Se soigner

Attention, se soigner à tout prix n’est pas forcément la meilleure solution, notamment si vous êtes parent d’un enfant néophobe et qu’il n’a pas manifesté de souhait d’agrandir son régime alimentaire. Toutefois, si vous êtes adulte et que vous souhaitez évoluer, ou que votre enfant ou adolescent a manifesté le souhait de progresser, alors voici les traitements que j’ai testés, et pour chacun, ce qui a fonctionné ou non.

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Guérison ou rééducation ?

Il y a quelques temps, une membre du groupe Facebook a posé une question un peu désespérée : « Toujours pas de traitement ou de médicament pour nous ? Je suis toujours en attente de solutions, c’est long j’ai 40 ans »
Cette question a fait son petit bonhomme de chemin dans ma tête, et m’a permis de réaliser pas mal de choses.

Il n’y a pas une petite pilule magique, un traitement par voie orale qu’on prendrait tous les matins pendant quelques temps et hop, plus rien. Pas de remède miracle comme nous l’avait promis un certain hypnothérapeute, pas de séance miracle qui nous ferait tout oublier en 50 minutes d’hypnose.

Il existe pourtant bel et bien des solutions. Pas de solutions miraculeuses, on ne se met pas à manger de tout en quelques semaines, c’est long, et c’est parfois décourageant, mais c’est bel et bien des solutions tout de même.

Des psychologues, en psychothérapie ou thérapie cognitive et comportementale, peuvent nous aider à mieux gérer notre stress et nos angoisses face aux aliments. Ils peuvent aussi nous aider à mieux accepter notre trouble, à réussir à en parler autour de nous et nous aider à vivre le plus normalement possible malgré tout, pour que ce trouble alimentaire ne se transforme pas en phobie sociale.

Des orthophonistes, formé.e.s à la prise en charge des troubles de l’oralité, peuvent nous aider à désensibiliser notre réflexe hypernauséeux, à apprivoiser de nouveaux aliments, à découvrir de nouvelles méthodes pour goûter (mettre dans la bouche directement, on sait tous que ça ne marche pas, mais il y a des tas d’autres méthodes), à identifier via le chaînage alimentaires, quels nouveaux aliments on peut tester, à partir de la liste de nos aliments copains.

D’autres néophobes, à travers leurs expériences, positives ou non, peuvent nous aider, nous orienter, nous faire découvrir de nouvelles solutions, de nouvelles recettes, nous soutenir aussi, ce qui est souvent une aide précieuse quand la plupart des personnels de santé ne connaissent même pas le trouble dont on souffre.

Mais tout ça, ça prend du temps, et surtout, ça demande une implication personnelle importante et sans relâche. Il faut que la personne néophobe veuille s’en sortir, il faut qu’elle ait envie d’évoluer (ce qui n’est pas le cas de tous les néophobes, loin de là), il lui faudra s’accrocher et se battre tous les jours pour pouvoir avancer.

Finalement, ce n’est pas tant de guérison qu’il s’agit, mais de rééducation. Une rééducation, ça demande un travail progressif, et une implication de tous les instants pour ne pas régresser. C’est long et parfois décourageant mais c’est possible si on en a la volonté. Il faut beaucoup chercher, tâtonner, et dans notre cas aussi souvent batailler, pour trouver les bonnes personnes pour se faire accompagner. Il faut une persévérance et une rigueur personnelle, car le plus gros à faire doit venir de soi-même et personne d’autre ne peut le faire à notre place. Ça n’est ni facile, ni rapide, mais les progrès qui s’enchaînent sont encourageants et donnent la force de continuer.On doit ré apprendre à manger, un peu comme quelqu’un qui devrait réapprendre à marcher après un grave accident ou une maladie. Ça prend du temps, c’est progressif, ça paraît parfois impossible et souvent très décourageant, mais on continue d’avancer, un pas après l’autre.

Quand je dis qu’il ne faut pas pousser un enfant vers la guérison à tout prix, à le trimbaler de spécialiste en spécialiste toute son enfance, c’est parce que je suis persuadée que sans cette volonté, sans cette pugnacité nécessaire pour se battre au quotidien, on n’arrive pas au bout du chemin, et personne ne peut le faire pour nous. Ni soignant, ni accompagnant. C’est parce que ce n’est pas juste une pilule qu’on peut le contraindre à avaler tous les jours. C’est de sa force vitale dont on a besoin, et ça, personne d’autre que le néophobe lui-même ne peut décider de la mobiliser.

Se soigner

Faut-il forcément vouloir guérir ?

Ça fait longtemps que je veux écrire cet article. Il traine dans mes brouillons depuis des semaines, tourne en boucle dans ma tête depuis des mois, sans que je ne sache trop comment aborder le sujet. Alors plutôt que de chercher encore et encore comment l’aborder et tourner autour du pot sans réussir à y mettre les formes, je vais lancer un pavé dans la mare, ça sera beaucoup plus simple.
Je sais que ça va être difficile à accepter pour beaucoup de parents qui lisent ce blog. Et pourtant c’est un sujet qui me tient énormément à coeur, et qui je l’espère, vous aidera à mieux comprendre ce qui se passe dans la tête de vos enfants néophobes. Cet article a vraiment pour but de vous délester d’un lourd poids qui pèse, j’en suis sûre, trop lourd sur vos épaules de parents.

 

Non, il ne faut pas forcément chercher à guérir à tout prix de la néophobie alimentaire.

 

Déjà, et surtout, parce que ça n’empêche pas de vivre, ni de grandir, ni d’être en bonne santé. Il y a des tas d’adultes néophobes qui sont en bonne santé. Certains sont un peu plus gros que la moyenne, d’autres un peu plus maigres. Certains ont des enfants, d’autres ont plus de mal dans leurs relations sociales. Mais tout comme certains sont blonds et d’autres sont bruns, certains sont grands et d’autres petits : ce n’est pas forcément, et surtout pas seulement, la néophobie qui influe sur la forme et la santé globale. Tant que votre enfant réussit à se nourrir à sa faim, et qu’il grandit correctement, alors il n’y a pas forcément lieu de s’inquiéter.

Il y a sur le groupe Facebook, et parmi les lecteurs de ce blogs, beaucoup d’adultes néophobes, moi la première, qui pourront confirmer qu’on peut très bien vivre en étant adulte et néophobe. Bien sûr, ça demande quelques ajustements, bien sûr, ce n’est « la norme », et alors ? Tant que ça n’empêche pas d’être heureux, c’est bien là l’essentiel !

 

 

Ensuite, parce qu’il n’y a pas aujourd’hui pas de « remède » connu et 100% efficace. Il y a des pistes d’améliorations, et je parle sur ce site de toutes celles que j’ai pu expérimenter moi-même, mais jusqu’alors, aucun remède miracle. J’ai pu évoluer, beaucoup, agrandir significativement mon régime alimentaire, grâce à ces différents traitements et méthodes. Mais malgré tout, je suis toujours néophobe, et je suis loin d’être « guérie ». Vouloir guérir à tout prix met une pression énorme sur les épaules du néophobe, et très certainement sur celles des parents dans le cas d’enfants où ce sont les parents qui décident de faire ces démarches. Cette pression rajoute un poids supplémentaire inutile à une condition qu’il n’est déjà pas facile à accepter, de par les pressions sociales notamment.

Vouloir guérir à tout prix, c’est placer la barre très haute et prendre le risque d’être fortement déçu, et pour longtemps.

 

 

Plutôt que de vouloir guérir, travailler pour l’accepter et le faire accepter aux autres.

 

Petite, j’ai longtemps eu très honte de ma néophobie. Je le cachais le plus possible, évitais au maximum les situations de repas à l’extérieur. Résultat : je n’allais jamais dormir chez les copains, je pleurais dès qu’on abordait le sujet. Je me sentais « difficile », « capricieuse », et surtout « pas normale », des choses qui sont difficiles à accepter. Et puis, à l’adolescence, j’ai commencé à réussir à mieux exprimer mes sentiments, et j’ai trouvé que la comparaison avec une phobie était ce qui expliquait le mieux ce que je pouvais ressentir face à de nouveaux aliments. C’était bien avant de connaître les termes néophobie alimentaire et dysoralité sensorielle…

Cette analogie à la phobie m’a non seulement beaucoup aidée dans mes relations, car elle permettait à mon entourage de mieux comprendre ce que je ressentais, mais m’a aussi déculpabilisée : on ne s’en veut pas d’avoir peur des araignées ou du vide, une phobie est une peur irrationnelle, alors pourquoi moi, je devrais m’en vouloir d’avoir peur de la nourriture ? Plus tard, avec la découverte de la dysoralité sensorielle et de mon diagnostic, j’ai été confortée dans l’idée que je ne devais pas culpabiliser pour ma néophobie car elle a bel et bien une cause physiologique.

 

J’ai rencontré et discuté avec plusieurs personnes pour qui la néophobie a été la cause d’une sorte de phobie sociale, qui s’est développée à force de vouloir cacher à tout prix sa néophobie à son entourage. Ces personnes représentent une petite minorité parmi tous les néophobes avec lesquels j’ai pu échanger depuis la création de ce site et du groupe facebook, mais le risque est tout de même bien présent.

Selon moi, c’est l’aspect le plus dangereux de la néophobie, surtout dans un pays comme la France où la nourriture prend une telle importance dans la vie sociale. L’essentiel n’est pas de manger de tout ou de manger comme tout le monde (d’ailleurs ces derniers mois / années on voit une grosse émergence des régimes végétariens/végétaliens et la norme est en train peu à peu de changer), mais de savoir expliquer pourquoi on mange différemment, sans honte.

Savoir l’expliquer, et apprendre à se débrouiller pour que cette différence ne soit pas handicapante dans la vie de tous les jours a vraiment été pour moi l’élément déclencheur qui a transformé un réel handicap en simple différence, une petite maladie qui se gère très bien au quotidien sans m’empêcher de vivre.

Savoir réussir à vivre tout ce que l’on a à vivre, tout ce que l’on souhaite expérimenter, sans que cette différence ne soit un frein. 

Réussir à partir en voyage scolaire, s’aventurer à l’étranger (spoiler: il y a des McDo dans la plupart des pays du monde et si l’on reste en ville, il est rare de ne pas réussir à trouver au moins des frites, des pâtes ou une pizza), partager des moments avec ses proches, que ce soit des réunions de famille ou des repas au restaurant, partager les pauses déjeuner avec ses camarades de classe ou ses collègues… 

Tout ça, à mes yeux, est bien plus important que de réussir à manger une entrecôte, un filet de cabillaud ou des brocolis. 

 

Je ne dis pas qu’il ne faut rien faire, mais je ne suis pas non plus contre l’acharnement, et je veux vraiment faire passer le message que ce n’est pas primordial pour que les enfants grandissent, et que ce n’est pas grave s’ils ne sont pas guéris, qu’ils peuvent quand même grandir en bonne santé et avoir une vie tout à fait normale. 

S’il est compliqué pour votre famille ou votre enfant d’assumer, d’expliquer, de vivre avec sa néophobie, alors la première étape, selon moi, est de travailler sur cette partie là. L’aide d’un psychologue peut aider, l’entraide entre personnes vivant une situation similaire également. N’hésitez pas à nous rejoindre sur le groupe facebook, à échanger avec les autres parents (mamans pour la plupart, soyons honnêtes). Des rencontres peuvent également être organisées pour ceux qui le souhaitent, il ne faut pas hésiter à le proposer sur le groupe. Les enfants peuvent aussi échanger, soit avec d’autres enfants/ados, soit même avec un adulte néophobe, qui traverse ou a traversé les mêmes choses, mais de part son statut d’adulte, arrive à mieux le comprendre et le verbaliser. 

 

Le reste, chercher à guérir, à goûter, à élargir son alimentation, ne doit venir qu’en seconde position, une fois que l’enfant est à l’aise avec ça, et surtout aussi, (encore une fois, c’est vraiment mon point de vue d’adulte néophobe), seulement quand l’envie vient de la part de la personne malade. Comme je le disais, le traitement est long et très progressif, il faut beaucoup de patience, de persévérance et de volonté, alors si la personne n’est pas volontaire, je ne vois pas comment ça pourrait fonctionner… Et puis, j’en ai déjà sûrement parlé plusieurs fois, forcer est tout simplement contre-productif et a généralement l’inverse de l’effet souhaité à savoir renforcer encore les blocages… 

 

J’ai vraiment l’impression, à lire certains témoignages, que les parents traînent leurs enfants de spécialiste en spécialiste et que leur trouble de l’oralité ou néophobie devient le centre de tout, prend encore plus de place qu’il n’en occupe déjà, et pourrit une partie de l’enfance des enfants au lieu d’aider à améliorer les choses… Et au final, dans beaucoup de cas, on réalise après coup que finalement le lâcher prise est la plus bénéfique de toutes les situations… 

 

 

J’avais prévenu, j’ai lâché un pavé dans la mare… et je rappelle que cet article – tout comme l’ensemble de ce blog – n’engage que ma propre expérience et n’est en aucun cas la bonne parole ou la seule vérité. Ce n’est qu’un aperçu de ce que j’ai pu vivre en tant que néophobe pour vous aider à mieux comprendre vos enfants et ce qu’ils traversent. Mais c’était important pour moi de vous partager mon point de vue sur ce sujet. 

Se soigner

Orthophoniste et massages de désensibilisation

Ce qui m’a décidée à y aller

Il y a quelques semaines, une maman du groupe facebook, Alexandra, nous a parlé du syndrome de dysoralité sensorielle (SDS).

Son fils devait faire un bilan orthophonique pour un problème de prononciation, et on lui a diagnostiqué un SDS. Elle a eu de la chance, l’orthophoniste qui a fait le bilan à son fils venait juste d’être formée pour soigner le SDS. C’est quelque chose de très nouveau en France, et assez peu de personnes sont formées pour le diagnostiquer et le traiter.

43cd03f122La plupart des publications concernant la dysoralité citent Catherine Senez, une orthophoniste marseillaise, ou même ont été écrites par elle. Je me suis beaucoup retrouvée dans ce que j’ai pu lire sur internet à propos de la dysoralité sensorielle. J’ai donc contacté cette dame pour lui demander si elle pouvait me recommander quelqu’un à Paris.

Comme souvent malheureusement dans notre situation, l’autodiagnostic prime sur l’avis des médecins. J’avais besoin d’une ordonnance pour le bilan et suivi orthophonique, je suis donc allée voir un médecin que je n’avais encore jamais vu (je viens de déménager et n’ai donc pas encore de médecin traitant), et j’ai dû lui expliquer mon problème. Elle a commencé à me parler de toutes les maladies digestives qui peuvent exister. Selon elle le problème proviendrait de mon corps qui refuse de manger des légumes et de la viande car il ne les digère pas correctement… J’ai dû insister pour avoir mon ordonnance, elle m’a dit que cela ne servirait à rien et que si je voulais voir une orthophoniste je n’avais pas besoin de traverser tout Paris, qu’il y en avait des tas dans le quartier… J’ai tout de même préféré écouter mon instinct, et je suis allée rencontrer l’orthophinste recommandée par Mme Senez, pour faire le bilan de diagnostic du SDS.

 

Le bilan

Le bilan préliminaire avec l’orthophoniste a duré plus de deux heures. Elle m’a posé beaucoup de questions, sur mes habitudes alimentaires, mais pas seulement. Le brossage des dents aussi par exemple, ou la position de ma langue dans ma bouche. Elle a aussi vérifié mes capacités de mastication, qui s’avèrent plutôt bonnes malgré ce que je mange.

Tout au long de ce bilan, j’ai vraiment eu l’impression d’être comprise. Elle connaissait souvent déjà la réponse que j’allais donner, et ses questions étaient orientées vraiment de façon à ce qu’elle vérifie quelque chose, et non pas de façon à ce qu’elle réussisse à comprendre ma situation. C’était vraiment une première pour moi, après mes autres expériences médicales pour traiter ma néophobie. Ça a vraiment fait toute la différence et m’a donné le sentiment d’être vraiment comprise pour la première fois.

« Un cas d’école ». Voilà comment elle m’a qualifiée. J’ai réussi le bilan haut la main, il semblerait que j’ai un Syndrome de Dysoralité Sensorielle assez sévère.

 

 

Le traitement

Des massages dans la bouche. Chez les enfants, ce sont les parents qui les font, comme je suis grande, je me les ferai moi-même. Sept fois par jour au minimum, pendant au moins sept mois. Le massage en lui-même consiste à se frotter énergiquement les gencives, le palais, la langue (comme si l’on gommait quelque chose avec le bout de son doigt), et dure seulement quelques secondes.

Les résultats peuvent être très rapides et spectaculaires, comme cela peut être assez insignifiant. Les consultations sont remboursées par la sécu/mutuelle, et les massages et consultations sont indolores, sans prise de médicaments, et même sans souffrance psychologique (comme j’avais pu avoir par exemple avec la psy comportementaliste où chaque séance était très éprouvante). Je me dis que je n’ai vraiment rien à perdre à essayer, et peut-être tellement à gagner…

Je n’ai pas pensé à lui demander plus de détails sur les aspects techniques du massage, comment ça fonctionne, sur quoi cela agit et quels sont les effets physiologiques d’une telle pratique. Catherine Senez parle d’un processus d’habituation, j’ai aussi lu le terme désensibilisation.

Au début les massages ont peu d’amplitude et ce n’est que progressivement, en surveillant bien les réactions de l’enfant, que semaine après semaine, l’amplitude sera augmentée. Cette méthode, basée sur la répétition (7 à 8 fois par jour) en veillant à ne pas dépasser le seuil de tolérance de l’enfant c’est-à-dire à ne pas déclencher un réflexe nauséeux en faisant les massages, conduit à une habituation et donc une désensibilisation du nerf sensitif en question. Elle entraîne une diminution de la réactivité défensive aux touchers buccaux. Après la désensibilisation, les enfants ou adultes élargissent leurs choix alimentaires, mangent plus facilement, plus vite et avec plaisir. Si l’enfant est hypersensible au niveau tactile, il ne se laissera pas aborder pour une désensibilisation dans la bouche. Il faudra alors faire une désensibilisation faciale « le tour de la maison » avant de pouvoir aborder la bouche.

 

Qui l’eût cru ? De toutes les professions de santé, j’aurais pensé aux médecins pour trouver un éventuel problème physiologique — déglutition ou digestion, intolérances ou allergies… ; aux psy — classiques ou comportementalistes — pour l’anxiété, le blocage — supposé psychologique — face à la nourriture ; et éventuellement à une diététicienne ou une nutritionniste pour m’aider à équilibrer au mieux mon alimentation en fonction de ce que je peux manger, et/ou m’aider à éduquer mon goût à de nouveaux aliments. Mais jamais il ne me serait venu à l’idée d’aller chez une orthophoniste!

Tout ça, c’est grâce à Alexandra, qui a rejoint le groupe il y a quelques semaines. Je la remercie vraiment, encore une fois, d’avoir partagé son expérience avec nous. Faire face à des médecins qui ne connaissent pas notre trouble et qui ne prennent la mesure de son amplitude n’est pas toujours facile mais on se rend compte, grâce aux groupes de soutien, qu’il existe quand même des solutions et cela redonne de l’espoir !

 

 

Pourquoi j’ai arrêté le traitement

Au bout de quelques mois, devant le manque de résultats, je me suis découragée.

Faire sept massages par jour est vraiment prenant, même si le massage en soi ne prend que quelques secondes, je passais mon temps à me dire qu’il ne fallait pas que j’oublie de le faire, à me demander si j’avais bien fait celui de l’heure précédente, à m’organiser pour réussir à m’échapper 5mn au bureau entre deux réunions pour pouvoir aller le faire aux toilettes, bref, ça m’occupait vraiment l’esprit non stop, ce qui s’est révélé au final assez stressant pour moi.

 

Ce que j’en ai retenu

Malgré tout, cette expérience a été très positive car pour la première fois, je rencontrais une professionnelle de santé qui connaissait et comprenait mon problème. Ca a été un énorme soulagement. De plus, savoir qu’il y a un problème physiologique à la base, et que ce n’est pas qu’un problème psy qui pourrait être reglé si je faisais plus d’effort ou preuve de plus de persévérance, m’a également beaucoup soulagée.

Même si je n’ai pas vu de réel progression grâce aux massages, plusieurs orthophonistes et parents ont témoigné de réels progrès sur les enfants au bout de quelques mois. Cela peut donc vraiment valoir le coup de laisser une chance à cette méthode même si elle demande un investissement important, de la part des parents et de l’enfant.

 

 

 

Source des citations :
Synthèse sur les troubles de l’oralité chez les enfants

Source image: Bitemytrip

Se soigner

Allison Ricaud, orthophoniste, nous parle de troubles de l’oralité

On parle de plus en plus des troubles de l’oralité, peux-tu nous en dire plus sur le sujet ? Qu’est-ce que c’est, comment les reconnaître, quel est selon toi le lien entre trouble de l’oralité et néophobie alimentaire ? 

Les troubles de l’oralité représentent des difficultés alimentaires, causées par des hypersensitivités. Les personnes présentant un trouble de l’oralité vont ainsi subir les repas comme des moments pénibles, difficiles, car les sensations perçues (vue des aliments, odeurs, textures sur le mains, en bouche, goûts…) seront des sensations négatives, qui seront même irritatives.

La néophobie est une étape normale du développement oral entre 18 mois et 3 ans à peu près, cela devient pathologique lorsque les néophobies persistent après cette période de développement.

Selon moi, les troubles de l’oralité ont pour origine une hypersensitivité sensorielle, alors que les néophobbies alimentaire ont une origine plus psychologique. Ainsi, ce sont des difficultés distinctes, mais parfois, des personnes présentant des troubles de l’oralité, ne pouvant pas être accompagnées pour travailler sur leurs difficultés peuvent en plus développer des néophobies alimentaires.

 

Toutes les orthophonistes ne sont pas formées aux troubles de l’oralité. Comment as-tu connu ces troubles, et qu’est-ce qui t’a décidé à te former ?

J’ai connu ces troubles en rencontrant deux patientes (deux jumelles), qui m’étaient orientées pour des difficultés alimentaires. Je pensais alors qu’elles avaient des difficultés fonctionnelles (troubles de la déglutition, de la mastication…), mais tout semblait fonctionner sur le plan moteur. Je me suis donc demandée pourquoi ces petites filles refusaient de manger. C’est ainsi que j’ai rencontré Véronique Leblanc (psychologue spécialisée dans l’oralité à Robert Debré). J’ai assisté au bilan de ces petites filles avec Véronique Leblanc, un monde s’est alors ouvert à moi, j’ai trouvé son approche très intéressante, j’ai ainsi décidé de continuer de suivre ces patientes, et de me former.

 

Peux-tu nous donner quelques signes qui permettent de savoir si l’on souffre du trouble de l’oralité ?

Tout d’abord, de repas difficile : repas longs, hypersélectivité alimentaire, refus, colères, agitation aux repas, pas de plaisir à manger, peu/pas de sensation de faim, refus des morceaux…

Mais aussi, des difficultés à toucher des textures (alimentaires ou non) avec les mains (personnes qui ne supportent pas d’avoir les mains sales, de marcher dans le sable, d’être touchés …)

Personnes qui ne supportent pas d’être touché près du visage, de la bouche, qui ont un réflexe nauséeux très sensible, des nausées et des vomissements fréquemment.

 

Bien entendu, rien ne remplacera un bilan effectué par un professionnel qualifié, mais y a-t-il des questions à se poser qui permettraient de savoir s’il est nécessaire d’aller consulter pour un trouble de l’oralité ?

Selon moi, il est nécessaire de réaliser un bilan dès que les repas sont difficiles, et qu’il n’y a pas de troubles fonctionnels. Le bilan pourra ainsi orienter vers une prise en charge ou non.

Si les troubles de l’oralité sont diagnostiqués tôt, les parents/adultes sont moins démunis face à leurs difficultés, ils se sentent plus compris, accompagnés, peuvent mettre des mots sur ce qu’ils ressentent. Cela permet aussi d’éviter que le forçage au repas s’installe, et que le climat familial à ce moment là soit plus paisible.

Et plus la prise en charge est précoce, plus les progrès sont importants et « rapides ».

 

On a déjà parlé sur le blog des massages proposés par Mme Senez et les orthophonistes qu’elle a formées. Pourquoi est-ce que tu as choisi de ne proposer les massages à tes patients ?

Je ne propose pas de massages car je ne suis pas formée par Mme Senez. Je propose des sollicitations péri-orales et intrabuccales, mais de façon moins ritualisée que ceux proposés par Mme Senez. Avant les sollicitations orales, je travaille avec le corps, et tous les sens (regarder, sentir, toucher…) car les troubles de l’oralité alimentaire ne sont pas qu’une hypersensitivité au niveau buccal.

 

Quel est le traitement / les exercices que tu proposes à tes patients comme alternative aux massages ?

Comme expliqué ci-dessus, avant de travailler autour de la sphère orale, je commence par solliciter l’ensemble du corps, et des sens.

Il me semble en effet primordial d’accepter de regarder, sentir, toucher un aliment avant de le mettre en bouche. Je reprends ici une phrase de Véronique Leblanc qui me paraît très représentative «  Ce que mes yeux, mon nez et mes mains n’ont pas apprivoisé, ma bouche n’y touchera pas ».

Une fois que le patient a accepté de regarder, sentir et toucher (avec plaisir !) un aliment, alors on essaye ensemble de s’approcher du visage, des lèvres, de la langue … jusqu’à ce qu’il accepte l’aliment en bouche, et qu’il prenne du plaisir à l’avaler.

Il me semble important de souligner que nous suivons toujours le rythme des patients. Il est ainsi évident que nous ne forçons jamais.

 

Depuis combien de temps pratiques-tu ces exercices ? Quelle évolution peut-on espérer chez les personnes hyper-sensibles ?

Je pratique ces exercices depuis environ 3 ans. Aujourd’hui, je commence à sevrer des enfants en nutrition artificielle, et permet aux enfants sans gastrostomie de manger avec plaisir, de nouveaux goûts et de nouvelles textures.

 

Et enfin, je sais que beaucoup de parents lisent le blog et qu’ils seront nombreux à me poser la question (et malheureusement je n’ai pas la réponse !) connais-tu un moyen de trouver des orthophonistes formées à la méthode que tu pratiques ?

Via le groupe Miam Miam sur Facebook, nous organisons des journées d’information destinées aux parents et aux professionnels. Ainsi nous commençons à connaître quelques professionnels formés. Mais il est encore très difficile pour nous d’orienter vers des professionnels (orthophonistes ou autres professions paramédicales).

Il est important de savoir que ce type de prise en charge est une formation ouverte à tous les professionnels  et que la formation en ce domaine se développe afin de répondre aux nombreuses demandes !

 

 

 

Encore mille mercis à Allison pour avoir répondu à mes questions !

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Centre spécialisé SED à Duke University

Marie est néophobe depuis toute petite. Française expatriée aux Etats-Unis depuis environ 5 ans, elle a la chance de suivre la thérapie du centre de l’Université de Duke, en Caroline du Nord, spécialisé dans le Trouble de l’Alimentation Sélective (SED).

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Ce centre a deux gros avantages : non seulement ils semblent vraiment comprendre de quoi on souffre et toutes les problématiques associées, mais en plus ils traitent à la fois les adultes et les enfants souffrant de néophobie, c’est le seul centre aux US qui propose de soigner les adultes. L’équipe est composé d’un large panel de professionnels de santé en plus des psychologues. Ils proposent également des activités pendant les séances qui sortent un peu du cadre d’une thérapie comme on la connaît : des expositions au restaurant, un accompagnement au supermarché… Le tout est fait pour cerner au mieux ce qui se passe dans la tête de la personne qui souffre du trouble, afin de pouvoir l’aider et l’accompagner au mieux.

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Une équipe de psy et autres médecins qui la comprennent vraiment

La psy m’a tout de suite comprise et a utilisé le même vocabulaire qu’on utilise dans nos groupes facebook et forums de soutien. C’est fabuleux de parler comme ça a un professionnel de santé et qu’en retour elle me comprenne aussi bien.

Elle va discuter avec son équipe de l’approche à suivre pour moi, mais déjà les quelques propositions qu’elle m’a exposées m’ont paru très réalistes et tiennent en compte la difficulté qu’on a avec la nourriture. Genre se pousser à manger un peu plus même si on commence à sentir de l’anxiété (tout en essayant de baisser cette anxiété), mais si on n’arrive pas à baisser l’anxiété, alors ne pas hésiter à s’arrêter là, et finir avec une safe food (nourriture acceptée) pour ne pas créer un mauvais souvenir pour le futur. Aussi elle tient compte de l’hyper-sensibilité qu’on a avec nos sens, à la fois due à notre physiologie mais aussi due à notre état émotionnel/anxiété pendant les repas.

Vraiment ce qui m’a plu c’est qu’elle a l’air de vouloir travailler avec la façon dont je suis plutôt que d’essayer de me changer totalement. Par exemple d’après ce que j’ai compris, elle veut que j’apprenne à gérer mes sens et à amener leur sensibilité plus bas, au lieu de juste arrêter de penser à ce que je ressens et de me focaliser sur autre chose (ce qui est ce que ma psy d’avant essayait de me faire faire, mais c’est super dur de ne pas prêter attention à ces sens quand ils sont si sensibles).

 

210_ZuckerNancyNancy Zucker, la responsable du programme était là aussi. J’étais contente de la voir parce que j’avais entendu parler d’elle.

Elle m’a expliqué sa théorie vis-à-vis de cette maladie et comment elle la perçoit. Elle était juste sur toute la ligne, et sa théorie a du sens. Elle pense que notre connexion entre nos tripes et notre cerveau est comme une grosse autoroute au lieu d’être une petite route de campagne comme chez les gens normaux. Du coup la moindre chose que nos tripes ressentent sont directement communiquées à notre cerveau.

Elle a pris l’exemple de quand quelqu’un rencontre quelqu’un d’autre pour la première fois et a tout de suite le sentiment qu’il ne serait pas bon de faire confiance à cette personne. Même si d’autres personnes lui disent « mais qu’est-ce que tu en sais, tu ne l’as jamais rencontre auparavant, donc comment peux-tu savoir que tu ne peux pas lui faire confiance ? » Dans ce cas-là, il est juste difficile de mettre des mots sur le pourquoi du comment, c’est juste une profonde intuition. Et c’est la même chose pour nous avec la nourriture. Nos tripes nous disent qu’on ne va pas aimer, ou que ça va nous rendre malade, ou autre, et même si on sait rationnellement qu’il faudrait quand même qu’on essaie, c’est très très difficile de ne pas tenir compte de ce que nos tripes nous crient.

Elle a aussi expliqué que dans une thérapie normale, généralement le thérapeute se focalise sur l’anxiété/état émotionnel lors de la prise de repas et essaye de l’amener au plus bas, mais ne prends jamais (ou rarement) en compte les sensations. Alors qu’avec Duke, ils veulent se focaliser sur les 2, vu que pour nous notre sensibilité sensorielle est plus élevée que la normale. Donc d’après ce que j’ai compris, durant les expositions qu’on va faire, on va analyser les sensations que j’aurais, en même temps que l’anxiété et l’état émotionnel dans lequel je serai.

 

Leur système d’exposition est aussi différent de ce qui peut se passer lors d’une exposition « normale ». C’est-à-dire que chez Duke ils commencent à exposer la personne à une bouchée minuscule et petit à petit augmentent la taille de la bouchée jusqu’à atteindre une bouchée normale. Ils exposent aussi la personne à quelque chose au moins 20 fois avant de demander à la personne de mettre cette nourriture dans une catégorie : soit safe food qu’on peut incorporer dans l’alimentation de tous les jours, soit safe food qu’on ne choisirait pas forcement de nous-même mais qu’on pourrait manger au resto ou chez d’autres personnes, soit une nourriture qui ne nous attire tout simplement pas.

Elle m’a aussi expliqué qu’ils utilisent beaucoup de trucs ludiques genre jeux etc. Aussi, dans mon cas tout du moins, on ne va jamais lors d’une exposition complètement remplacer le repas avec juste la nourriture d’exposition. On va toujours garder une nourriture safe pour faire la majorité du repas. Dans mon cas c’est à la fois pour que je ne perde pas de poids et aussi pour que je ne me mette pas trop la pression.
Elle m’a dit qu’à peu près un quart des patients chez eux ayant une néophobie alimentaire sont des adultes
En tout cas ça a encore plus confirmé mon sentiment qu’ils savent ce qu’ils font et qu’ils comprennent vraiment la maladie.

 

Ma psy pense que ça serait bon pour moi de passer plus de temps avec des aliments, même si je n’arrive pas à les cuisiner, ou même faire des expériences culinaires même si je les loupe et ne peux pas les manger (en ayant autre chose à manger bien sûr), en gros « jouer » un peu avec, les toucher, me familiariser avec.

 

Quand je lui ai raconté « l’aventure » du ramboutan, elle a aussi compris que je fais beaucoup allusion aux expériences passées. Dans ce cas, quand j’ai vu l’intérieur du fruit, ça m’a fait penser au litchi et comme je savais que j’aimais le litchi, j’étais disposée à gouter le ramboutan. Alors que si ça m’avait fait penser à un fruit que je n’aime pas, je n’aurais pas gouté le ramboutan. Donc elle a noté qu’il va falloir qu’on fasse attention à ça, que ça peut beaucoup aider dans certains cas, mais aussi être un gros frein dans d’autres cas.
J’ai réalisé qu’avec ma psy d’avant et tous les professionnels de santé d’avant, je ressentais le besoin qu’il fallait que je leur fasse comprendre d’abord à quel point c’était difficile pour moi pour qu’ils me prennent au sérieux, et du coup ça me faisait focaliser sur les côtes négatifs de la chose. Maintenant avec Duke, je sais qu’ils savent que c’est très très difficile, du coup je ne ressens plus ce besoin de leur dire à quel point c’est difficile, je peux mieux me focaliser sur comment rendre les choses plus faciles.

 

J’ai aussi eu le médecin généraliste du programme qui m’a prescrite du Clonazepam, un benzodiazépine pour m’aider dans les moments très difficiles. Je n’ai pas besoin de le prendre tous les jours. C’est censé avoir un effet rapide (agit dans les 30 min et dure 8 heures max), donc je le prends juste quand c’est nécessaire. Elle m’a prescrite la dose minimale.

 

Suite à la “découverte” de la dysoralité sensorielle grâce à une maman du forum dont le fils a été diagnostiqué de cette maladie, j’en ai parlé avec ma psy et lui ai demandé s’il serait possible de regarder de ce côté là. Le Dr. Nancy Zucker (la responsable du programme) va programmer une évaluation sensorielle avec ce qui correspondrait à une orthophoniste en France. Ils vont faire un bilan de mes capacités sensorielles et motrices. Il me tarde de savoir ce que ça va donner!

 

Des exercices en séance, et des « devoir maison » pour réussir à mieux cerner leurs patients et leurs situations

On a d’abord passé en revue ce que je mange durant la semaine ces derniers temps. C’est nécessaire pour partir d’une base. Mais ce n’était pas forcément plaisant de devoir faire face encore une fois au fait que mon alimentation est si restreinte et qu’en plus je ne prends presque aucun plaisir à manger ces choses.

Après, on a essayé de remplir un tableau à double entrée avec les choses que je préfère. Pour les colonnes c’était les goûts: sucré, salé, savoureux (genre viande), acide/vinaigre. Pour les lignes c’était les textures: liquide, crémeux, craquant, mou/collant, contenant des morceaux. Cette partie était intéressante, mais encore, ça me rappelait aussi à quel point je suis difficile avec la nourriture et à quel point la nourriture a besoin d’être d’une certaine manière, très spécifique.

 

Devoirs maison maintenant: écrire ce que je mange chaque jour, dans quelle circonstance, mon taux d’appétit avant/pendant et après, mes pensées, etc.

 

Devoir maison: décrire ce que mes sens ressentent pendant que je mange un snack (pour commencer) tout en restant neutre: pas de jugement, pas de « j’aime » ou « j’aime pas », faut rester descriptive, genre c’est craquant, c’est sec, ça sent comme ça, ça a cet aspect, cette couleur, etc. Cet exercice va leur permettre de comprendre mon niveau de détection avec mes différents sens. Ça va aussi m’aider moi à réaliser peut être des éléments d’un aliment que je pourrais apprécier mais que jusque-là je ne sentais pas vraiment parce que j’étais trop focalisée sur un cote négatif de cet aliment.

Je dois aussi noter pour quelques repas mon niveau d’appétit avant et après le repas pour déterminer s’il pourrait y avoir un lien entre mon niveau de faim et mon plaisir à manger. Nancy a une hypothèse que quand on est à un certain niveau de faim, ou ça commence à faire « mal » d’avoir faim, ben que du coup on n’est pas en bonne disposition pour apprécier ce qu’on mange.

Des exercices adaptés à chaque situation

La semaine prochaine, on va faire la séance dans un magasin alimentaire (mais ne rien acheter, juste regarder). Parce que c’est difficile de penser à tous les aliments possibles quand on est juste assis dans un bureau, et donc c’est difficile pour ma psy de voir vraiment un lien entre toutes les choses que j’aime et celles que je n’aime pas. Donc aller dans un magasin ensemble et passer en revue ce qu’ils ont et voir quelle est ma réaction va l’aider à mieux me comprendre. Elle espère aussi que ça pourrait m’aider à avoir des surprises et à réaliser que je serais en fait vachement intéressée à essayer tel truc dont je n’avais pas vraiment prêté attention auparavant. J’ai aussi proposé qu’on fasse cet exercice plusieurs fois (pas d’affilé mais dans quelques semaines) et qu’une fois je fasse vraiment les courses, pour qu’elle puisse m’aider à surmonter l’achat des courses, vu que c’est un vrai calvaire pour moi en ce moment.
Je trouve ça vraiment bien cette possibilité/flexibilité de faire la séance dans d’autres endroits que juste son bureau pour travailler sur différents aspects.
Elle a aussi dit qu’on pourrait faire certaines expositions au resto.

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La semaine dernière, nous sommes donc allées au magasin avec ma psy. On n’a eu le temps que de faire les produits frais, c’est-à-dire les fruits et légumes et les viandes et poissons frais. Je lui ai décrit ce que je ressentais pour chacun des aliments en face de nous. Bilan de cette petite escapade, elle trouve que j’ai pas mal de curiosité vis-à-vis des aliments qu’on a vus et trouve que c’est plutôt bien. Elle a aussi remarqué qu’il y a pas mal d’aliments que j’aime mais que je ne mange pas chez moi (je les mange au resto ou chez les autres).

 

Regarder une émission de cuisine ensemble et de lui dire ce que j’en pense : si je trouve ça difficile à faire, pour quelle raison, etc. Comme ça elle aura une meilleure compréhension de ce que ça représente pour moi de cuisiner, voir s’il y a quelque chose en particulier qui me bloque.

 

On a aussi commencé une petite exposition. J’avais amené 2 types de chips pour les manger/gouter pendant la séance et décrire ce que je ressens, voit, etc. de manière objective. J’avais amené des chips pita (je sais déjà que je les aime bien) et des chips de patate soufflée (nouveau pour moi, même si j’ai déjà mangé des chips comme ça dans le passé, mais pas de cette marque-là). On a commencé par les chips pita, ça faisait bizarre de décrire de manière objective et d’essayer de donner le plus de détails possible, mais elle a rendu l’exercice plus facile en me disant d’imaginer que j’explique ce que c’est à quelqu’un qui n’a jamais manger de chips pita de sa vie, et donc de dire que j’aime le goût ou pas ne va pas aider cette personne. On est passé ensuite aux chips de patate soufflée, déjà elles ne ressemblaient pas à l’image sur le paquet, puis au goût, ça n’avait pas vraiment le goût de patate, comme un goût parfumé, et elles étaient plus salées que les pitas chips. Mais bon, j’ai décrit tout ça de manière objective. A la fin, elle m’a demandé à quel point je serais prête à les manger par moi-même, sur une échelle de 0 a 10, 10 étant aucun problème. J’ai noté les chips pita à 10, et les autres chips à 8, parce que même si l’aspect et le gout était un peu décevants, je pouvais quand même les manger.
Pour la prochaine exposition qu’on fera ensemble, elle ne me demandera pas de classifier à quel point j’aime l’aliment ou non, elle me demandera à quel point c’est facile ou difficile de le manger. Et après plusieurs expositions du même aliment, elle me demandera à ce moment si je l’aime ou pas.

 

 

Merci beaucoup à Marie pour son témoignage, son expérience nous donne l’espoir qu’un jour on aura aussi ce genre de centre spécialisé en France.

Se soigner

Hypnothérapie

Ce qui m’a décidée à y aller

L’hypnose, on m’en a souvent parlé, on m’a souvent dit que ça marchait bien pour les phobies, et qu’il faudrait que j’essaye. J’ai toujours eu dans l’idée qu’un hypnothérapeute ne se trouvait pas sur Google, qu’il fallait connaître quelqu’un qui puisse t’en recommander un, car c’était un milieu où on pouvait facilement tomber sur des charlatans. Cette page confirme d’ailleurs ce que je pensais. Seulement voilà, je ne connaissais personne qui soit capable de me recommander un.

Félix Economakis, un hypnothérapeute anglais, participait activement au groupe Facebook anglophone Living with SED (Selective eating disorder), sur lequel j’étais moi aussi assez active à l’époque.

Déjà, il se définissait comme hypnothérapeute. Je ne savais pas qu’il s’agissait de thérapeutes, je pensais qu’on disait simplement « hypnotiseur ». Le mot thérapeute m’a rassurée, c’est peut-être bête, et ce n’est sûrement pas encadré « médicalement », mais dans mon esprit, c’est quand même un gage de sérieux.

Ensuite, il se targuait d’avoir traité — et guéri ! – plusieurs dizaines d’adultes atteints de néophobie, et ce en une séance seulement ! Sa promesse de changer la vie des néophobes était assez bluffante, et, je dois l’avouer, plutôt tentante…

J’étais quand même un peu dubitative, j’attendais que d’autres se lancent pour voir ce que ça donnait. Les premiers ont été très enthousiastes, puis la joie est vite retombée, façon soufflé au fromage. Oui, la peur est partie, non, leur régime alimentaire ne s’est pas franchement étendu pour autant. Ils arrivent à goûter, mais réussir à aimer et incorporer un nouvel aliment à leur « safe foods list » est une autre paire de manche.

Soit, sachant cela, j’ai pris ma décision en toute connaissance de cause. Je peux espérer que l’angoisse parte, mais je ne serai pas totalement guérie de mon trouble alimentaire pour autant. Ok, ça me va, ce serait déjà une première étape de franchie. J’avais déjà touché du doigt, avec mon traitement aux anti-dépresseurs, qu’il y avait bien 2 versants à ma maladie : l’angoisse d’un côté, l’hypersensibilité de l’autre.

Si la thérapie cognitive et comportementale et le traitement aux anti-dépresseurs m’avaient déjà bien aidés à dépasser ma phobie de goûter de nouveaux aliments, il me semblait tout de même que je n’étais pas tout à fait guérie, et qu’il me restait encore un fond d’angoisse à faire disparaître.

J’ai donc décidé de me jeter à l’eau.

 

Seulement, bien qu’à l’aise en anglais, j’avais peur que le fait d’être francophone pose problème pendant la séance. Je lui ai donc demandé s’il pouvait me recommander un hypnothérapeute français à Paris, ce qu’il a fait. J’ai donc pris rendez-vous

 

J’ai ressassé l’idée pendant un moment, un peu rebutée par le fait de devoir aller à Londres, et de devoir faire une séance en anglais, et aussi bien embêtée car Felix demande d’amener 5 aliments, présentant une difficulté croissante, afin de les goûter à la fin de la séance pour vérifier si ça a marché. Et très franchement, je n’ai aucune idée de ce que j’aurais bien pu emmener comme aliments..

Puis un beau jour, ça m’a pris un peu comme une envie de pisser, je me suis décidée à chercher un hypnothérapeute ici. J’ai la chance d’habiter à Paris, il doit bien y en avoir des tas des hypnothérapeutes, il n’y a pas de raison qu’ils soient plus nuls qu’à Londres. Donc j’ai demandé à Google de me trouver des hypnothérapeutes, de préférence pas trop loin du bureau histoire que ce soit encore + pratique, et j’en ai contacté plusieurs histoire de pouvoir poser mes questions, savoir s’ils avaient déjà traité des phobies alimentaires, voir un peu si le feeling passait, et éventuellement prendre rendez-vous.

Et c’est là que ce que je pensais à propos de l’hypnose s’est confirmé, et que j’ai pris un peu peur. Si les 3 autres personnes que j’ai eues au téléphone avaient l’air au demeurant très charmantes, gentilles, professionnelles et disponibles, le 4e m’a carrément choquée. Il m’a annoncé qu’il faudrait au moins 10 séances, à 100€ la séance (déjà, à ce stade, Felix me dirait : « fuiiiiis »), et donc je lui ai répondu « je vais réfléchir, c’est tout de même un budget et pour l’instant je ne l’ai pas », ce à quoi il m’a répondu : « je vous propose un marché : pour que cela marche, il faudra que vous vous investissiez aussi. Si ça marche, c’est que vous aurez rempli votre part du contrat. Je ne vous ferai rien payer, votre guérison sera ma récompense. Si ça ne fonctionne pas, c’est que vous n’aurez pas fait votre part du travail, donc vous devrez me payer les 10 séances à la fin de celles-ci. » Là, j’ai pris peur, je l’ai remercié un peu trop rapidement en lui disant que j’allais réfléchir (c’était bien sûr déjà tout réfléchi), j’ai raccroché et suis partie me cacher dans un coin.

J’avais déjà pris rendez-vous avec l’une des trois premières, mais je ne savais pas trop où j’allais mettre les pieds. Quand j’ai annoncé sur le groupe que j’avais pris RDV, Felix m’a dit « ah zut, j’avais quelqu’un à te recommander chaudement ». Il avait dit le mot magique, encore plus rassurant que thérapeute : recommandé. Donc ni une ni deux, j’ai décommandée la madame trouvée sur Google, et pris rendez-vous avec Antoine Garnier.

Au téléphone, le feeling est bien passé, et en plus, il avait déjà traité plusieurs patients atteints de phobies alimentaires, « des adultes qui mangeaient comme des enfants », pour reprendre ses propres termes. Je me suis donc sentie plus rassurée.

 

Je ne me suis pas trop renseignée avant la séance, volontairement. Je ne voulais pas arriver avec des apriori sur ce qui allait se passer ou non, et sur ce que je pouvais espérer à la sortie. J’y suis allée en me disant que si ça marche tant mieux, sinon ce n’est pas grave, ça ne me coûte rien d’essayer — enfin que du financier mais pas d’effort particulier ni de douleur quelconque — et au moins je n’aurais pas à regretter de ne pas avoir tenté.

 

Le mode et la fréquence des séances

Pendant la séance, Antoine a commencé par me poser des questions à propos de mon problème, mais surtout orientés sur le futur. Ce que j’aimerais améliorer, ce que j’attendais des séances d’hypnose.

Ensuite, il a vérifié que j’étais bien réceptive à l’hypnose, notamment en faisant bouger ma main toute seule. Ne me demandez pas comment, mais effectivement ma main bougeait bien toute seule, un peu comme la trotteuse d’une horloge qui se déplace de quelques millimètres toutes les secondes.

Puis il m’a fait faire des exercices de projection, où je devais imaginer différents scénarios pendant qu’il m’hypnotisais — par exemple ma réaction actuelle face à un aliment nouveau, puis m’imaginer manger avec plaisir ce même aliment. Je dois avouer que je ne suis pas très douée avec la projection, et que visualiser dans ma tête ce qu’il me demandait était très compliqué.

Je l’ai revu trois semaines plus tard, puis encore une ou deux fois ensuite.

 

Pourquoi j’ai arrêté

Je n’ai pas franchement ressenti d’amélioration suite à ses séances. Peut-être un peu moins d’anxiété face aux nouveaux aliments, mais je n’en étais pas vraiment sûre, et puis c’était quand même ma 3e tentative de traitement (après la thérapie cognitive et comportementale, et le traitement aux anti-dépresseurs), et c’est un peu difficile de quantifier à quel traitement sont dûs les progrès.

En tout les cas, ce dont je suis sûre, c’est que je n’ai pas remarqué de changement significatif, et encore moins radical, à la suite des séances d’hypnose, comme Félix Economakis semblait le promettre…

Se soigner

Thérapie cognitive comportementale

Ce qui m’a décidée à y aller

00c581_d8c75d8345abffe25c02ef40a57051d8.jpg_1024C’est mon médecin généraliste qui m’avait orientée vers elle. Un jour, je lui avais parlé d’aller voir une diététicienne. Il y en avait une juste en bas de chez moi et j’y pensais chaque fois que je voyais la plaque en passant devant. Je pensais qu’elle pourrait m’aider à ré-éduquer mon goût. Il m’a dit « Non non non, ça ne servira à rien, c’est une psy comportementaliste qu’il te faut. » Ok, bon, c’est vous le médecin, si vous le dites… Essayons !

Après plus d’un an d’attente, entre le congé maternité de la psy, mon semestre Erasmus et les quelques mois d’attente réglementaires pour avoir un rendez-vous, j’ai enfin rencontré la fameuse psy.

 

 

Le mode et la fréquence des séances

Je la voyais toutes les deux semaines, à raison de 3/4 d’heure par séance. C’était la première fois qu’elle rencontrait ce genre de trouble alimentaire, alors il lui a fallu de nombreuses séances avant de bien cerner mon problème. Les premières séances n’ont donc consisté qu’à en parler, afin que je réussisse à l’expliquer, à mieux comprendre ce qui  se passait dans ma tête et dans mon corps pour qu’elle puisse elle aussi comprendre le phénomème.

Puis, une fois le problème un peu mieux cerné, on a commencé les exercices. Pour essayer de le résoudre, ce problème. Je n’avais aucune aide médicamenteuse, simplement nos séances bi-mensuelles et des exercices à réaliser à la maison. L’objectif était de réussir à introduire petit à petit de nouveaux aliments à mon régime alimentaire, en commençant par ceux qui me donnaient envie, et d’autres qui étaient proches de ceux que je pouvais déjà manger.

L’objectif principal était d’apprendre à analyser la réaction de mon corps face à l’aliment inconnu, et de mieux maîtriser cette réaction. La néophobie, comme les TOC, se manifeste par une très forte montée d’angoisse face à l’objet que l’on craint. Chez un agoraphobe, l’objet de l’angoisse sera la présence de la foule, chez moi, c’est la confrontation à un aliment inconnu. Mais la réaction à cet objet est exactement la même.

 

Pourquoi j’ai arrêté

L’absence de réels résultats — introduction d’un nouvel aliment dans mon alimentation — m’a beaucoup découragée.
En réalité, les résultats n’étaient ni nuls, ni négatifs — j’arrivais parfois à réaliser l’exercice, parfois pas — mais j’avançais vraiment à pas de minimoys, et le découragement se faisait vraiment ressentir devant des progrès si minimes. Les deux semaines d’écart entre chaque séance étaient trop longues, je laissais toujours trainer l’exercice jusqu’au dernier moment, le faisant à la va-vite quelques jours à peine avant le rendez-vous.

Normalement, une thérapie cognitive comportementale dure environ 2 ans, parfois plus, parfois moins selon les cas. Pour ma part, je n’ai vu la psy que pendant six mois.
Malgré le peu de progrès constatés, j’aurais bien continué la thérapie plus longtemps, car je sentais que ça avançait quand même dans le bon sens.
Mais la fin de mes études entraînant mon départ de Bordeaux, je n’ai pas pu continuer. S’en est suivi près d’un an d’instabilité, entre recherche d’emploi, stage, freelance et CDD à répétition. Et puis quand j’ai enfin eu signé mon CDI, un ami de famille médecin m’avait proposé le traitement aux anti-dépresseurs, comme pour traiter les TOCs, avec des résultats bien plus rapides et spectaculaires que la thérapie comportementale. Je ne m’y suis donc jamais replongée.

 

Ce que j’en ai retenu

Ce que je retiens malgré tout de ces six mois de thérapie, c’est d’avoir appris à mieux connaître ma réaction au stress, et surtout à beaucoup mieux la maîtriser du coup. Ainsi, je sais mieux comment me comporter face à un nouvel aliment, et je peux facilement répliquer moi-même les techniques qu’elle m’a apprises en séance.

Bien que je n’aie intégré aucun nouvel aliment pendant la thérapie, cette expérience a quand même été bénéfique vis à vis de ma gestion du stress et de la partie « phobie » de mon trouble alimentaire.

 

 

La psychologue m’a appris à mieux gérer mon stress face à un nouvel aliment. Elle m’a rassurée en me disant qu’une crise d’angoisse finit toujours par arriver à son maximum, et redescendre ensuite. Il suffit alors simplement d’attendre qu’elle passe, pour pouvoir à nouveau affronter la situation problématique. Dans mon cas, si le fait de mettre une bouchée d’un aliment nouveau (omelette, ou orange, par exemple) créait une grosse montée d’angoisse, il fallait alors que j’attende une vingtaine de minutes, que le stress redescende, avant de pouvoir envisager prendre une seconde bouchée. Si je ne le faisais pas, mon corps avait une réaction de défense et de refus face à l’aliment nouveau dès la deuxième bouchée, même si j’avais réussi à avaler la première tant bien que mal. L’angoisse était trop forte pour lui.

En attendant les vingt minutes réglementaires, la deuxième bouchée ne m’apparaitrait pas plus dure que la première à appréhender, l’angoisse aurait le temps de redescendre entre temps et lors de la tentative d’approche n°2, l’angoisse remonterait bien sûr, mais pas plus que lors du premier essai. En revanche, si je m’aventurais à cette deuxième tentative dans la foulée de la première, l’angoisse, qui n’était pas encore redescendue, continuait à monter et c’est alors qu’apparaissait la réaction de refus de mon corps, tels que des haut-le-coeur par exemple, ou même parfois des vomissements.

 

 

Crédit photo : Bekabm

Se soigner

Traitement des TOC : anti-dépresseurs à forte dose

Ce qui m’a décidée à y aller

Pendant un repas de famille dans un resto un peu gastro, mon cousin a fait une remarque comme quoi j’étais un mauvais exemple pour ses enfants — d’une dizaine d’années — car j’avais droit à une assiette de pâtes au beurre alors qu’il essayait de leur inculquer qu’il fallait goûter à tout avant de dire « j’aime pas ». Un ami de famille de longue date qui est aussi médecin généraliste a entendu cette remarque, et en a discuté par la suite avec ma maman pour en savoir un peu plus sur mon blocage alimentaire.

Il lui a proposé de me rencontrer en consultation, pour confirmer ses hypothèses, et éventuellement me proposer un traitement. Il voulait tout d’abord écarter l’anorexie, s’assurer qu’il s’agissait d’un problème différent, et essayer de mieux comprendre ce fameux problème.

Selon lui, la néophobie alimentaire peut être assimilée à un TOC — trouble obsessionnel compulsif — car cela se caractérise par une forte montée d’angoisse incontrôlée face à une situation donnée. On peut traiter les TOC avec des anti-dépresseurs — dans mon cas le Zoloft — afin de diminuer les réactions d’angoisse de la personne atteinte de TOC. Ainsi, une fois l’angoisse apaisée par les médicaments, il devient plus facile de faire face à l’objet sa phobie et de le combattre.

 

Le traitement

Ce traitement n’est pas anodin, car la dose prescrite est plus forte que le dosage initial prévu pour traiter la dépression.
J’ai commencé avec 50mg de Zoloft par jour, puis suis montée à 100mg par jour au bout d’un mois. Un mois plus tard, j’aurais dû passer à 150mg, mais mon médecin m’avait trouvée fatiguée, et effectivement je l’étais vraiment. Il avait alors préféré attendre un mois de plus avant d’augmenter la dose.
Finalement, j’ai arrêté mon traitement au bout de cinq mois, les effets secondaires étant trop lourds à supporter. Le plan de base prévoyait que je continue un peu plus longtemps, et avec une dose plus forte, mais les résultats se faisant plus rares, et les effets secondaires étant ce qu’ils étaient, nous avons pris la décision de nous arrêter là.

 

Pourquoi j’ai arrêté le traitement

Comme tout anti-dépresseur, le Zoloft a de nombreux effets secondaires, et même si les résultats ont été spectaculaires et bien au-dessus de mes espérances, il s’agissait tout de même d’un traitement vraiment lourd. J’ai eu plusieurs semaines d’insomnies, lorsque l’on a doublé la dose pour la première fois. Puis les insomnies se sont calmées, mais d’autres effets secondaires sont venus les remplacer. J’ai eu des maux de ventre persistants et une digestion très difficile, des suées nocturnes qui me réveillaient détrempée chaque nuit, un certain manque d’attention et des pertes de mémoire assez troublantes, me retrouvant coincée en bas de chez moi, incapable de me rappeler le code d’entrée de ma résidence… Bien qu’ayant retrouvé le sommeil, je dormais très mal et était toujours vraiment très fatiguée, subissant des étourdissements et vertiges plusieurs fois par jour.
Rien de très grave au final si on prend chaque effet séparément, mais des petits riens qui s’accumulaient et qui ont fini par rendre le traitement trop lourd à supporter…

Ce que j’en ai retiré

Malgré tous ces effets secondaires clairement négatifs (je préfère être totalement transparente et surtout ne pas vous inciter à prendre un traitement aussi lourd sans vous parler de tous les aspects du traitement !), j’ai quand même pu progresser très nettement grâce à ce traitement.

En moins de six mois, j’ai plus que doublé le nombre d’aliments que j’étais capable de manger. J’ai été capable de goûter des aliments dont l’odeur me donnait envie depuis des années, comme la pizza, le poulet, ou encore le melon.

J’ai pu intégrer tout de suite la pizza à mon alimentation « quotidienne » (sans en manger tous les jours, c’est un aliment dont j’ai tout de suite été capable de faire un repas entier, pour lequel il ne m’a pas fallu de période de « transition » ou d’habituation).

Pour le poulet, c’est plus compliqué, et trois ans plus tard j’y travaille toujours, mais cela dit le poulet est quand même maintenant l’un des plats que je peux commander au restaurant, et je prends du plaisir à en manger, même si je suis toujours incapable de croquer à pleine dent dans un aileron de poulet.

Pour le melon, ça a été une grande déception au début. J’ai détesté le goût. Des années à renifler ce fruit avec envie, pour finalement ne pas en aimer le goût, quelle déception ! Et puis finalement, je me suis accrochée, j’ai continuer à en goûter des petits morceaux plusieurs fois, et je me suis un peu habituée. C’est plus compliqué que les autres aliments car chaque été, il faut recommencer l’habituation presque à zéro, après des mois sans en avoir mangé, mais j’arrive tout de même aujourd’hui à en manger quelques tranches.

Comme l’espérait mon médecin, les anti-dépresseurs m’ont permis de savoir que j’étais capable de goûter de nouveaux plats. Ils ont réellement été d’une grande aide pour goûter les aliments qui me donnaient envie depuis longtemps, ainsi que d’autres aliments, proches de ceux de mon alimentation habituelle. J’ai vraiment appliqué le principe de food chaining pour évoluer vers des aliments qui se rapprochaient de mes aliments sûrs, et ainsi me faisaient moins peur (et aussi me donnaient plus envie).

En revanche, lorsque j’ai commencé à m’éloigner des textures auxquelles j’étais habituée, et aussi à m’orienter aussi vers des goûts plus prononcés, je me suis vraiment rendue compte que ma perception des goûts et des textures était exacerbée.
Je mettais des heures à me remettre de trois grains de poivre dans un plat, quand ma mère me disait ne même pas l’avoir senti ; accepter un morceau de poulet dans ma bouche était une véritable épreuve et il était impossible pour moi de l’avaler si je ne le camouflais pas dans une grosse bouchée de pomme de terre ; mettre un quartier d’orange dans ma bouche me faisait avoir des nausées sans fin alors que c’est un goût que j’adore et dont je bois des litres et des litres chaque semaine…

On avait beau me dire que j’intellectualisais trop, et qu’il fallait que je fasse comme pour les enfants au moment de la diversification (manger et puis c’est tout sans me poser de question), je sentais bien qu’il y avait une part du problème qui restait non résolue malgré mes progrès faramineux.

Je commençais peu à peu à mettre le doigt sur une réalité nouvelle pour moi à l’époque : mon problème n’est pas que psy, il y a aussi une composante physiologique sur laquelle les médicaments n’ont pas d’effet : l’habituation aux goûts et l’acceptation des nouvelles textures.

 

Ce n’est que quelques années plus tard, grâce au témoignage d’Alexandra, que j’ai appris l’existence du Syndrome de dysoralité sensorielle, mais déjà, au bout d’à peine six mois de traitement aux anti-dépresseurs, je me rendais bien compte que j’arrivais au bout des progrès que j’étais capable de faire pour le moment.