Ma fille souffre du trouble de l’alimentation sélective – témoignage de Valérie, maman d’une grande néophobe

Ma maman a longtemps culpabilisé. Elle pensait avoir raté quelque chose quelque part, sans jamais savoir quoi. Alors elle a fait comme elle a pu, pour que ça se passe le moins mal possible, et que je grandisse en bonne santé. Maintenant, elle sait que je suis juste malade, que ce n’est pas sa faute, et, j’espère, elle ne culpabilise plus autant qu’avant.

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29 novembre 1987, ma petite fille voit le jour. Et maintenant, c’est pas tout ça, il va falloir commencer son éducation et parmi toutes ses facettes, son apprentissage alimentaire. Les premiers mois, d’abord, au sein, on passe vite au biberon par manque de lait. À priori, c’est simple mais très vite, elle a du mal avec ses biberons. Qu’à cela ne tienne, on commence très vite l’alimentation à la cuillère et là, que du bonheur, pendant plus d’un an, elle mange tout ce que je lui présente. « Qu’est-ce qu’elle mange bien ! », « C’est un plaisir de la voir manger ! » me répète mon entourage. Je suis même allée jusqu’à lui faire de la purée à la cervelle d’agneau et au foie de veau alors que je n’en mange pas moi même. C’est pas tout ça, bébé grandit, il serait temps d’intégrer les morceaux dans son alimentation. Et ce en même temps que l’arrivée du petit frère. Et là, ça se complique. Les coquillettes, le patates carrées ou rondes (pommes rissolées ou noisettes surgelées), ok, ça passe, c’est même bon mais viande, poisson et même jambon et knacki ainsi que légumes, hors de question, ça ne passe pas. On met ça sur l’arrivée du bébé, pas grave, on ré-essaiera un peu plus tard. On reste à la purée, à la soupe et aux yaourts et ça roule. Les enfants grandissent, c’est le moment de ré-itérer, minette a 3 ans. Et là, aucun changement, riz, pâtes ou patates et rien d’autre.

Et commencent alors les questionnements, les angoisses, les crises de larmes, les heures à table et personne capable d’apporter des réponses. Alors on essaye la force, la ruse, la punition, rien n’y fait, on se sent coupable, on cherche pourquoi elle ne mange rien alors que son frère mange bien, étant élevés ensemble de la même manière. Il faut parer au plus pressé, équilibrer au mieux son alimentation avec le peu dont on dispose. Bon an mal an, je pense y être arrivée entre la soupe faite maison, les yaourts à gogo, les oranges pressées et de temps en temps oeuf à la coque et banane mais restent l’angoisse des carences alimentaires, la bataille contre l’incompréhension d’autrui, ce pourquoi sans réponse et cette assurance d’avoir raté quelque chose, d’avoir fait une erreur.

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Tout ça, on essaye de le garder pour soi et on fait son maximum pour qu’elle se sente normale car au fond de moi, je le sais, elle est normale et a droit à une vie normale. Elle doit pouvoir aller à la cantine, aux voyages de classe, au restaurant et aux repas de famille sans être regardée comme un phénomène de foire. J’ai essayé du mieux que j’ai pu. Je pense que si j’avais eu connaissance, à l’époque, de la néophobie alimentaire ou, comme disent les anglo-saxons, appellation que je préfère, du trouble de l’alimentation sélective, cela aurait été plus facile car on aurait eu un nom à mettre sur la maladie et donc pu faire accepter plus facilement que c’est une maladie.

Aujourd’hui, le seul conseil que je puisse donner aux parents confrontés à ce problème, c’est qu’ils comprennent bien que leur enfant est normal et qu’il souffre simplement d’une maladie bénigne et qu’il n’est en aucun cas ce gamin capricieux qu’on ne manquera pas de leur faire remarquer.

Valoue

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11 réflexions sur “Ma fille souffre du trouble de l’alimentation sélective – témoignage de Valérie, maman d’une grande néophobe”

  1. C’est toi sur les 2 photos ? (ou c’est des photos génériques trouvées sur une base de données web?)
    Je trouve que les photos de nous enfants en disent plus sur qui on est que celles d’adulte. A cette époque là, on ne pense pas encore à notre apparence, et on n’est pas encore formaté par l’école et notre vie sociale, …on voit la personnalité brute.
    Moi et A on en a de nous sur facebook, si ça t’intéresse d’y rechercher une ressemblance (ou différence). Je peux t’en envoyer par email si tu préfères. Et si tu peux en mettre d’autres de toi à différents âges sur ton blog, ça m’intéresse.
    C’est ce qui m’a apporté le plus de compréhension dans mes recherches. De savoir quel enfant j’ai été, quels choix j’ai fait et pour quelles raisons, me permettent de mieux comprendre quel adulte je suis devenu aujourd’hui.

  2. Bonjour,

    Je retrouve dans vos angoisses de maman celle de ma mère. Sa crainte des carences. Sa peur de se dire ma fille aura une leucémie. Mes parents ont toujours essayé de compenser dans le peu de choses que j’acceptais de manger à d’éventuelle carence. Donc produit laitiers à gogo, fruit puisque ni légume ni viande juste des oeufs.

    Juste pour dire à travers votre message merci aux mamans qui ont fini par comprendre que la néophobie n’est pas un caprice.

    Bérénice

  3. Bonjour maman d’un petit Hugo de 8 ans… Hugo souffre de néophobie alimentaire depuis ses 2 ans, nous avons tout essayé, punition, jeux, prise en charge psychologique… Aujourd’hui on a appris à vivre avec lui, les frustrations sont présentes, on prend sur soi, on en parle beaucoup avec lui mais l’angoisse est très présente pour Hugo… Ce mayin il m’a dit maman 2fois par semaine je vais essayet de sentir quelques aliments et si l’odeur me convient j’essaieraid de goûter! Ok mon fils je compte sur toi et je serais très fière de toi…

    Jy crois encore…

    1. Bonjour Isabelle,

      Effectivement à part apprendre à vivre avec et l’aider à réduire ses frustrations, je crois qu’en tant que parent il n’y a pas grand chose à faire d’autre qu’attendre que l’envie vienne de lui. Passer par l’odeur est une bonne idée je pense.

      L’important est de ne pas lui mettre la pression. Si ce n’est pas deux fois par semaine, ce n’est pas grave, peut être qu’une semaine ce sera trois ou quatre fois et après plus rien pendant un mois, ça va par vague je crois. L’important est qu’il en ait envie, qu’il ne se sente pas obligé de le faire par peur de vous décevoir ou autre..

      Il faut aussi penser que s’il goûte quelque chose, ce sera probablement un morceau microscopique sur le bout d’une cuillère, cela vous paraîtra infime mais pour lui cela représentera déjà beaucoup.
      Il ne faudra pas attendre de lui qu’il mange un plat entier de quelque chose qu’il aura pu aimer lorsqu’il l’aura goûté la première fois. S’il a aimé quelque chose une première fois, présentez-le de nouveau s’il en exprime le souhait (est-ce que tu voudrais re-goûter ce que tu as aimé l’autre fois ?), parfois il pourra aimer quelque chose, ou du moins le tolérer, mais ne pas vouloir le réessayer pour autant. S’il veut rester un aliment qu’il a aimé, le servir dans un plat à part de ses aliments habituels (ou si c’est dans la même assiette, s’assurer que ça ne touche pas ses aliments habituels), et surtout, en petite quantité. Il est peu probable qu’il réussisse à manger un plat entier dès le premier essai, augmentez les quantités au fur et à mesure selon ses capacités.
      Insister sur le fait que s’il n’en mange qu’une ou deux bouchées, c’est déjà très bien, qu’il n’est pas obligé de tout manger. Insister aussi sur le fait qu’il a le droit de recracher, penser à mettre à disposition une serviette en papier pour si besoin, que ce n’est pas grave de recracher, que goûter c’est déjà très bien, un énorme pas en avant.

      Une autre chose qui m’a été très utile, que ma psy m’avait expliqué. Prendre une bouchée d’un plat est une source de très grande angoisse, et essayer de prendre une deuxième bouchée tout de suite après continue de faire monter cette angoisse, et de ce fait, la deuxième bouchée paraît totalement insurmontable même si la première s’est très bien passée. Pour éviter cela, il faut laisser passer du temps entre la première et la deuxième bouchée, pour que l’angoisse redescende. Cela peut nécessiter jusqu’à une vingtaine de minutes, parfois moins. Maintenant que j’ai appris à mieux comprendre mon angoisse, j’arrive à mieux la maîtriser, et en moins de 5 minutes j’arrive à sentir qu’elle est redescendue et que je peux attaquer une deuxième bouchée plus sereinement. Ainsi, l’angoisse lors de la même bouchée sera probablement la même que lors de la première, mais pas plus, et elle sera de ce fait surmontable comme l’avait été la première bouchée.

      Voilà quelques conseils que j’ai pu recueillir auprès d’autres mamans de néophobes, et à travers ma propre expérience. J’espère que cela pourra vous aider.

      Je suis en contact avec plusieurs mamans de néophobes, mais elles sont toutes anglophones. Si vous parlez anglais et que vous êtes intéressée pour entrer en contact avec elles, elles seront ravies de vous écouter et de vous conseiller.

      Bonne journée

      LeeLoo

  4. Merci pour ce site et ces témoignages ! Comme cela fait du bien ! Ma fille a 11 ans et soufre du SED depuis des années… des années de souffrance et d’angoisse pour elle, de craintes et de culpabilité pour moi, de critiques des proches et de environnement éducatif (école, cantine, médecin), c’est dur….

  5. Bonjour, merci pour votre site, je peux mettre enfin un nom sur un problème quotidien et surtout comprendre que mon fils de 11 ans n’est pas seul dans son cas, je souhaiterais consulter un spécialiste mais j’ai peur de tomber sur la mauvaise personne.

  6. Je découvre à peine le sujet et tombe sur votre blog. Cette description pourrait être écrite par moi ! Ma fille de presque 4 ans a une alimentation très compliquée, mais en effet je préfère le terme sélectif. Nous devrions avoir rdv avec une orthophoniste dans les prochains jours. J’espère pouvoir trouver des clés pour aider ma fille. Que ça fait du bien de ne pas se sentir seule(s), et de ne pas juste devoir dire que ma fille est chiante !
    Merci !

  7. Bonjour,

    J’ai 19 ans et depuis toute petite je n’arrive pas à manger de fruits et légumes non pas à cause du gout mais plutôt de la texture qui me dégoute, je ne peux pas dire que je n’aime pas mais je n’arrive à en manger ça me dégoute vraiment beaucoup, je ne sais pas quoi faire pour réussir , vous avez des conseils à me donner ? Cela m’handicap tout les jours je ne sais plus quoi faire…

    1. Bonjour Alix,

      D’après ce que tu dis, tu souffres peut-être d’hyper-sensibilité qui causerait ton trouble alimentaire. Tu peux rencontrer une orthophoniste formée aux troubles de l’oralité (attention, toutes ne le sont pas, poser la question lors de la prise de rendez-vous), pour qu’elle effectue un diagnostic de SDS syndrome de dysoralité sensorielle, et si positif, elle pourra te proposer une désensibilisation, soit à base de massages dans la bouche, soit à base d’approche graduelle de la nourriture

      Bon courage
      Marie

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