvent de champignons, de riz et de petits pois (j’ai tout de même goûté beaucoup de nouvelles choses comme un plat d’aubergines grillées et du poulet caramélisé). Par moment, j’ai eu des difficultés là-bas mais j’ai toujours réussi à me réfugier dans une boulangerie française pour acheter du pain normal (faîtes gaffe, ils mettent de la crème dans presque toutes leurs viennoiseries !) ou dans un Pizza Hut, un Mac Do ou autre !
Bref, je vous encourage à ne pas laisser votre trouble alimentaire être un frein à vos envies de sortie et de voyage ni à vos relations sociales !

 

(Soit dit en passant, à la lecture des témoignages réguliers qui circulent sur le groupe Facebook des néophobes et à force de réflexion sur mes propres difficultés, j’ai remarqué que nombre de personnes souffrant de ce trouble souffrent également d’une sorte d’anxiété sociale ou je-ne-sais-quoi qui les contraint tout autant que la néophobie. Le trouble alimentaire créé-t-il cette anxiété ou la nourrit-il simplement ? Cette anxiété est-elle le fruit du trouble alimentaire ou, à l’inverse, le trouble alimentaire est-il le symptôme de l’anxiété ? Bref, c’est la question de l’œuf et de la poule et mon parti est d’agir sur les deux. C’est-à-dire que dans le doute, autant travailler à la fois sur son anxiété et sur son trouble alimentaire.)

 

Pour conclure et en un mot, je dirais que lors de ces dernières années, j’ai repris possession de moi-même et que ça a eu pour conséquence (ou expression) le fait que je reprenne également possession de mon alimentation.

Voilà, ça sonne très philosophique et nian-nian tout ça mais si je dois analyser les choses et tenter de leur donner un sens et une cohérence, c’est de cette manière que je me le figure.

Encore une fois, je ne sais absolument pas dans quelle mesure mon expérience peut être généralisable ou non. Le seul conseil que je pourrais donner est celui de tenter des choses nouvelles (et positives, hein ! Vous droguez pas svp). Cela peut signifier différentes choses pour chacun.e d’entre nous. Mais je pense que c’est toujours bien de se faire parfois un peu violence et d’aller en dehors de sa zone de confort. Également, je pense qu’il ne faut pas se focaliser exclusivement sur son alimentation. Si le reste va, la nourriture suivra.

Et puis si ça ne suit pas, tant pis, il faut pas s’en faire tout un fromage ! LOL

Sur ce bon mot se termine cet article. J’espère qu’il vous aura plu et aura redonné du courage à nombre d’entre vous !

Néophobiquement vôtre,

Léa

 

 

Un grand merci à Léa pour ce témoignage super complet, et qui redonne un peu d’espoir ! Il ne faut pas oublier que rien ne se fait en un jour, et que c’est un combat de tous les jours, petite victoire après petite victoire, mais comme quoi tout est possible !

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Terrorisés de goûter – Un article de La presse +

Partage d’un article publié le 29 mai 2018 dans le journal canadien La presse +
NÉOPHOBIE ALIMENTAIRE

TERRORISÉS DE GOÛTER

Notre alimentation n’a jamais été aussi variée. Les médias ne cessent de nous faire découvrir de nouveaux ingrédients. Les foodies courent les restaurants pour tester leur menu. À l’opposé, des personnes ne mangent que deux ou trois fruits, car elles ont peur de goûter aux autres. D’autres évitent des catégories entières d’aliments. Incursion dans le monde intime et méconnu des adultes souffrant du trouble de l’alimentation sélective et évitante.

UN DOSSIER DE MARIE-EVE FOURNIER

PLUS QUE DES CAPRICES

Des pommes et des bananes. Des petits pois, du brocoli et des pommes de terre. Du poulet et du bœuf. Deux fromages. Des féculents. Aucun condiment. Aucune sauce. Aucun fruit de mer. Des œufs, seulement s’ils sont cuits d’une certaine manière. Voilà de quoi se compose essentiellement l’alimentation de Julie Dawson. Qui, pourtant, n’est pas difficile. Ni capricieuse.

Pourquoi ne mange-t-elle pas de fraises, de bacon, de sauce BBQ ? Elle n’y a jamais goûté. Et l’idée de le faire l’effraie, comme d’autres ont peur des araignées, des foules ou de l’avion. Sa phobie porte un nom : néophobie alimentaire, un trouble qui touche une bonne proportion d’enfants d’âge préscolaire et certains adultes. Une réalité méconnue, taboue, peu documentée.

« Ce n’est pas juste “je n’aime pas ça, ça me lève le cœur”. Ça va beaucoup plus loin que ça. […] Ce n’est pas que tu ne veux pas goûter. C’est que tu n’es pas capable de le faire. Il se passe quelque chose dans ton corps », explique la psychologue Chantal Bournival, directrice de la Clinique des troubles de l’alimentation. La personne peut paniquer, recracher, vomir…

Malgré les préjugés et l’incompréhension, Julie Dawson a accepté de témoigner pour venir en aide à d’autres néophobes en démystifiant ce trouble. Car s’il existe de nombreux écrits sur les enfants qui refusent de goûter les légumes, la science n’a rien à dire ou presque sur les plus grands.

En fait, la recherche sur le sujet est tellement embryonnaire que le taux de prévalence chez l’adulte, même approximatif, est inconnu, rapporte la Dre Mimi Israël, spécialiste de la question à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. Le trouble de la restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments (une nomenclature qui regroupe divers troubles, dont la néophobie) n’est entré dans la bible des troubles mentaux, le fameux DSM-5, qu’en 2013.

INCOMPRÉHENSION DE L’ENTOURAGE

« Les amis que j’ai depuis longtemps et ma famille comprennent, confie Julie Dawson. Mais si je rencontre quelqu’un de nouveau, c’est dur d’expliquer pourquoi je ne mange pas quelque chose. Ça me fait toujours angoisser. » Ainsi, au lieu d’admettre qu’elle n’a jamais goûté à un aliment, elle dit qu’elle ne l’aime pas, pour simplifier.

Malgré tout, on lui pose parfois des questions aux réponses évidentes. « Mon père me demande encore si je veux du ketchup ! Je ne sais pas s’il oublie ou s’il a espoir », raconte la femme de 40 ans qui a déjà goûté au condiment une fois « par accident dans un hamburger ».

La psychologue Chantal Bournival constate qu’il y a « beaucoup d’incompréhension chez l’adulte », et précise que la néophobie peut engendrer des tensions dans les couples – lorsque vient le temps d’aller souper dans la belle-famille, par exemple – ainsi qu’à l’arrivée d’un enfant. Les néophobes pourront se faire accuser d’être responsables de la néophobie de leur progéniture pourtant normale dans leur développement. Ils vont aussi se mettre beaucoup de pression pour que leur enfant mange de tout.

« C’est très complexe, plus chez l’adulte que chez l’enfant. Et ça provoque de l’isolement social. La personne se sent jugée, ce qui crée de l’anxiété à manger avec d’autres personnes. »

— La psychologue Chantal Bournival

« C’est pire de manger chez des gens qu’au restaurant, où on peut faire un choix », poursuit la psychologue, en ajoutant que le trouble provoque aussi des carences nutritionnelles.

HYPERSENSIBILITÉ AUX ODEURS ET AUX TEXTURES

Louise Nadeau n’est pas très attirée par les fruits, elle non plus. Elle mange des fraises, des framboises, des pêches. Pas de porc, d’agneau, de veau, de gibier, d’abats, de fruits de mer. Le bœuf ne doit présenter aucun gras, aucun os, idem pour le blanc de poulet.

« Tout le monde est pâmé sur les sushis. Moi, vous ne réussirez jamais à me faire manger ça. Je ferais une syncope. Pourquoi ? Je ne le sais pas », explique la femme de 60 ans qui n’a pris conscience de son trouble que l’an dernier, et qui rêve de « retrouver sa liberté alimentaire ».

Louise Nadeau refuse divers aliments en raison de leur texture ou de leur température, ce qu’on appelle le trouble de l’alimentation sélective (TAS). « Je ne peux pas manger de pain avec des graines. Je ne peux pas mélanger le mou et le dur. » La crème glacée, c’est non. « Je n’aime pas le froid. » La variété d’une seule marque de yogourt passe le test. « Du grec, ce serait impossible : c’est granuleux ! »

« LE PIRE, C’EST LA POMME »

Robin Belley est encore plus sensible à l’acidité des fruits. Il n’en a jamais mangé un seul. Même bébé, sa mère ne réussissait pas à lui en faire manger en purée. « Je criais, je pleurais, je vomissais, je ne voulais rien savoir », relate-t-il. Adulte, il a réussi à intégrer le jus d’orange à son alimentation. Mais c’est tout.

Quel fruit le rebute le plus ? « Le pire, c’est la pomme. Je ne suis pas capable. Mais je ne sais pas pourquoi, je n’ai pas investigué. » Il n’est pas dégoûté, mais les fruits lui font faire « des faces ». C’est comme si sa langue était trop sensible, le goût trop intense pour être supportable, décrit-il.

Les odeurs (poissons, fromages, œufs) et des aversions provoquées par un événement anxiogène sont également à l’origine de certains TAS, explique Chantal Bournival, qui précise que deux troubles – néophobie et TAS – se confondent facilement et que plusieurs personnes souffrent des deux à la fois.

« Moi, je me considère comme quelqu’un de joyeux, qui aime la vie et qui est ouvert d’esprit. Et je me retrouve avec un secret comme celui-là… Ça clashe ! », lance Louise Nadeau.

L’ANGOISSE AU MENU

À l’université où Julie Dawson travaille, ses collègues sont des foodies qui se précipitent chaque jour de paie dans un resto à la recherche d’expériences culinaires excitantes. Julie les accompagne « pour parler », pour faire partie du groupe. Mais chaque fois, « c’est difficile ».

« Mes amis ne me jugent pas. Mais ils me poussent un peu. L’autre jour, j’ai pris un taco. Seulement la coquille et le bœuf dedans. »

Lorsque nous lui avons parlé, ses collègues venaient de lui apprendre que leur prochaine destination était le LOV, un resto végétarien à la mode à Montréal. « Je vais prendre des frites et manger autre chose en revenant au bureau », prévoyait-elle.

Car évidemment, elle regarde toujours les menus d’avance pour voir si elle pourra commander quelque chose (en demandant un changement, généralement) ou si elle devra s’organiser en mangeant avant ou après. Un comportement que la psychologue Chantal Bournival voit chez tous ses patients néophobes ou souffrant d’un TAS.

« En regardant d’avance le menu, je sais ce que je vais manger. J’ai l’air relaxe et personne ne se doute de rien. »

— Louise Nadeau, atteinte de néophobie alimentaire

La Dre Israël, qui a traité depuis cinq ans une cinquantaine de cas extrêmes (des personnes présentant un important sous-poids et des carences nutritionnelles), dit que ses patients « ne vont jamais au restaurant » tant cela les angoisse.

LE CONFORT ITALIEN

Comme bien d’autres néophobes, Julie Dawson ne fréquenterait dans un monde idéal que les restaurants italiens. « La vie serait plus simple s’il y avait juste des restaurants italiens et du blanc de poulet », concède Louise Nadeau, qui se limite généralement à manger de la soupe ou des salades au resto.

Évidemment, pour un néophobe, les repas chez les connaissances ou la famille éloignée, ainsi que les cocktails dînatoires avec de petites bouchées composées de plusieurs ingrédients (fruits de mer, poisson, fromages, sauces) et les buffets gastronomiques sont de véritables sources de stress. Et de mise en place de stratégies : manger avant ou après, prétendre ne pas avoir faim, se bourrer de pain en cachette, s’inventer des allergies, etc.

« On a un problème si l’anxiété est assez présente pour être en anticipation », note la Dre Israël.

ET LES VOYAGES ?

Tandis que Mme Nadeau s’empêche de voyager à certains endroits comme le Mexique et l’Asie parce qu’elle sait qu’elle n’aimera pas la nourriture, Julie Dawson, elle, ne s’en priverait pas même si son niveau d’angoisse « serait très élevé ». « En France, il y a des Subway et des McDo partout. Je ne suis pas foodie, alors je me fiche de ce que je mange. Je veux juste trouver quelque chose pour survivre. »

La question des voyages lui rappelle une anecdote survenue en Australie. « Je mange des Cheerios ordinaire tous les matins. Mais en Australie, ça goûtait un peu différent, un peu plus le miel. Je ne pouvais pas en manger. »

Louise Nadeau est encore marquée par un repas en France. « À Lyon, quand j’ai vu la carte d’un restaurant gastronomique avec du cerveau, de la langue et des rognons, je ne pouvais pas croire que des humains mangeaient ça ! »

Qu’est-ce qu’un bon resto ? « Un resto qui sert quelque chose que j’aime », répond Julie Dawson.

Merci à Anderson Cooper

Le journaliste vedette de CNN Anderson Cooper a beaucoup contribué à faire connaître la néophobie alimentaire chez l’adulte en abordant le sujet sur diverses tribunes. Il a déjà dit à un magazine qu’en voyage, il commande sa nourriture dans le menu pour enfants des hôtels puisqu’il a « le palais d’un jeune de 7 ans ». Il a aussi révélé à Jerry Seinfeld qu’il n’avait jamais goûté à une gaufre, même s’il aime les crêpes.

DES FÉCULENTS DU MATIN AU SOIR

Certains blogues tenus par des néophobes et des études menées sur des enfants rapportent que ce sont les fruits qui provoquent le plus d’angoisse. Viendraient ensuite les légumes et les viandes. Ainsi, certaines personnes racontent n’avoir mangé que des féculents toute leur vie. La Dre Mimi Israël, de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, ne peut dire si ce palmarès est véridique ou pas, faute d’études sérieuses sur le sujet. De son côté, la psychologue Chantal Bournival a déjà effectivement rencontré des patients qui ne mangent que des féculents et constate dans sa pratique que les fruits, les légumes et la viande sont les trois catégories d’aliments les plus souvent rejetées par ses patients. C’est le cas de l’auteure du site phobie-alimentaire.fr, Marie Perchey, une jeune femme de 29 ans qui travaille à Paris. Pendant 20 ans, raconte-t-elle, elle n’a mangé pratiquement que des frites, du riz, des pâtes au beurre, des pommes de terre, du pain et des bananes. Elle a réussi à varier son alimentation au moyen de diverses stratégies qu’elle détaille et explique sur son site rempli de références intéressantes.

Les caractéristiques du trouble de la restriction ou évitement de l’ingestion d’aliments selon le DSM-5

  • Perte de poids importante
  • Carences nutritionnelles importantes
  • Dépendance envers les suppléments nutritionnels
  • Perturbation du fonctionnement psychosocial (incapacité à manger avec d’autres, anxiété à aller au restaurant ou chez des amis)
  • Aucune volonté de perdre du poids, aucun lien avec l’image corporelle
  • Les problèmes nutritionnels ne s’expliquent pas par un accès insuffisant aux aliments ou une pratique culturelle (tel le jeûne religieux)
  • Il n’est pas nécessaire d’avoir tous les symptômes pour avoir un diagnostic. La perturbation du fonctionnement psychosocial, par exemple, suffit, note la Dre Mimi Israël.

Source : Programme canadien de surveillance pédiatrique

LES SOLUTIONS

Il y a de l’espoir pour les adultes qui rêvent de varier leur alimentation et d’être capables de manger n’importe quels entrée et plat principal au restaurant.

La thérapie cognitivo-comportementale

Cette thérapie expose graduellement la personne à ce qui lui fait peur. Ce traitement permet d’obtenir « de bons résultats », dit la psychologue Chantal Bournival. On commence par faire la pyramide des aliments angoissants en plaçant les plus phobiques au sommet. Et on apprivoise d’abord ceux à la base. « Certaines personnes ne peuvent même pas s’imaginer ouvrir un pot de yogourt, alors on ne leur en donnera pas une bouchée ! », dit Mme Bournival. L’exposition progressive peut commencer par le fait de regarder une image de l’aliment, l’entrer dans la pièce, le toucher, le couper et finalement y goûter. Souvent, le thérapeute mange l’aliment avec le patient.

L’enchaînement alimentaire

Cette méthode consiste à essayer de nouveaux aliments similaires à ceux qui sont déjà aimés. Par exemple, une personne qui mange des pâtes et des pommes de terre bouillies pourrait tester les gnocchis. Les pépites de poulet pourraient mener aux poitrines de poulet, la trempette au yogourt. Le rapprochement avec les aliments jugés sûrs peut se faire en se basant sur la couleur, la texture, la forme ou l’odeur. Pensez aussi à piger dans le même groupe alimentaire. Il peut être astucieux de tester l’aliment sous différentes formes et textures : râpé, en tranches, en cubes, bouilli, grillé.

Le pairage des aliments

Cette technique consiste à s’habituer à un aliment non toléré en l’associant à un autre qui est aimé. Par exemple, une personne qui n’aime pas le fromage pourrait en mettre un peu sur du pain. « Il faut éviter l’évitement, explique la Dre Mimi Israël, de l’Institut Douglas. Il faut réentraîner le cerveau à ne pas avoir peur en lui montrant qu’il n’y aura pas les conséquences désagréables auxquelles il croit. »

 

Encore une fois merci aux médias qui enfin relaye de façon sérieuse et soutenu par des professionels de santé cette maladie méconnue et surtout non reconnue, d’autant plus en ce qui concerne les adultes !

Témoignages

Marie, néophobe en voie de guérison

Si vous avez déjà parcouru les articles de ce blog, vous connaissez déjà probablement une partie de mon parcours. Pour ceux qui découvrent ce site, cela peut-être une bonne entrée en matière. Je vais profiter de cet article pour vous retracer tout mon parcours, et renvoyer vers les différents articles qui parlent de certaines étapes plus en détail.

 

Avant, j’étais difficile, compliquée.
Une chieuse, une vraie.

Chieuse au point de toujours refuser d’aller manger
chinois, japonais, indien, mexicain…
parce qu’il n’y aura rien que j’aime.
Chieuse au point de systématiquement réclamer un plat de pâtes
quand on va manger chez quelqu’un, parce qu’il n’y a jamais rien
de ce que je peux manger au menu.
Le genre de chieuse que les serveurs regardent toujours
de travers en demandant si je suis bien sûre de ne vouloir que ça,
quand je commande mon assiette de frites.

Et puis un jour, j’ai pu y mettre un nom.
Me coller une étiquette, me ranger dans une case,
avec plusieurs centaines d’autres personnes à travers le monde.
Des centaines.
Ce n’est rien, mais pour moi c’est énorme.

Aujourd’hui, je souffre de néophobie alimentaire.
Et je me soigne.

 

Voilà, ça, c’est moi. Je crois que ce texte, que j’avais écrit ici il y a quelques années, au tout début du blog, définit vraiment bien ce que j’ai été pendant des années.

 

Tout a commencé à mes 18 mois, je n’ai jamais fait le passage aux morceaux. En bouillie et purée, je mangeais de tout, ma mère était super contente et persuadée d’avoir une enfant facile, avec qui la nourriture ne serait pas un souci… Que nenni, ce fut un vrai cauchemar !

Pendant plus de 20 ans, je n’ai mangé qu’une liste très restreinte d’aliments, ne comprenant aucune viande ni poisson, aucun fruit à une exception près, et aucun légume à une exception près également :

  • Pâtes au beurre — surtout pas de sauce malheureux !
  • Riz, au beurre uniquement aussi
  • Frites
  • Pommes noisettes
  • Pommes rissolées
  • Oeufs à la coque (mais pas le jaune trop cuit dès qu’il devient dûr impossible d’y toucher)
  • Chips natures — au sel
  • Quelques gâteaux apéritifs natures
    Monster munch, Curly, Monaco…
  • Allumettes au fromage faites par ma maman (pâte brisée et gruyère en torsade, gratiné au four)
  • Pain blanc
    La mie bien sûr, mais aussi l’extérieur, je n’ai jamais aimé les aliments trop cuits
  • Croissant, pain au chocolat, pain de mie (pas la croûte), pain au lait
  • Yaourts sans morceaux
    Essentiellement natures avec du sucre
    Certains parfums de yaourts aromatisés et de petits suisses passaient aussi
  • Quelques marques/sortes de gâteaux bien précis
    Pim’s à l’orange, Kango à la fraise,
  • Crêpe au sucre
  • Gaufre au sucre
  • Oasis orange
    Petite, je n’aimais pas l’eau et je n’ai bu que ça pendant des années
  • Jus d’orange sans pulpe

Et les deux exceptions mentionnées plus haut :

  • Bananes
    En faisant la grimace, mais comme c’était le seul fruit que je mangeais, ma mère n’a jamais lâché et je devais manger ma banane quotidienne !
  • Soupe aux légumes verts faite maison par ma maman
    Sans aucun morceau, très bien mixée après cuisson, puis encore mixée au moment de la réchauffer

Voilà, listé comme ça ça a l’air de faire pas mal de choses, mais en fait en vrai c’est vraiment rien du tout, et on peut résumer ça grossièrement à : riz pâtes frites et yaourts, je ne suis pas loin de la vérité avec ça.

J’ai vécu comme ça toute mon enfance, j’ai mangé été à la cantine pendant presque toute la maternelle et le primaire, j’avais toujours deux yaourts natures de côté de façon à être assuré que j’aurais quelque chose dans le ventre même s’il n’y avait rien que je mangeais au menu.
L’un de mes premiers souvenirs, c’est d’être la dernière à la cantine, de voir les copains jouer dans la cour dehors, et que la dame de la cantine essaye de me faire manger. Un cauchemar…
Et puis en CM1 la directrice de l’école a changé, la nouvelle a dit qu’il était hors de question que j’aie droit à des privilèges alors que tous les autres enfants doivent goûter à tout, et ma mère a dû me retirer de la cantine et rentrer tous les midis pour me faire à manger.

En CE1, je suis partie en voyage scolaire pour la première fois, et j’y suis partie tous les ans après ça. Ma mère et la maîtresse s’étaient organisées avant, et j’avais de la bouffe plein ma valise. Bretagne, Haute Normandie, classe verte en forêt, puis au collège Angleterre, Espagne, Belgique, puis au lycée re-Espagne et re-Angleterre, je les ai tous faits et je ne le regrette absolument pas, ce sont de merveilleux souvenirs !

Au collège, c’était chez ma grand-mère que je mangeais le midi, mais ne pas être à la cantine m’a coupée d’une grande partie de la vie sociale et mes années collèges ne se sont pas très bien passé pour moi, le moral n’était pas au mieux. Aujourd’hui, il existe des solutions qu’on ne connaissait pas à mon époque, comme de mettre en place un PAI, pour permettre à l’enfant d’apporter son propre déjeuner mais de pouvoir quand même manger à l’école ou au collège. Si c’était à refaire, je pense que je choisirai de manger à la cantine, car même si j’en garde de merveilleux souvenirs avec ma grand mère et une complicité que je n’aurais jamais eue sans ça, j’ai quand même vraiment souffert du manque de liens sociaux au collège.

Au lycée, il y avait, en plus de la cantine, une petite cafétéria à emporter qui vendait des sandwichs, mais surtout des chips et des yaourts. Là encore, comme à l’école, les dames de service me connaissaient bien, et m’en gardaient de côté pour que j’aie toujours de quoi me nourrir tous les jours. Pendant trois ans, je n’ai mangé que deux paquets de chips et un yaourt chaque midi. Je n’en suis pas morte, je ne suis pas devenue obèse, ni horriblement maigre, je n’ai jamais manqué de force (je subissais même les cours de sport comme les autres ahah), mais surtout je passais toutes mes pauses avec mes amis, et je garde un souvenir merveilleux de mes années lycée.

Alors, certes, je sais que la nourriture ne fait pas tout et que ce n’est pas l’unique facteur qui a joué sur mon sentiment vis à vis du collège et du lycée, mais je reste persuadée que ça joue beaucoup quand même dans les liens sociaux !

 

 

Un point important à noter, c’est que, enfant, je n’avais aucune envie de goûter de nouvelles choses, de manger d’autres aliments. Même si parfois je me laissais de ce que je mangeais — ça allait par phase, et parfois je ne mangeais plus certains aliments pendant des mois — à aucun moment, au fond de moi, je n’ai eu envie de manger « comme tout le monde ». La seule raison qui aurait pû me pousser à penser ça était cette envie D’ÊTRE comme tout le monde, de ne plus avoir à subir les jugements et regards extérieurs. Mais en soit, en parlant strictement de la nourriture, je n’en avais pas envie. Et je me suis souvent dit que si je vivais seule sur une île déserte — mais avec ma maman pour me faire à manger, une cuisine et un supermarché pas trop loin quand même, ou alors un arbre à frites et patates rondes — je vivrais tout à fait très bien toute ma vie de ne manger que ce que je mangeais à l’époque.

Devant un aliment nouveau, je me sentais paralysée, incapable du moindre mouvement. Et si alors on me parlait de devoir le goûter, panique à bord, larmes, gros drame en perspective. J’ai donc développé un talent certain pour l’évitement, accompagnée de ma complice de toujours ma maman, qui veillait à ce que les repas se passent toujours au mieux, que ce soit à la maison ou en extérieur.

A la fin de l’adolescence, certaines odeurs ont commencé à me plaire, voire même à me donner envie, comme la pizza, le poulet ou encore le melon. Mais même si l’envie commençait à poindre le bout de son nez, impossible pour moi de passer le pas de goûter, le fait même de porter l’aliment à ma bouche était tout simplement inimaginable.

Et puis, la vingtaine passée, j’ai commencé à me dire que je voulais des enfants, et la question de savoir comment élever des enfants pour qu’ils mangent de tout, quand nous même on n’en est pas capables, a commencé à me tarauder. C’est cette pensée qui a été le déclencheur de tout ce qui a suivi pendant les sept ou cinq dernières années.

Dans la clinique en bas de chez moi, il y avait une diététicienne. Tous les jours, je passais devant sa plaque, ça m’a travaillé un moment, je commençais à avoir envie de « ré-apprendre à manger » — c’est comme ça que je le voyais à l’époque. Un jour j’ai posé la question à mon médecin traitant, à qui j’avais rapidement expliqué la situation au début de la prise en charge. Il m’a dit que cela ne servirait à rien et que c’était une psy comportementaliste qu’il fallait que je voie. C’est comme ça que tout a commencé.

Mon premier suivi, mes premiers essais, et la machine était lancée. Même si ma thérapie cognitive et comportementale a été assez courte — six mois, j’ai dû l’interrompre car j’ai changé de ville à la fin de mes études —, j’en retire une meilleure compréhension et maîtrise de mes réactions d’angoisse. Je sais quand elles arrivent, et surtout comment me comporter — quoi faire et surtout quoi éviter — pour qu’elles passent au plus vite. En revanche, même si j’ai réussi à goûter quelques aliments, je n’ai réussi à en ajouter aucun à mon alimentation quotidienne.

Quelques mois plus tard, suite à un repas de famille qui ne s’est pas très bien passé — mon cousin me reprochait d’être un mauvais exemple pour ses enfants — un ami proche de la famille, qui me connaît depuis toute petite et qui assistait lui aussi au repas, a discuté de mes problèmes de nourriture avec ma maman. Il pensait que mon trouble alimentaire se rapprochait beaucoup des TOCs — troubles obsessionnels compulsifs — et que peut-être qu’un traitement similaire pourrait m’aider à progresser. Comme vous pouvez le voir, mes premiers suivis me sont un peu tombés dessus par hasard, sans vraiment de recherche de ma part ou de celle de mon entourage. Mais ils sont arrivés à un moment où j’étais, sinon demandeuse, en tout cas réceptive à ce genre de proposition.

Le traitement pour les TOCs, à base d’antidépresseurs à forte dose, n’a pas duré bien longtemps non plus, pour cause d’effets secondaires trop conséquents, mais j’ai pu grâce à ça me libérer de l’angoisse qui m’empêchait de m’approcher d’aliments inconnus, et goûter les aliments qui me faisaient envie depuis longtemps : le poulet, la pizza, le melon. J’ai aussi étendu les possibilités des aliments que je mangeais déjà, grâce au food chaining, en combinant les aliments que je connaissais ou variant les formes de préparation : croques monsieur sans jambon, gratins de pâtes et pommes de terre, et patates sous toutes ses formes. Grâce à ces premiers progrès, j’ai pu avoir une vie sociale — surtout les repas — bien plus simple — manger de la pizza, des burgers de poulet et des nuggets, croyez moi ça simplifie les commandes au resto ! — et aussi diversifier vraiment mes repas. Même si la base d’aliments bruts restait singulièrement la même, je pouvais varier et n’avais plus l’impression de manger toujours la même chose.

 

Manger un burger entre amis pour un anniversaire,
une pizza avec des collègues ou une raclette au nouvel an,
ça n’a pas de prix ! Et le tout avec le sourire s’vous-plait !

Au moment où j’ai commencé à faire mes premiers progrès, j’ai ouvert ce blog, pour y raconter mon parcours, mais surtout pour montrer à d’autres personnes dans mon cas qu’il était possible de progresser ! Car avant tout ça, ça me semblait tellement impossible !

J’ai ensuite testé l’hypnose avec Antoine Garnier, sans grands résultats visibles ou quantifiables — même s’il est probable que mon inconscient a travaillé tout ça. Cet hypnothérapeute m’avait été recommandé par Félix Economakis, le grand gourou soigneur magique des néophobes en 1 journée à Londres. Felix était membre du groupe facebook anglophone Living with SED Selective Eating Disorder, et c’est comme ça que j’ai eu vent de ses soit-disant prouesses.
Encore aujourd’hui, et d’autant plus avec mes dernières découvertes sur la dysoralité, je reste convaincue que même s’il réussit peut-être à faire disparaître l’angoisse de goûter, il est impossible de changer radicalement son régime alimentaire du jour au lendemain, que ce soit l’habituation aux nouveaux goûts et nouvelles textures, et surtout la prise de nouvelles habitudes, ça prend du temps tout ça !

Sur le groupe Facebook anglophone, et à travers mon blog, j’ai rencontré Bérénice et Angélique, deux néophobes adultes, qui n’étaient pas très à l’aise avec l’anglais, alors on a créé un groupe francophone sur le même sujet : Néophobie alimentaire, ou trouble de l’alimentation sélective. En à peine cinq ans, on a déjà plus de mille membres sur le groupe. Moi qui pensais être la seule avec ce souci !

Grâce à une maman membre du groupe facebook, j’ai découvert le SDS — Syndrome de Dysoralité Sensorielle, ainsi que le suivi par une orthophoniste, avec massages de désensibilisation dans la bouche. J’ai été suivie pendant un peu plus de six mois par Cécile Chapuis, puis j’ai abandonné, découragée par le manque de progrès.

Grâce à la visibilité du blog — il y a très peu de sites ou blogs qui traitent de ce sujet en français —, j’ai été contactée plusieurs fois par des journalistes pour participer à des émissions de télé. Certaines n’étaient pas en adéquation avec ce que je veux faire passer comme message. Je ne veux pas passer pour une « cassos » capricieuse ou extravagante, je veux vraiment qu’on prenne cette maladie au sérieux et qu’on arrête de culpabiliser les mamans. J’ai donc refusé certaines d’entres elles. Puis j’ai été contactée par France 2 pour « Toute une histoire ». Après de nombreux échanges téléphoniques, la journaliste a fini par déclarer que j’étais « trop guérie » et a donc refusé que je participe à l’émission, mais une autre maman du groupe y a été pour témoigner pour son fils.
Enfin, M6 m’a contactée il y a un peu plus d’un an, pour l’émission E=M6 « TOCs, phobies et troubles alimentaires, comment s’en débarrasser ? », qui a été diffusée sur M6 le 21 juin 2016. Même si c’est très court et que je n’ai pas dit la moitié de ce que j’aurais voulu dire à la télé, même si tout n’a pas été retranscrit exactement comme je l’aurais voulu, ça a permis de mettre des mots sur notre trouble, pour beaucoup de personnes qui n’auraient probablement jamais cherché plus loin que « je suis difficile », et pour moi c’est déjà énorme.

L’émission a également été l’occasion de rencontrer une orthophoniste qui travaillait différemment, sans massages mais avec une approche progressive des aliments, par le toucher, puis les sentir, les lécher, les apprivoiser en quelques sortes avant de les goûter.

J’ai donc commencé un nouveau suivi avec une autre orthophoniste, Chloé Loiseau, et on fait des mises en contact avec de nouveaux aliments toutes les semaines. Pomme, poire, framboise, citron, ananas, pêche, cerise. Tomate, sandwich jambon fromage, salade de pâtes, salade de riz, quiche aux légumes, soupe froide… Même si tout n’a pas été un succès — il y a certains aliments que je n’ai pas encore réussi à intégrer à mon alimentation quotidienne, et même dont je serai incapable de manger un repas entier — j’ai quand même réussi à tout goûter, à tout avaler même, et pas une fois je n’ai vomi. Je dois mâchouiller un bâtonnet de plastique deux fois par jour pour désensibiliser mon réflexe nauséeux, et elle me fait faire des activités de diversion pour pas que je me focalise trop sur ce que je goûte. Et ça marche !

Ces derniers mois, j’ai fait des progrès de géant, je mange maintenant quelques légumes, et pas mal de fruits. C’est vraiment un cercle vertueux, qui donne des ailes et pousse à essayer toujours plus de choses nouvelles ! Malheureusement, Chloé déménage (à Bordeaux pour ceux qui seraient dans la région), donc ce suivi va s’arrêter après 7 mois, mais je sais qu’elle a initié des choses qui vont continuer à progresser sans aucun doute.

 

Voilà où j’en suis aujourd’hui, ce sont des efforts quotidiens, pour continuer à manger les aliments nouveaux, qui même si j’en apprécie le goût, sont toujours un peu difficiles niveau texture, pour prendre de nouvelles habitudes alimentaires, pour ne pas tomber dans la facilité des repas « safe » et simples… Mais j’ai quand même vraiment beaucoup progressé, c’est le jour et la nuit par rapport à ce que je mangeais il n’y a que quelques années…

Aujourd’hui, je mange des protéines (jambon cru, poulet ou oeuf) tous les jours, je mange de plus en plus de fruits, et je commence les légumes ! Petit à petit, je réduis le nombre de fois par semaine où je mange des féculents (sauf les patates mais j’adore ça et ça ne me fait pas trop mal au ventre, contrairement aux pâtes, alors bon merde hein…) et petit à petit je m’approche d’une alimentation variée et qui me plait !

Témoignages

Sophie-Charlotte, maman de Nicho

Sophie-Charlotte, auteure, entrepreneure et blogueuse, m’a fait l’honneur d’écrire plusieurs articles pour le blog. Elle nous a présenté le PAI, projet d’accueil personnalisé, qui permet à un enfant néophobe d’apporter sa propre nourriture à la cantine le midi, et nous a partagé ce qu’elle a retenu de la lecture de deux livres anglophones à propos de la néophobie. Mais avant tout, je vous laisse à la rencontre de cette maman et de son petit Nicho.

 

Bonjour Sophie-Charlotte, et merci d’avoir accepté de contribuer au blog ! Une grande partie de mon lectorat sont des mamans inquiètes, et avoir le point de vue d’une autre maman est toujours très constructif.

Peux-tu nous parler un peu de toi, et surtout de ton fils ?

 

Je suis maman de 3 enfants : Vic bientôt 8 ans, Nicho 5,5 ans et James 2 ans. Nous sommes une famille franco-anglaise, nous vivons en France mais à la maison l’anglais domine. Mes 2 plus grands sont maintenant à l’école mais étaient en crèche avant cela et c’est dès la seconde année de Nicho en crèche que j’ai compris qu’il y avait un problème… Lors de la diversification, Nicho refusait systématiquement les morceaux, il ne voulait pas de compotes avec des petits bouts dedans et ce refus s’est généralisé sur toute son alimentation, il fallait que ce soit lisse dans les purées et les desserts. Une fois que j’ai compris que cela poserait problème le midi à la crèche vers ses 18 mois, c’était trop tard, la phobie était installée. La crèche estimait qu’il était en âge de manger comme les autres et donc ne lui servait rien d’autres que ce qu’il y avait au menu, jusqu’à ce qu’il s’étouffe devant eux un jour où ils l’avaient probablement forcé…. Quand j’y repense, j’en suis encore malade….

Tant qu’ils sont petits, on pense à du caprice, au bébé de maman sur-protégé parce que c’est le dernier blablabla on vous sort tout un tas d’âneries : ah c’est parce qu’il ne veut pas grandir ! il veut rester bébé…. Enfermez-le 2 semaines dans sa chambre au lieu de diner et il finira par descendre manger à table comme tout le monde. C’est sans doute en rapport le cancer de la bouche de son grand-père (mort 12 ans avant sa naissance). Le genre de psychologie à deux balles dont je me serais bien passée à l’époque.

J’ai eu la chance qu’il y ait un autre enfant dans le même cas et nous échangions pas mal avec la maman du petit A. en question. Je ne suis pas du genre à me cacher ou à me taire, je pose des questions, je me renseigne mais j’étais devant une inconnue : pourquoi mon fils ne veut-il pas mâcher, pourquoi ne veut-il rien goûter, pourquoi a-t-il autant de haut de cœurs ? Je ne comprenais pas, il n’y avait aucune logique. Les repas se transformaient en carnage, mon ainée commençait elle aussi à devenir sélective sur la nourriture alors j’ai du arrêté de me focaliser sur ce point pour le bien-être de tous.

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Nicho ne mangeait que des purées, du haché et des desserts de la même marque. Aucun fruit, aucun gâteau, pas de pain, ni de fromage, ni de biscuit, ni de bonbon. Rien. Sauf son lait de croissance. Mais il avait faim.

Il est rentré en maternelle avec un PAI alimentaire, Plan d’accueil individualisé, comme pour des allergies. J’ai eu la chance de tomber sur un directeur à l’écoute et pour qui la différence est une richesse et non un poids, ce qui est rare en collectivité. A la cantine, le personnel a même était compatissant envers moi, je n’étais plus tout à fait seule.

Son langage en pâtissait, ne mâchant pas, il n’articulait pas bien, des séances d’orthophonie l’ont beaucoup aidé, il a ainsi appris à souffler (ça paraît fou mais il ne savait pas souffler), à appréhender toute sa sphère ORL et il y a eu quelques amélioration côté nourriture : il pouvait mâcher. A l’aide d’un pédopsychiatre, Nicho s’est ouvert au monde extérieur, il est devenu plus sociable et a accepté quelques nouveauté dans son alimentation : comme des saucisses et de nouveau yaourt. Je me suis aperçue aussi qu’il était très sensible aux odeurs : il ne supporte pas celle du chocolat, et aux couleurs : le vert, l’orange et le rose sont importantes pour lui.

Mais aujourd’hui il stagne, pas d’amélioration significative et puis sans chercher je suis tombée sur ce blog recommandé par une amie….

Témoignages

Je suis passée dans e=m6

Fin juin, je suis passée à la télé.
Il y a plus d’un an, je vous parlais du fait que j’avais été contactée par plusieurs journalistes, pour parler de la néophobie à la télé. Si j’ai ouvert ce blog, c’était dans le but de faire connaître la néophobie au plus grand nombre. Une diffusion à la télé va évidemment dans ce sens. En revanche, les émissions qui m’avaient contactée précédemment ne semblaient pas très sérieuses, voulaient faire du show, s’intéressaient plus à l’aspect social qu’au côté médical… Ca ne m’intéressait pas de donner cette image là de la néophobie, et surtout je ne voulais pas que mes propos soient déformés et que ces émissions véhiculent une mauvaise image de la néophobie. Ce que d’ailleurs l’émission Toute une histoire avait fait avec le témoignage de Katia, en lui disant que si son fils ne mangeait pas, c’était sa faute, parce qu’elle était une maman kangourou trop protectrice…

Ce qui m’a plu quand Safar m’a contactée, c’est que dès le début elle m’a dit qu’elle voulait montrer que la néophobie n’était pas un caprice. C’est ce message là que je veux transmettre.

 

 

Bien entendu, 9 minutes c’est très court, on ne peut pas tout dire, beaucoup de choses ont été coupées au montage (et encore, d’autres témoignages ont été coupés pour donner plus de temps au mien, ça devait être encore plus court à la base). Je suis consciente que me voir mettre la pomme sur ma langue lors d’une première séance d’ortho peut sembler impensable à tout néophobe, et que donc il en conclut forcément que c’est de la connerie et que tout a été mis en scène.

 

Ça a n’a pas été le cas. Rien n’a été mis en scène, à part mon arrivée dans le cabinet de l’ortho, et la prise de commande à la pizzeria. Le reste n’a été que discussion avec l’ortho, et réponses aux questions de la journaliste. Rien n’a été exagéré, rien n’a été surjoué. Ça aurait été sûrement plus réaliste si j’avais eu un haut-le-cœur au contact de la pomme avec mes lèvres, si j’avais été incapable d’aller jusqu’à la toucher avec ma langue. Certainement. Seulement voilà, j’ai déjà fait pas mal de chemin ces dernières années, j’ai été traitée pour mon réflexe nauséeux, j’ai appris à traiter mon anxiété, j’ai ajouté de nombreux aliments à mon régime alimentaire qui est de moins en moins restrictif même si je me mange pas encore de tout (loin de là !). Mais tout ça, en 9 minutes, on ne peut pas le dire…

Je touchais bien une pomme crue du bout de la langue pour la première fois de ma vie. Non, c’était la deuxième en fait, j’avais dû lécher une pomme crue en CM2 à l’école lors d’une semaine du goût, j’en avais vomi, je n’ai jamais renouvelé l’expérience depuis. Je touchais donc une pomme crue pour la première fois en 17 ans.

Depuis quelques années, je mange des compotes, mais toujours pomme + un autre fruit, parce que je n’aime pas le goût de la pomme seule. Et depuis quelques semaines, je travaille à incorporer la pomme cuite dans mon alimentation. Je commence à réussir à bien manger la tarte au pomme et la tarte tatin, depuis la semaine dernière seulement. La pomme crue, quant à elle, est encore à des années lumières de pouvoir entrer dans ma bouche. La toucher du bout de la langue ne signifie pas pouvoir la manger, très loin de là… Si vous êtes néophobes ou proche d’un néophobe, vous savez de quoi je parle.

 

 

Alors s’il vous plaît, soyez compréhensif, retenez qu’en 9 minutes on ne peut pas tout dire, et baladez-vous sur ce blog pour avoir l’histoire dans son ensemble.

 

 

 

 

Et un énorme merci à Safar, la journaliste qui a réalisé le reportage, ainsi qu’au cameraman. Tous deux ont été vraiment adorables et le résultat est à la hauteur de ce qu’on aurait pu espérer pour un premier reportage sur le sujet.

 

Témoignages

Sacha et la dysoralité

Alexandra est la maman d’un petit néophobe. C’est grâce à son témoignage que nous avons découvert l’existance de la dysoralité sensorielle, et du traitement de désensibilisation à base de massages intra-buccaux. Elle nous raconte le parcours de son fils, et ce que les massages ont changé pour lui. Un beau message d’espoir pour la suite et pour les autres parents !

 

Je m’appelle Alexandra et je suis la maman d’un garçon, Sacha, de 6 ans et demi.

Depuis tout bébé nous avons été confrontés à un problème alimentaire avec mon fils, au moment de la diversification.
Dès lors qu’il avait des petits morceaux, il tirait au cœur et très souvent vomissait. Il acceptait la purée lisse, yaourt, compote et lait.
Les mois ont passé et rien n’y faisait malgré des essais au quotidien (je peux vous dire que l’on a énormément jeté de la nourriture).

Nous en avons parlé aux médecins, pédiatres mais nous avions droit toujours aux mêmes réponses : un enfant ne se laisse pas mourir de faim, le lait lui suffit, regardez il a de la graisse sur le bidon !!!!
Mais cela ne me suffisait pas comme réponse car je sentais bien que ce n’était pas de la comédie. Surtout que nous avons tout essayé : chantage, punition, récompense, lâcher prise.

Les années passent et fin 2011 j’obtiens enfin une prise de sang pour voir si Sacha avait ou non des carences.
En pédiatrie, je parle de son problème aux infirmières présentent pour la prise de sang. Et là elles m’envoient au CMP. Enfin j’étais entendue !!!

Nous commençons alors une thérapie et un peu plus tard un atelier où il mangeait à l’hôpital avec des infirmières 1 fois par semaine.
Au bout d’un an le bilan était : Sacha est très angoissé, anxieux et nous ne comprenons pas pourquoi il ne veut pas manger autre que ce qu’il mange déjà. C’était la première fois pour eux qu’ils étaient confrontés à ce genre de problème. Nous continuons quand même car au-delà de l’aspect alimentation, Sacha faisait des progrès au niveau de la confiance en soi.

Fin 2012, le CMP veut que Sacha voit une orthophoniste pour un problème de prononciation. Nous y allons et lors du bilan l’orthophoniste me dit : je pense que Sacha a le SDS : syndrome de dysoralité sensorielle. Elle m’explique que c’est une hyper sensibilité au niveau du goût, toucher, odorat, texture. En rentant j’ai regardé sur internet et ce que j’ai trouvé me faisait vraiment pensé à mon fils.

Nous l’avons revu pour qu’elle nous explique la suite. Le but était donc de désensibiliser Sacha. Pour ce faire je devais faire des massages de la bouche au moins 7 fois par jour pendant au moins 1 an. Chaque semaine elle se déplacerait au CMP pour qu’elle puisse m’apprendre les bons gestes et pour le suivi.

En janvier 2013, nous avons commencé les massages. Tout d’abord, le visage et par la suite la bouche.
Pour le visage voici ce qu’il fallait faire : Faire des pressions assez fortes (mais pas trop) et vite. On commence par le front, les tempes, les joues, les yeux et la bouche.

Ensuite nous avons commencé la bouche. Au début il faut y aller doucement pour éviter les hauts le cœur.

On frotte 3 fois vite et fort :

  • Extérieur des gencives gauche et droite haut et bas
  • Intérieure des gencives gauche et droite haut et bas
  • Milieu du palais
  • Pics sur la langue

Aujourd’hui cela fait un peu plus d’un an que je fais les massages et je suis passé à 3-4 massages par jour. On arrêtera au mois de juin.

Dès les premiers massages, j’ai senti du changement chez Sacha. Bien sûr il ne mangeait pas « normalement ». Mais il avait envie de goûter et il a pu mettre un mot sur son problème alimentaire. Avec l’orthophoniste nous ramenons souvent de nouvelles choses à goûter. C’est comme cela qu’elle lui a appris à bien mâcher.

J’ai fait un récapitulatif de ce que mangeait Sacha avant et après les massages.

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Avant :

  • purée toujours la même marque
  • nuggets toujours la même marque et cuisinés de la même manière
  • frites
  • fromage et tous ses dérivés
  • gâteaux apéro
  • gâteaux sucrés sans crème ni gros morceaux
  • compote (qu’en gourde)

Il avait essayé d’autres aliments mais ils n’étaient pas acquis.[/one_half]

[one_half_last]Après :

  • purée avec toutes sortes de légumes (sans morceaux)
  • nuggets peu importe la marque et la cuisson
  • cordon bleu
  • colin
  • escalope de dinde ou de poulet
  • côte de porc – poulet (le blanc)
  • hamburger (sans cornichon)
  • poisson pané
  • croque-monsieur
  • sandwich avec jambon
  • chipolata – merguez
  • flan
  • pomme, poire, fraise
  • fruit sec : papaye, ananas, abricot et pleins d’autres
  • pizza trois fromage, jambon, mozzarella
  • pomme dauphine

J’espère ne pas en avoir oublié.[/one_half_last]

Il a essayé pleins d’autres aliments aussi : œufs, céleri, carotte, maïs, surimi, poivrons et bien d’autres. Mais alors que pour certains, il ne leur faut que quelques jours pour acquérir un aliment, pour Sacha il lui faudra des semaines voire des mois. Ce sont surtout ses angoisses qui l’empêchent souvent d’accepter de manger certains aliments.

Par contre, pâtes, riz, légumes en morceaux, pour l’instant il refuse catégoriquement. Mais un jour il y arrivera.

 

 

Si vous êtes très sensible aux goûts, odeurs, textures. Si vous êtes très chatouilleux (une pile électrique comme Sacha). Si vous êtes sensible aux bruits, au chaud, froid. Si vous avez les hauts le cœur, voire des vomissements rien qu’à l’idée de mettre quelque chose dans la bouche (brosse à dent, aliments). Vous avez peut-être le SDS.

Pour en être sûr il faut consulter une orthophoniste. Le plus difficile est d’en trouver une qui soit formée à ce symptôme.

Le SDS est peu connu mais tous ensemble parlons-en autour de nous et parlons de ce blog qui m’a réconfortée dans le fait que je n’étais pas seule.

 

 

 

Merci beaucoup à Alexandra pour son témoignage, et surtout pour nous avoir fait découvrir ce traitement, on ne la remerciera jamais assez pour ça !

 

 

[Edit] Pour savoir s’il y a des orthophonistes formés dans vos régions, nous ne disposons malheureusement pas de listes, il vous faudra donc contacter directement Catherine Senez (qui est la responsable de la formation des ortho pour soigner le SDS) via son site : http://mac-gratuit.fr/site/catherine-senez-aod/Contact.html?PHPSESSID=b6cec9a7361c7b9698f2383d978d7a7b Merci !

Témoignages

Toute une histoire – Mon problème d’alimentation me bouffe la vie

Il y a quelques semaines, nous avons été contacté via le groupe Facebook par une journaliste de France2 à la recherche de témoignages pour l’émission « Toute une histoire » sur le thème « Mon problème d’alimentation me bouffe la vie« . Après plusieurs entretiens avec la journaliste, la chaîne a finalement décidé que mon histoire n’était pas assez actuelle pour leur émission, que j’avais étendu mon alimentation « au maximum » (pour reprendre ses mots) et que donc elle pensait que mon histoire ne correspondait pas au thème de l’émission.

Du coup, c’est Katia, maman d’un petit néophobe de 9 ans, qui est allée sur le plateau. Nous aurions préféré qu’une personne adulte y aille, d’une part pour qu’on arrête de stigmatiser ce trouble autour du discours « ça va passer », « c’est un rapport malsain avec la mère », etc etc. et d’autre part pour avoir une personne atteinte du trouble qui soit présente en personne sur le plateau (car Katia y est allée seule, son fils n’était pas présent pendant le tournage). Mais bon, les médias étant ce qu’ils sont, ça s’est fait comme ça, et on remercie Katia d’avoir été porter notre message.

Pour ceux qui n’auraient pas 1h30 à consacrer à l’émission, et qui ne sont pas forcément intéressés par les autres troubles de l’alimentation présentés ici, l’intervention de Katia commence à 15mn45 et dure dix minutes. La seconde partie de son témoignage commence à 54mn10, pour 5 minutes cette fois.
L’interview et les questions de Sophie Davant mettent le focus sur le rôle de la mère, sur les erreurs qu’elle a pu faire et qui auraient conduit à ce comportement chez cet enfant, et c’est spécifiquement le message qu’on voulait éviter. Beaucoup des personnes qui viennent témoigner sur le groupe nous racontent que les psychologues/psychiatres commencent généralement les thérapies par une recherche d’historique familial pour trouver la cause, l’erreur de la mère, ou des parents, qui a pu causer cette réaction chez l’enfant. C’est un message avec lequel je — nous, néophobes en général — ne sommes pas d’accord. Il y a des tas de gamins qui sont en conflit avec leurs parents, il y a des tas de parents qui font des erreurs, il y a des tas d’enfants qui refusent de manger parce que dire non à maman c’est bien plus fun que de manger du brocoli, et pourtant tous ne grandissent pas en restant néophobes, bien loin de là. Alors pourquoi nous, infime minorité, le sommes restés, sans pourtant être dans un climat familial particulièrement conflictueux et/ou surprotégé ? 

Bref, vous l’aurez compris, je ne suis franchement pas d’accord avec la vision donnée par l’émission (et qui malheureusement est la vision que l’on en a en général) mais l’essentiel du message est quand même passé : les mots « phobies alimentaires », « néophobie », « sentiment de peur face à de nouveaux aliments » sont posés et les gens qui en souffrent, ou leurs proches, se sont reconnus dans le témoignage de Katia. D’ailleurs, plusieurs personnes sont venues sur le groupe suite à la diffusion de l’émission pour nous dire qu’elles venaient de mettre un nom sur leur trouble alimentaire, et qu’elles découvraient à travers le témoignage de Katia qu’elles n’étaient pas les seules à être dans cette situation.
C’est souvent ce que les gens me disent après avoir découvert mon blog, après avoir parcouru mes témoignages : « j’ai découvert que je n’étais pas seul(e)« . C’est le problème de ce grand désert informatif qui règne sur la néophobie, le problème de médecins qui ne savent rien de ce trouble. Chacun se pense juste « différent », et pense être seul dans ce cas là.

Encore une fois, dans la deuxième partie du témoignage, Katia soulève des points intéressants, dans lesquels tous les néophobes se reconnaîtront très certainement, notamment la sensibilité exarcerbée au niveau des goûts et surtout des odeurs, et là encore le diététicien présent sur le plateau ramène ça à elle et son rôle de mère surprotectrice. C’est vraiment dommage, de bons thèmes ont été évoqués, mais je garde l’impression qu’ils ne sont pas allés au bout des choses, au bout du reportage et du travail de recherche. Que le diététicien ne connaisse pas ce trouble, rien d’étonnant, ce n’est pas le premier et ce sera malheureusement loin d’être le dernier aussi, mais c’est dommage qu’ils ne soient pas allés plus loin dans les recherches.

Cette histoire de sensibilité aux odeurs exacerbée, une maman — dont le fils néophobe a été suivi par une orthophoniste — nous a appris que ça s’appelle de la dysoralité sensorielle (hyper réactivité génétique des organes du goût et de l’odorat) et que cela peut se soigner. Pourquoi il faut que l’on apprenne ce genre de choses grâce à d’autres mamans, et qu’aucune des cinquante autres personnes présentes sur le groupe n’en ait jamais entendu parler par quelque médecin que ce soit ? Pourquoi on ne parle pas précisément de ce genre de trouble physiologiques et des moyens d’y remédier dans l’émission, plutôt que de tout ramener à une maman kangourou qui a gardé trop longtemps son petit dans sa poche ?

Et encore et toujours une fausse note du diététicien sur la fin lorsqu’il dit qu’il ne faut pas « inviter le trouble alimentaire à table », c’est à dire qu’il ne faut pas modifier ses repas pour s’adapter au trouble de l’enfant, que « c’est à lui de s’adapter à la situation« , « mais il lui donner envie en faisant des petits plats sympathiques », lui mettre des petites quantités du repas ‘normal’ dans l’assiette (sans préparer d’aliment accepté à côté) en lui disant « tu fais du mieux que tu peux, tu vois ce que tu peux faire et tu essayes d’avancer ». Comme si cette solution n’avait pas déjà été essayée, comme si les mamans avaient jeté l’éponge au bout de 2 jours sans rien tenter.

C’est là qu’on se rend vraiment compte à quel point ce trouble n’est pas envisagé dans sa dimension réelle et totale, et c’est vraiment dommage.

Bref, si on prend un peu de recul et qu’on fait le bilan de cette émission, c’est quand même du positif qui en ressort, de nouvelles personnes qui ont pu mettre un nom sur leur situation, d’autres mamans qui ont de nouvelles pistes à explorer pour espérer améliorer du mieux qu’elles peuvent la vie de leurs bouts de chou, donc pour tout ça, merci Katia merci vraiment.

Témoignages

Le monstre avec qui on dîne

Elle s’appelle Skye, vit au Canada, et est mère de deux enfants, des jumeaux de sept ans. Des jumeaux qui ne se ressemble pas sur tout, car si sa fille mange tout à fait normalement, pour son petit garçon, c’est beaucoup plus difficile, et chaque repas devient vite un cauchemar. Cette angoisse qu’ils tentent de combattre tout ensemble, c’est le monstre avec qui ils dînent chaque fois, qui prend en otage tous leurs repas et les transforme ainsi en moments de grande angoisse. Face à l’incompréhension des médecins, psychiatres, pédiatres, et toute autre personne vers qui elle a pu se tourner pour chercher de l’aide, elle a dû se rendre à l’évidence : les seules personnes capables de l’aider sont ses pairs, ceux qui comme elles doivent se débrouiller comme ils peuvent car leur enfant refuse de manger, sans aucune explication plausible.

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Alors elle a créé un blog, Mealtime hostage, pour regrouper toutes les recherches qu’elle a pu faire sur la nutrition et toutes les solutions qu’ils ont explorées, essayées avec plus ou moins de réussite. Ce blog, c’est le voyage de son fils, et de sa famille, à la découverte de la nourriture, pour essayer de l’apprivoiser, et peut-être un jour de l’aimer.

A travers une série d’articles, elle a analysé l’évolution de notre société et du modèle familial pour tenter de comprendre pourquoi de plus en plus d’enfants souffrent de néophobie (comme nous disait Angélique, beaucoup de grands-parents rétorquent que « de leur temps, ça ne se passait pas comme ça… »), a tenté de décortiquer l’esprit d’un enfant difficile, et enfin, a commenté tous les conseils qu’elle a pu recevoir à propos du blocage de son fils, que ce soit d’autre parents ou de personnes du corps médical. Elle a souhaité partager ici la deuxième partie de ses recherches, dont voici la traduction en français.

yucky_veggiesJ’ai entendu dire « Comment est-ce que ça peut être difficile de manger ? Il suffit d’ouvrir la bouche, mettre de la nourriture dedans, mâcher et avaler. » Pour beaucoup, c’est à peu près tout ce qu’il y a à faire. Pour d’autres, ce n’est pas aussi simple que cela. Manger utilise tous les systèmes sensoriels du corps :

Visuel
évaluation visuelle de la nourriture afin de déterminer si c’est comestible et sain (moisi, mûr, etc)
Olfactif
ortho-nasal : inhalation de l’arôme par les narines
rétro-nasal : inhalation des arômes créés par la mastication dans la cavité nasale par l’arrière de la bouche, c’est essentiel de détecter la saveur
Auditif
bruit que fait la nourriture lors de la mastication
Vestibulaire
équilibre et sens de l’orientation spatiale
Somatosensoriel
toucher, pression, température et texture
Proprioception
mouvement des muscles, position, posture, expression du visage
Gustatif
goût, texture, saveur

Il se passe beaucoup de choses pendant chaque bouchée, certainement plus que simplement la mastication et la déglutition.

Il y a plusieurs facteurs possibles à une alimentation sélective, mais rien qui ne la provoque à coup sûr. Des comportements obsessionnels compulsifs et des problèmes sensoriels peuvent rendre un enfant sensible à la texture des aliments et à leur apparence. Des problèmes de reflux, des traumatismes pendant l’enfance ou des problèmes digestifs peuvent contribuer à la néophobie alimentaire (la peur de la nourriture inhabituelle). Une abondance de papilles, des allergies environnementales ou des antécédents d’otites à répétition peuvent potentiellement affecter profondément le sens du goût. Il ne s’agit, en aucun cas, d’une liste exhaustive. Pour certains, il n’y a pas de cause apparente.

Bien qu’il soit important d’étudier les obstacles physiques ou psychologiques qui peuvent angoisser quelqu’un à l’idée manger, il n’y a pas de preuve concluante que tout ce qui précède peut effectivement causer une alimentation sélective. Par exemple, je connais un enfant né avec une fistule trachéo-oesophagienne, (son œsophage n’était pas relié à son estomac). La chirurgie a pu corriger ce défaut, mais sept ans plus tard, cet enfant ne mange qu’un nombre décroissant d’aliments, seulement ceux avec lesquels il est à l’aise. Il a souvent des hauts-le-cœur en mangeant, et si une fois il a du mal avec certains aliments, il n’y touchera plus jamais. Son cousin, qui est né avec le même défaut digestif, a également régulièrement des hauts-le-cœurs, doit parfois recracher des aliments, mais il mange pourtant une liste longue et variée d’aliments. Le tempérament joue clairement un rôle énorme dans la relation actuelle et future de l’enfant avec la nourriture.

La plupart des enfants sont difficiles dans une certaine mesure, et pour beaucoup cette phase passe avec simplement un peu de patience et du temps. Bien qu’il existe des traits communs entre les différents cas de mangeurs sélectifs, chacun le vit à sa manière. Cependant, tous les mangeurs sélectifs semblent lutter contre le même sentiment.

L’anxiété.

anxietyL’anxiété est très fréquente chez les mangeurs sélectifs. La nourriture peut sembler appétissante ou inquiétante. Être simplement exposé plusieurs fois d’affilées au même aliment ne suffira pas à surmonter l’anxiété provoquée par certains aliments et encore moins à apprendre à l’aimer. Le mangeur sélectif ressent une véritable peur, à laquelle s’ajoute un important dégoût.

« Je trouve que les homards et les crabes ne ressemblent pas à de la nourriture. Rien de ce qui rampe vers moi, de côté, avec des grandes pinces. Hey, ça ne me donne pas faim ! En fait, mon instinct me dit plutôt : « Ecrase-les ! Ecrase ces gros trucs avant qu’ils ne s’attaquent aux enfants ! »
George Carlin – Fussy eaters (Mangeurs difficiles)

On montre peu de sympathie aux gens qui font la fine bouche, et encore moins à ceux qui mangent moins de 20 aliments. Dans la première moitié du 20e siècle, les parents ont été encouragés à forger le caractère de leurs enfants en les privant d’affection et d’attention, écoutant à la lettre le proverbe biblique « qui aime bien châtie bien ». Il n’y a pas besoin de beaucoup d’imagination pour comprendre les conséquences que pouvait engendrer le fait de refuser de manger le repas placé devant soi. Le Dr Benjamin Spock a révolutionné l’éducation en 1946, lorsqu’il a publié son premier livre de conseils à destination des parents, dans lequel il les encourageait à « faire confiance à leur instinct ». Alors que l’éducation parentale a fait de grands progrès au cours du siècle passé, les enfants difficiles à nourrir reste une frustration commune à beaucoup de parents, et très mal comprise.

Personne ne mange de tout. On a tous a nos préférences, ainsi que certains aliments que l’on n’aime pas. Pour moi, ce sont les cornichons au vinaigre. Je déteste vraiment aussi bien l’odeur que le goût de l’aneth. Il m’a fallu des années pour être capable de tolérer le vinaigre en très petites quantités, mélangé dans quelque chose d’autre (une sauce ou une salade de pommes de terre), mais je n’arrive toujours pas à digérer cornichons à l’aneth. Ma famille a appris ça un jour où un pot de cornichons était ouvert lors d’un repas de famille. Partout où j’allais, quelqu’un était en train de croquer un cornichon et ce son couvrait tout les autres bruits de la salle. Tout ce que je pouvais sentir était l’odeur âcre et repoussante du vinaigre. Mon champ de vision se rétrécissait, mon cœur battait et je me sentais mal physiquement. Je me sentais priss au piège. Tourmentée. La seule chose que je voulais à ce moment était m’échapper dans un endroit sans cornichon, et me cacher dans une pièce ou l’air sentait autre chose, et où régnait le silence.

La peur et l’anxiété sont étroitement liés, la différence étant que la peur est une réaction à un stimulus tangible, alors que l’anxiété est la crainte d’une situation que l’on considère comme inévitable et incontrôlable. Pour le mangeur sélectif, ce n’est pas la nourriture en particulier qui fait peur. C’est l’angoisse qui résulte de se sentir obligé de manger quelque chose de répugnant, et la certitude qu’il n’y a aucun moyen possible d’éviter cela.

Lorsqu’on est confronté à une menace perçue, notre réaction instinctive est le combat ou la fuite. Imaginez si mon  expérience du cornichon vous arrivait 3 à 5 fois par jour. Tous les jours. Sous prétexte que vous êtes un enfant, à la merci de la volonté de vos parents, on attendra de vous, on vous forcera, vous dupera, vous contraindra, vous soudoiera, et peut-être même qu’on vous forcera à manger cette chose répugnante à l’odeur horrible. A tous les repas.

C’est un sentiment assez intense. Maintenant, vous comprenez mieux pourquoi votre enfant pleure à la vue de sa chaise haute ou pourquoi il ne veut pas se joindre à la famille à table pour le dîner ?

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Ce dont un enfant avec une alimentation sélective a besoin, plus que de manger équilibré, ou d’arriver à lui faire manger des légumes, et sans se préoccuper du nombre de calories qu’il ingère, c’est d’abord et avant tout de réussir à lui créer des souvenirs agréables avec la nourriture. Des expériences positives.

Ma famille est suffisamment compréhensive pour éviter de sortir des cornichons en ma présence. Je continue à assister aux repas de famille – sans cornichons au menu.

On dit souvent qu’un enfant difficile est dû à un problème d’éducation, dans le sens où l’enfant s’affirme en découvrant qu’il peut dire non à ses parents pendant les repas. En tant que parents, on nous dit de « nous battre » en offrant des récompenses, en le félicitant, en utilisant la ruse si besoin, pour réussir à tout prix à faire manger cet enfant difficile. Après tout, ces enfant sont juste de petits êtres têtus résolus à défier l’autorité parentale. Pas vrai ?

Pas vraiment.

Si je mets, disons un tout petit morceau… Vraiment, presque rien… Un minuscule morceau de carotte sur l’assiette de mon fils TJ, il va avoir la même réaction face à cette carotte que j’aurais face à un cornichon. Je ne peux pas manger le cornichon. Je n’ai pas envie de manger ce cornichon. Je veux que le cornichon s’en aille. Vite. Je ne veux pas y toucher, le sentir, ou être n’importe où près de lui. J’ai déjà déterminé grâce à ma vue que le cornichon n’est PAS de la nourriture.Bien que tout cela semble raisonnable, les parents sont encouragés à s’attaquer à cet argument avec des ultimatums. « Vous mangez ce que cornichon ou il n’y aura pas de dessert pour vous. »

Naturellement, nos enfants sont perdus. « Tu crois que ça se mange ? Je pensais que tu rigolais. Comment est-ce que tu peux prévoir ça pour le dîner ? Je pensais que tu m’aimais. (*Sniff !) Eh bien, si ça peut m’éviter l’horreur de manger ce truc dégoûtant, répugnant, ça vaut bien le coup d’être privé de glace au dessert. Je me demande quelle chose horrible tu as encore en magasin pour moi pour demain. »

Vous voyez comment ça fonctionne ? Oui, les enfants difficiles et les mangeurs sélectifs ont en commun ce besoin de contrôle, mais pour les mangeurs sélectifs, ce n’est pas une lutte de pouvoir comme beaucoup le pensent. TJ ne veut pas contrôler le menu que je prévois, seulement ce qu’il doit manger. Je sais que j’ai apprécié la disparition soudaine du pot de cornichons.

Au lieu de se féliciter sur la connaissance des limites de leur enfant, les parents ont été conditionnés à répondre par des menaces et une certaine pression, à base de « tu mangeras ça, ou rien ». Tout ce que nous parvenons à faire est sabotes notre relation avec nos enfants et saper leur confiance en nous en tant que parents. Nous avons appris à manier l’amour que nous avons pour nos enfants comme monnaie d’échange dans la poursuite de la variété alimentaire, tout cela au détriment de la confiance de notre enfant.

Est-ce qu’une bouchée de brocoli mérite vraiment tout cela ?

* * *
Sources:
George Carlin: « Fussy eaters »
« Love Me, Feed Me » par Dr. Katja Rowell

Une maman est sûrement la personne la mieux placée pour expliquer ce qu’est la néophobie ou l’alimentation sélective. Parce qu’un enfant ne sait pas mettre de mot sur ce qu’il ressent, et que la maman est en première ligne et doit jongler avec ça chaque jour sans exception.

Merci à Skye pour cette explication très claire sur ce qu’on ressent face à la nourriture. Je vous invite à aller lire son blog si l’anglais ne vous rebute pas trop, car il est plein d’articles très justes et plein de bon sens, j’ai eu envie de partager la plupart lors de ma lecture, mais autant vous dire directement d’aller lire son blog, c’est plus simple !

Mealtime hostage – Learning to love food

Témoignages

Comme des soeurs jumelles

On ne se connaît pas encore très bien, et pourtant on se ressemble beaucoup toutes les deux. Elle, c’est Angélique, elle a découvert ce blog il y a quelques mois, et c’est grâce à elle que j’avais rejoint le forum. Aujourd’hui, elle partage son histoire à elle, car même si les symptômes sont semblables, le ressenti nous est propre.

Bérénice (la dernière arrivée ici, bienvenue d’ailleurs) me disait ce week end que cela fait du bien de ne pas se savoir seule, et c’est vrai que c’est rassurant. Rassurant de pouvoir trouver des personnes qui nous comprennent, avec qui échanger, dans ce monde peuplé de gens qui ne font pas même l’effort d’essayer de comprendre.

De la semoule, oui, mais sans légumes, ni viande, ni sauce. Des frites, oui mais bien cuites ! Des pâtes, oui, mais seulement de la marque Panzani,  et pas toutes les formes. Des crêpes jambon/fromage de chez Marie. Du bacon en tranches fines.

Voilà, mon alimentation se résume à ça en ce qui concerne les plats chauds. J’aime les fruits à quelques exceptions près, le sucré en général aussi, les yaourts oui, mais le fromage non.

Je ne me souviens même pas avoir mangé autre chose dans ma vie. Pourtant ma mère m’a dit que, toute petite, je mangeais de tout.


Mon enfance et surtout mon adolescence ont été très dures à vivre, enfin surtout socialement. Je considère ma néophobie alimentaire comme un réel handicap social, même si aujourd’hui je le vis relativement bien, et que je l’assume, en parler est douloureux, j’ai une boule dans la gorge, parfois les larmes qui montent aux yeux.

Le pire, c’est le regard des autres, et d’autant plus quand ce sont des proches.

« De mon temps, on ne faisait pas de chichis, on mangeait ce qu’il y avait dans notre assiette, point barre. »

« Tu sais pas ce que tu rates, c’est vraiment bon.»

« T’es chiante, tu pourrais manger comme tout le monde ! »

Combien de fois je les ai entendues ces phrases !

Je revois encore cette fois où, en classe de primaire, obligée de manger à la cantine exceptionnellement, je me suis faite disputer par mon professeur, pourtant habituellement gentil, parce que je ne pouvais pas manger les pommes de terre vapeur qu’on m’avait servies.

Je revois toutes ces fois où, au collège, je ne mangeais que le pain et le dessert sauf quand on nous servait des frites. Même les pâtes je ne les mangeais pas, leur aspect me rebutait, et puis, bien souvent les cuisinières se servaient de la même louche que pour les autres aliments.

Pire encore, je me souviens de ce jour où, attendant dans le couloir de l’école, j’entendais ma mère parler à la maitresse et lui dire que « non, ma fille ne viendra pas en classe de neige car elle mange différemment, et qu’elle a peur ». Ma mère aurait bien voulu que j’y aille, mais moi j’avais peur que, loin de ma mère, on m’oblige à avaler des aliments que je n’aimais pas.

Mon frère, de 2 ans de plus que moi, est aussi néophobe même s’il n’est pas aussi « difficile » que moi. Pourtant, lui n’a pas eu peur d’aller en classe de neige.

J’ai pu mettre un nom sur ce dont je souffrais depuis tant d’années il y a deux ans à peine.

A noël 2009, invitée chez une amie qui était au courant de mes goûts, je me suis vue servir des pâtes. Mais là, horreur, elle qui m’avait assuré que c’étaient des spaghettis, je me suis retrouvée face à une bonne plâtrée de tagliatelles. Qu’à cela ne tienne, je lui en ai fait part, mais je lui ai dit que j’allais faire un effort et goûter aux pâtes. Impossible pour moi d’en avaler ne serait-ce qu’une bouchée. J’étais vraiment gênée d’autant plus que j’ai dû  expliquer mon problème aux autres invités. Comme si cela ne suffisait pas, un ami à elle m’a alors répondu texto « Oui, on m’a dit que t’étais chiante de ce côté-là ».

Même si mon amie était au courant, même si on était toutes les deux proches, voilà que j’apprenais ce qu’elle pensait de moi !

Ca fait toujours plaisir,oui…

Après cet épisode, je me suis mis à rechercher sur internet des témoignages de personnes qui avaient le même problème, et je suis tombée sur le forum de Seika. Ca a été pour moi la révélation : Non, je ne suis pas un spécimen de foire unique au monde. Oui, d’autres personnes se trouvent dans la même situation. Des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux.

Je crois que personne ne peut comprendre s’il ne l’a pas vécu. Ca a été pour moi un tel soulagement.

Avant, je disais que j’étais très difficile. Maintenant je dis que je suis néophobe, et ça change tout !

Même si les gens sont intrigués par ce terme et qu’ils ne comprennent pas forcément, je me sens moins gênée face à eux. Je compare cela à la phobie des serpents, ou celle des araignées, et tout de suite ça passe mieux. C’est fou ce qu’un terme médical peut rendre une pathologie à peu près « normale ».

Il y a quelque mois j’ai consulté une psy mais sans grands résultats. J’ai goûté à quelques aliments, réintroduit un aliment auquel je n’avais pas touché depuis des années car j’avais failli m’étouffer avec étant jeune. Mais tout ça, à quel prix ! Lors des premiers essais, je n’ai rien avalé, je me suis retrouvée dans l’impossibilité d’y toucher, j’ai pleuré, j’avais une boule dans la gorge de la taille du Texas. Les fois suivantes, j’ai pris mon courage à deux mains…pour n’avaler qu’un minuscule morceau. Avec les haut-le-cœur, les larmes, le mal de ventre, la boule dans la gorge. C’est à ce moment là, je crois, que mon copain s’est rendu compte de l’ampleur de mon problème.

Mon but aujourd’hui, étant en couple et désirant être maman dans les années qui viennent, ce serait de pouvoir goûter à de nouveaux aliments. Pouvoir dire « ça, je n’aime pas » ou « ça, j’adore » sans mentir.

Se faire accepter des autres, je crois que j’y suis arrivée, tant bien que mal.

Si je souhaite changer, c’est pour moi, pour mon futur enfant.

Je rêve de pouvoir voyager et goûter à des plats locaux, de cuisiner pleins de bons petits plats pour les autres mais aussi pour moi. D’aller au restaurant et demander autre chose que « juste des frites ».

Et j’espère qu’en échangeant avec d’autres néophobes je trouverais une solution à mon problème.

J’ai également l’espoir de faire connaitre cette pathologie, pour qu’on ne soit plus jugés comme des personnes à part.

Merci à LeeLoo de m’avoir donné la parole le temps de cet article : )

Angélique.

Sur la photo, c’est la seule qui n’a pas de brique de lait à la main. Déjà au goûter à la maternelle, le fait d’être néophobe faisait d’elle une petite fille différente. Aujourd’hui, elle rêve d’être un jour une maman comme les autres, d’un bébé tout comme il faut qui mange bien et grandit bien. Et je lui souhaite de tout cœur que son souhait se réalise !

Témoignages

Ma fille souffre du trouble de l’alimentation sélective

Ma maman a longtemps culpabilisé. Elle pensait avoir raté quelque chose quelque part, sans jamais savoir quoi. Alors elle a fait comme elle a pu, pour que ça se passe le moins mal possible, et que je grandisse en bonne santé. Maintenant, elle sait que je suis juste malade, que ce n’est pas sa faute, et, j’espère, elle ne culpabilise plus autant qu’avant.

Scan000129 novembre 1987, ma petite fille voit le jour. Et maintenant, c’est pas tout ça, il va falloir commencer son éducation et parmi toutes ses facettes, son apprentissage alimentaire. Les premiers mois, d’abord, au sein, on passe vite au biberon par manque de lait. À priori, c’est simple mais très vite, elle a du mal avec ses biberons. Qu’à cela ne tienne, on commence très vite l’alimentation à la cuillère et là, que du bonheur, pendant plus d’un an, elle mange tout ce que je lui présente. « Qu’est-ce qu’elle mange bien ! », « C’est un plaisir de la voir manger ! » me répète mon entourage. Je suis même allée jusqu’à lui faire de la purée à la cervelle d’agneau et au foie de veau alors que je n’en mange pas moi même. C’est pas tout ça, bébé grandit, il serait temps d’intégrer les morceaux dans son alimentation. Et ce en même temps que l’arrivée du petit frère. Et là, ça se complique. Les coquillettes, le patates carrées ou rondes (pommes rissolées ou noisettes surgelées), ok, ça passe, c’est même bon mais viande, poisson et même jambon et knacki ainsi que légumes, hors de question, ça ne passe pas. On met ça sur l’arrivée du bébé, pas grave, on ré-essaiera un peu plus tard. On reste à la purée, à la soupe et aux yaourts et ça roule. Les enfants grandissent, c’est le moment de ré-itérer, minette a 3 ans. Et là, aucun changement, riz, pâtes ou patates et rien d’autre.

Et commencent alors les questionnements, les angoisses, les crises de larmes, les heures à table et personne capable d’apporter des réponses. Alors on essaye la force, la ruse, la punition, rien n’y fait, on se sent coupable, on cherche pourquoi elle ne mange rien alors que son frère mange bien, étant élevés ensemble de la même manière. Il faut parer au plus pressé, équilibrer au mieux son alimentation avec le peu dont on dispose. Bon an mal an, je pense y être arrivée entre la soupe faite maison, les yaourts à gogo, les oranges pressées et de temps en temps oeuf à la coque et banane mais restent l’angoisse des carences alimentaires, la bataille contre l’incompréhension d’autrui, ce pourquoi sans réponse et cette assurance d’avoir raté quelque chose, d’avoir fait une erreur.

Scan0002Tout ça, on essaye de le garder pour soi et on fait son maximum pour qu’elle se sente normale car au fond de moi, je le sais, elle est normale et a droit à une vie normale. Elle doit pouvoir aller à la cantine, aux voyages de classe, au restaurant et aux repas de famille sans être regardée comme un phénomène de foire. J’ai essayé du mieux que j’ai pu. Je pense que si j’avais eu connaissance, à l’époque, de la néophobie alimentaire ou, comme disent les anglo-saxons, appellation que je préfère, du trouble de l’alimentation sélective, cela aurait été plus facile car on aurait eu un nom à mettre sur la maladie et donc pu faire accepter plus facilement que c’est une maladie.

Aujourd’hui, le seul conseil que je puisse donner aux parents confrontés à ce problème, c’est qu’ils comprennent bien que leur enfant est normal et qu’il souffre simplement d’une maladie bénigne et qu’il n’est en aucun cas ce gamin capricieux qu’on ne manquera pas de leur faire remarquer.

Valoue