De l’importance de savoir se débrouiller en tout circonstance

Un jour, mon père m’a dit : Avant d’avoir des enfants, t’es plein de principes. On fera ça comme ci, on ne fera pas ça, mon enfant sera comme ça. Et puis une fois que tu es parent, ton seul principe, c’est de faire comme tu peux.

Et je crois que c’est ce qu’ils ont fait, et plutôt bien d’ailleurs.

Depuis que j’ai rejoint le groupe Facebook, j’échange avec pas mal de mamans dont les enfants sont néophobes, et forcément ça me renvoie à ce que mes parents à moi ont vécu pendant toutes ces années.

Première préoccupation : la santé

Leur première préoccupation a été de savoir si j’étais en bonne santé, si je grandissais bien et si je n’avais pas de carence.

Pour ce faire, ma maman a toujours veillé à ce que je mange le plus équilibré possible, à mon échelle bien étendu. Cela passait par des yaourts, de la soupe et un peu de banane. C’était un peu mes cinq fruits et légumes par jour, même si on ne nous bassinait pas encore avec ça à l’époque.

Et puis, à côté des efforts considérables pour instaurer un menu le plus équilibré possible avec le peu d’aliments dont ils disposaient, j’étais également bien sûr suivie par le médecin de famille, qui a toujours rassuré mes parents en leur disant que tant que je grandissais bien et que j’étais en bonne santé, il n’y avait rien de trop grave, et en ajoutant qu’un enfant ne se laissera de toutes façons pas mourir de faim et qu’un jour ou l’autre, je finirai par manger de tout, quand le moment serait venu. Voyant que les efforts fournis pour me faire manger ne menaient nulle part, ma mère a adopté une autre stratégie. M’apprendre à me débrouiller seule.

Deuxième préoccupation : l’autonomie

En voyage

Mon premier voyage sans mes parents à l’âge de six ans a été une leçon difficile, de laquelle on a pu tirer des enseignements de nos erreurs. Très confiants, mes parents m’ont laissée partir seule avec mon oncle et ma tante en Angleterre. Ils me connaissent bien, se sont souvent occupés de moi, je les connais bien aussi. Il n’aurait pas dû pas y avoir de soucis.

Seulement ce n’était pas juste le premier voyage sans papa-maman, c’était aussi – et surtout – le premier voyage à l’étranger. Dans un pays où les frites ne ressemblent pas aux frites françaises et où trouver les mêmes marques qu’en France relève quasiment d’une mission impossible. Je mangeais des biscuits au chocolat par exemple, mais je ne mangeais que telle forme de telle marque. Surtout pas les autres. Je n’ai presque rien mangé pendant deux jours. Ils se sont rendus compte que finalement, peut-être que je serais prête à me laisser mourir de faim.

Leçon retenue, je pars désormais en voyage avec ma nourriture dans la valise. Quelques mois plus tard, je partais pour mon premier voyage de classe, et s’en suivront environ un par an jusqu’à la fin de ma scolarité. Je n’en ai pas raté un seul.

En cuisine

Très jeune, ma mère m’a appris à faire des pâtes. « Tu mets l’eau à bouillir et quand c’est chaud tu mets les pâtes le temps indiqué sur le paquet. » Pas très sorcier. La première fois, je n’avais pas très bien intégré le concept de l’eau qui bout. J’ai mis les pâtes dans une casserole à peine tiède. J’ai vite remarqué qu’au bout du temps indiqué, ce n’était pas du tout cuit… J’avais dû rater quelque chose quelque part. On apprend en se trompant, j’ai bien retenu car je m’en souviens encore alors que je n’avais pas dix ans.
À chaque voyage prévu, je partais toujours la valise approvisionnée en gâteaux, chips, et paquets de pâtes si le contexte le permettait. Je suis partie trois semaines aux États Unis. Je n’ai pas mangé grand chose de plus que du pain à la cantine du campus. Mais j’allais à la supérette du coin m’acheter des paquets de céréales et du yaourt à boire pour compenser. Je pense que cette débrouillardise que mes parents m’ont inculqué très tôt qui m’a permis d’apprendre à mieux vivre ma néophobie. Parce qu’en sachant me nourrir seule, je pouvais contourner les situations de stress intense créés par les repas. Les provisions dans ma valise, c’était ma bouée de secours, mon gilet de sauvetage.

3e préoccupation : ne pas couper le lien social

J’ai toujours également été confrontée à des repas en société. J’ai été à la cantine de la maternelle au CM1. Ma maman s’était arrangée avec la cantine pour que j’aie toujours 2 yaourts nature réservés pour moi au frigo. Histoire que j’ai quand même quelque chose dans le ventre même s’il n’y avait ni pâtes ni riz ni frites au menu. Jusqu’au jour où la nouvelle directrice a refusé que j’aie un traitement de faveur. Elle m’a interdit mes yaourts, forçant ma mère à me retirer de la cantine, à contrecœur.

Au lycée, et maintenant au travail, je m’adapte. Mais je ne me prive pas de moments sociaux à cause de mes blocages alimentaires. J’explique, j’en parle ouvertement. Après les gens en font ce qu’ils veulent (ce n’est pas mon problème) mais au moins je ne m’empêche pas de partager ces temps d’échange avec mon entourage. Je me ramène à manger quand c’est possible. Sinon je fais au mieux (pain, desserts…) et compense comme je peux sur les autres repas de la journée/semaine.

Ce sont je pense 2 aspects à vraiment ne pas négliger, qui permettent, malgré tout la place que ce trouble peut prendre dans nos vies, que cela n’empiète pas sur le reste et nous permette d’avoir une vie aussi normale et épanouie que possible.

Sources photos : Illustration par Storyset & photo par Freepik, sur Freepik.com

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4 réflexions sur “De l’importance de savoir se débrouiller en tout circonstance”

  1. Bonjour,

    J’ai mis un nom sur ma maladie il y a très peu de temps. J’ai l’impression de me lire dans tes écrits. Je suis partie aussi avec l’école et en colonies tous les ans. J’avais aussi des paquets de biscuits mais le fait est qu’à part de l’eau et du pain je ne mangeais rien. Du fromage de temps en temps et des frites. Bizarrement je me souviens d’avoir toujours eu un contact facile avec les cuisiniers  » tiens prends un peu de ça ce n’est pas au menu mais au moins tu manges » Mais bon le fait est que si je partais 3 semaines je revenais en ayant perdu 5kilos à chaque fois.
    Je trouve comme toi que c’est rassurant de pouvoir mettre un nom sur ce trouble. Les gens qui pensent juste que tu es chiante difficile, mal élevée même alors qu’en fait c’est une pathologie. J(ai vu des tas de médecins enfant et même adulte, des nutritionniste qui ne connaissaient pas cette maladie et me jugeaient. Ca m’a beaucoup blessé.
    Une des peur que j’ai eu ensuite était de me dire que je ne voulais pas que mes enfants deviennent comme moi. Pour le moment tout va bien, mon ainée mange de tout et avec plaisir. Pour la seconde on verra en grandissant.
    Je vais chercher le groupe Facebook dont tu parles.
    A bientôt
    Bérénice

    1. J’ai vu que tu as trouvé le groupe Facebook 🙂 Tu verras, tout le monde est très gentil sur ce groupe ! Le moindre petit effort (qui pourrait paraître dérisoire aux yeux des autres) est compris par ces personnes dans la proportion qu’il prend pour nous, et cela fait du bien de se sentir compris et entouré !

      1. Oui j’ai vu mais mon anglais est assez limité quand il s’agit de termes médicaux mais ça va me faire progresser.

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