L’échelle de la progression, ou la pyramide des besoins d’une personne souffrant de troubles de l’oralité

La pyramide de Maslow des besoins fondamentaux

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Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de la pyramide de Maslow ? C’est un psychologue américain qui a défini une pyramide de besoins essentiels aux êtres humains, de manière universelle. Il considère qu’une personne ne cherchera à combler certains besoins que si ceux du niveau inférieur sont déjà comblés de manière stable. Besoins physiologiques (faim, soif, santé, sommeil), sécurité, amour, estime et accomplissement sont les 5 niveaux principaux des besoins humains selon Maslow.

La pyramide d’Ellyn Satter sur les besoins nutritifs

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L’institut Ellyn Satter, spécialisé dans la nutrition, a tenté d’adapter la pyramide de Maslow à la nourriture. Ainsi, le premier niveau du besoin fondamental de nourriture consiste à trouver assez de nourriture.
Ne pas avoir peur de souffrir de la faim permet d’accéder au second niveau : trouver des aliments acceptables. La définition d’acceptable est très subjective et dépend de normes sociales, et de qualités nutritionnelles.
Le niveau supérieur consiste à ne pas se préoccuper de la disponibilité de ces aliments acceptables. Être capable de prévoir les repas suivants, et de faire des réserves.
Le niveau suivant consiste à se préoccuper des préférences gustatives de ces aliments. Se tourner vers ceux que l’on préfère, et les consommer plus régulièrement. C’est le stade où se trouve la plupart des gens des pays développés : ils n’ont pas à se préoccuper de la menace d’avoir faim, ils savent la nourriture en abondance et leurs choix alimentaires sont dictés par leurs goûts et leurs préférences.
L’étape supérieure consiste à goûter à de nouveaux aliments. Une personne ayant peur de manquer (niveaux 1-2 instables) n’osera pas goûter par peur de gâcher. Une personne avec une base de pyramide solide n’aura pas peur de ce gâchis et osera prendre ce risque afin de découvrir de nouveau aliments.
Enfin, le dernier niveau, tout comme la pyramide de Maslow, représente l’accomplissement, mais à travers la nourriture.

La pyramide des besoins d’une personnes souffrant de troubles de l’oralité alimentaire

Dans le cas du processus de guérison de la néophobie, la pyramide d’Ellyn Satter ne saurait s’appliquer. Comment réussir à avoir une base stable quand pour réussir à avoir un nombre suffisant d’aliments acceptables, il faut braver le niveau 5, tout en haut de la pyramide ? Comment réussir à construire des bases saines si l’on s’élance tout en haut sans avoir de socle sur lequel se reposer ?

Après une discussion très intéressante et constructive avec Skye, l’auteur de Mealtime Hostage, nous avons élaboré un schéma de pyramide qui pourrait s’appliquer à un processus de guérison de la néophobie.

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Après plusieurs échanges avec Skye, nous sommes parvenues à trouver le modèle qui pourrait correspondre :

1/ Manger à sa faim

Se focaliser sur le fait de manger en quantité suffisante pour avoir l’énergie nécessaire, une bonne croissance et un poids correct, etc.
Ne pas souffrir de la faim, réussir à ingérer suffisamment d’aliments, tant en terme de quantité que de variété, pour réussir à être en forme, avoir suffisamment d’énergie pour passer ses journées et mener à bien ses activités quotidiennes (travail, loisirs, sport…). Le focus ici est sur l’énergie, sans se soucier d’équilibre alimentaire ou d’avoir une alimentation saine selon les standards communs du pays.
Cela peut induire de servir de la pizza au petit déjeuner, ou de manger des chips tous les midis pour certains, lorsque l’absence d’autres options viables imposera un tel menu, mais il est important de garder en tête qu’un régime déséquilibré mais permettant un apport calorique suffisant sera toujours à privilégier à un estomac vide.

2/ Accepter sa situation

Réussir à accepter comme normales les caractéristiques du régime restrictif caractéristique des néophobes (régime semblable à celui d’un jeune enfant, plats fades, principalement des féculents…)
Faire la paix avec le fait de manger différemment et d’avoir des difficultés, lâcher prise sur l’espoir de manger de tout comme tout le monde en quelques jours/semaines de traitement, accepter qu’on peut grandir et être en bonne santé malgré la persistance du trouble.

3/ Se blinder face aux remarques

Être capable de se blinder face aux remarques et à la pression des autres
Rien que l’idée de manger avec d’autres personnes peut créer de l’anxiété, car nous savons que nous allons recevoir des remarques à propos de notre alimentation. Garder en mémoire que notre alimentation est normale (niveau 2) et que ce sont les remarques qui sont déplacées.
Réussir à apprendre à parler de son trouble sans gêne ni honte (c’est un trouble médical, ce n’est pas de notre faute, et il n’y a aucune honte à avoir de souffrir de cette pathologie), réussir à mener à bien ses activités sociales sans que le trouble ne vienne interférer ni empêcher quoi que ce soit.

4/ Prendre du plaisir à manger

Réussir à trouver du plaisir dans le fait d’ingérer les aliments « sûrs » et manger les aliments préférés à intervalles réguliers (planifier des menus) afin de ne pas s’en lasser. Découvrir de nouvelles manières de manger les aliments « sûrs » (food chaining niveau 1)

5/ Identifier des aliments inconnus comme appétissants

Être capable de trouver appétissants les aliments consommés par notre entourage, même si on ne les a jamais essayés (être attiré par des odeurs de nourriture, considérer des aliments comme plus « sûrs » ou moins effrayants que d’autres aliments inconnus)

6/ Être capable de goûter de nouveaux aliments.

Pour cela, on peut procéder à l’habituation par stades progressifs : toucher l’aliment, le lécher, le mettre à la bouche, puis enfin réussir à en goûter une toute petite bouchée.

7/ Ajouter de nouveaux aliments à son panel habituel

Être capable de faire des repas complets des nouveaux aliments travaillés, de réitérer l’expérience plusieurs fois, puis de les incorporer à l’alimentation de tous les jours dans le panel des aliments sûrs. 

7/ Incorporer des aliments « sociaux »

Incorporer des aliments « sociaux » pour être capable de manger « normalement » en société, pouvoir aller au restaurant sans avoir à répondre aux questions des serveurs et compagnons de table, voyager plus facilement sans angoisse etc.

8/ Incorporer des aliments « sains »

Incorporer des aliments « sains » pour pouvoir avoir une alimentation plus équilibrée et un mode de vie plus sain.

9/ Manger « comme tout le monde », « de tout »

Réussir à manger sans angoisse vis à vis des aliments inconnus, pouvoir goûter sans se poser de question un aliment qu’on n’a jamais essayé auparavant.

Bien souvent, lorsque j’échange avec des personnes néophobes, elles me confient vouloir manger de tout, ou alors manger plus sainement. Chez les parents d’enfants souffrant de TOA on retrouve bien souvent ce rêve aussi pour leur progéniture.

Pourtant, si vous regardez la pyramide que nous avons définie, manger de tout se trouve tout en haut de la pyramide (je ne l’ai même pas formulé ainsi car pour moi manger de tout est une utopie, mais c’est un autre débat…). Avant d’en arriver là, il y a tellement de besoins essentiels à travailler et à assurer pour que le néophobe puisse réussir à manger plus d’aliments.

L’idée, c’est de se dire que tant qu’un pallier n’est pas à 100% accepté, validé, il est inutile d’essayer d’atteindre le pallier suivant, car cela sera trop difficile. Chaque besoin doit être compris, respecté et rempli afin que l’on puisse s’inquiéter du besoin suivant.

Et toi, tu en es à quel stade ?
Est-ce ça te parle cette définition des besoins ? Est-ce que tu penses à d’autres besoins que je n’aurais pas mentionné ici ?

Les personnes souffrant de troubles de l’oralité éprouvent des difficultés à accepter les textures les goûts en bouche, rendant l’acceptation de certains aliments très difficile.

En tant que patiente partenaire, j’accompagne les personnes souffrant de TOA pour qu’elles se sentent moins seules et vivent mieux avec leur trouble. Pour en savoir plus, envoie SOS en commentaire et je te donne toutes les infos !

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1 réflexion sur “L’échelle de la progression, ou la pyramide des besoins d’une personne souffrant de troubles de l’oralité”

  1. Je remplacerai bien l’intitulé du 2/ par « être capable d’identifier, reconnaitre accepter son imperfection. Se comprendre soi-même, comment on fonctionne. Dans le but de se mettre en bonne condition mentale pour se reconstruire en acceptant le changement ». Parce que quand « on se blinde » on campe sur ses positions, on laisse libre cours à la frustration et à la mauvaise foi qui alimentent et entretiennent la psychorigidité. Celle dernière provoque et/ou renforce les comportements de type restrictifs (refus de changement que ce soit par peur ou rebellion). Quand les autres se comportent mal, faut aller voir ailleur (il existe des gens avec qui il n’est pas nécessaire de se blinder).

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