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Activités sensorielles pour petits mangeurs

Marie (non pas moi, une autre… vous verrez, il y a beaucoup de Marie dont je dois vous parler prochainement !) donc, je disais… Marie Poirette est orthophoniste, et s’est spécialisée dans la prise en charge des troubles de l’oralité alimentaire, chez les touts petits, mais aussi les enfants et les ados.

Marie a bien conscience que trouver une orthophoniste formée près de chez soi n’est pas toujours chose aisée, et que même quand on réussit à en trouver une, la liste d’attente peut parfois être très longue avant d’être pris en charge (même pour les ortho, les journées ne font que 24h…). C’est pour tous ces parents en mal de prise en charge qu’elle a créé ce carnet d’activités, qui, bien qu’il ne remplacera jamais la prise en charge personnalisée par une professionnelle formée, pourra vous accompagner dans la découverte de l’exploration sensorielle avec votre enfant néophobe.

Ce carnet commence par rappeler certaines bases (il ne faut jamais forcer un enfant, on peut proposer de goûter mais ce n’est pas l’objectif des activités de ce carnet, et aussi une petite introduction au chaînage alimentaire dont je vous ai déjà parlé ici), avant de vous embarquer dans un mois d’activités sensorielles à faire avec votre enfant, avec pour leitmotiv : explorer tout en prenant du plaisir, sans se prendre la tête dans la préparation d’activités compliquée, et le tout en pas plus de 5 minutes par jour.

Etant moi-même toujours pas très à l’aise sur beaucoup de plans sensoriels, j’ai senti mes poils se hérisser juste à lire l’intitulé de certaines activités. Oui, même si on a plus de 12 ans, on peut trouver que certaines présentent des défis assez costauds. D’autres sont plus intrigantes, et la plupart ont l’air vraiment amusantes !

On y trouve des activités « patouille » où l’enfant ira manipuler avec les mains, jouer et farfouiller dans différentes textures, alimentaires ou non. Certaines sont granuleuses, d’autres sont sèches ou mouillées, on ira aussi jouer sur les transformations de textures en écrasant ou en préparant des recettes…

D’autres activités iront titiller notre odorat. Vous connaissez peut-être le jeu du loto des odeurs, Marie nous propose d’aller un peu plus loin en créant notre propre loto des odeurs par exemple.

Enfin, bien que goûter ne soit jamais obligatoires, ces activités travaillent également la sensibilité autour de la bouche : se faire des peintures d’indien en chocolat (j’adore cette idée !) ou tenter de se lécher le bout du nez plein de yaourt ou de pâte à tartiner…

Comme vous pouvez le voir, toutes ces activités sont ludiques, l’idée ce n’est pas du tout de mettre la pression à votre enfant pour qu’il goûte de nouvelles choses, mais bien au contraire de dédramatiser tout ça en inventant des jeux où sa sensorialité sera travaillée sans même qu’il ne s’en rende compte. Et comme ça, l’air de rien, on va l’habituer à de nouvelles textures, de nouvelles odeurs, et, peut-être, un jour, envisager de goûter de nouvelles choses. Mais ça, ce sera pour plus tard, pour le moment, on joue !

A noter : la tranche d’âge 4 – 12 ans est donnée à titre indicatif. Oui, si votre enfant aura 4 ans dans quelques jours, voire quelques semaines, vous pouvez commencer à faire quelques unes des activités avec, tout en vous adaptant bien entendu à ses capacités, et en veillant plus particulièrement à sa sécurité.
Si vous enfant (ado maintenant !) a plus de 12 ans, il peut toujours faire les activités, mais risque plutôt de ne pas y trouver le même intérêt que les enfants plus jeunes. Encore une fois, à vous de vous adapter aux envies et intérêts de votre ado.

Si ce carnet d’activités vous intéresse, vous pouvez le commander sur le site de Marie, Parent équipé. Vous pourrez également vous y procurer tout le matériel nécessaire pour réaliser les activités proposées dans le livret.

Vous trouverez Marie sur les réseaux Facebook et Instagram, elle y partage régulièrement des informations autour des troubles de l’oralité alimentaire, ainsi que des astuces et certaines activités qu’elle fait avec ses petits patients !

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Le camouflage « intelligent »

Je pense que tous les parents sont passés par là un jour ou l’autre : tenter de cacher un aliment nouveau dans un aliment accepté, l’air de rien, en se disant que si ça ne se voit pas visuellement, l’enfant sera dupe et n’y verra que du feu.

Manque de bol, néophobe rime souvent avec hypersensibilité, et qui dit hypersensibilité, dit impossible à duper. La moindre petite variation, que ce soit de goût ou de texture (ou pire, les deux), sera tout de suite remarquée. Du coup non seulement ça va être un échec pour l’acceptation du nouvel aliment, mais en plus l’enfant risque de perdre confiance en vous, la maman qui lui prépare les plats qu’il accepte, et il y a également un risque de rejet de l’aliment précédemment accepté mais qui a servi de cachette au nouvel aliment. Bref, pas grand chose de positif à retirer de cette tentative… Je vous parle ici du pire des scénarios, mais avouez que ça n’a jamais été une grande réussite ?…

 

En revanche, pour des grands enfants, ou ados ou adultes qui montreraient d’eux-mêmes le souhait de goûter de nouveaux aliments, mais sans trop savoir comment s’y prendre, le camouflage peut-être une bonne façon d’y aller progressivement.

Je vous avais déjà parlé du food chaining, qui permet de goûter plus facilement des aliments à base d’un aliment qu’on mange déjà, par exemple pour la pizza, je mangeais déjà du pain (et même les « trottoirs » ou « croûtes » des parts de pizza, tant qu’il n’y avait ni fromage ni sauce tomate dessus…), et je mangeais également du fromage fondu : j’ai donc goûté la pizza et… j’ai adoré ! C’est l’un des nouveaux plats qu’il m’a été le plus facile à ajouter à mon alimentation quotidienne, et si je vous en parle, c’est parce que c’est aussi la pizza qui est mon meilleur allié pour le camouflage !

 

Oui, oui, vous avez bien lu, le camouflage. Mais un camouflage intelligent et surtout conscient : c’est moi qui prépare ma pizza (en rajoutant des ingrédients en très petite quantité sur une pizza margharita, ou quand j’ai le courage en préparant moi même un pizza faite maison), je sais ce que j’y rajoute, où et en quelle quantité, je me garde toujours une majorité de la pizza qui soit « safe » et que je sais que je peux manger sans danger.

Ca me permet d’appréhender un nouveau goût plus facilement, car la texture, bien cachée entre celle du pain et celle du fromage, est difficile à discerner. Je peux alors déjà m’habituer au goût, je sais par exemple que je préfère une bouchée de pizza avec champignon que celle sans champignon, donc c’est que le goût me plaît.

 

L’autre allié de mes camouflages, c’est la pomme de terre. Car déjà c’est probablement mon aliment préféré, mais aussi car c’est un accompagnement avec lequel je peux essayer pas mal de choses. C’est avec des patates que j’ai commencé à manger du poulet, et si au début c’était seulement un micro bout de la taille d’un demi ongle de petit doigt, j’arrive désormais en un repas à manger une cuisse complète.

C’est aussi avec la pomme de terre que j’ai commencé la carotte. Purée pomme de terre carotte, puis galette pomme de terre carottes (pommes paillasson ou pomme darphin), et maintenant petites rondelles de carottes bouillies. Et petit à petit, j’inverse les proportions. Là où au début je faisais 1/16 de carotte et le reste de pomme de terre, je suis désormais systématiquement à 50/50, et j’arrive même à faire quelques bouchées carottes/poulet sans pomme de terre du tout. Idem avec les champignons que je mange désormais systématiquement quand je me cuisine du poulet.

 

 

Côté sucré, on retrouve le même principe avec les desserts. C’est grâce aux tartes et aux entremets (fraisiers, framboisiers), que j’ai commencé à goûter pas mal de fruits. Quand c’est entremêlé de crème pâtissière et de sablé, c’est bien plus facile pour moi de manger une framboise entière (que j’ai encore beaucoup de mal à accepter quand je mange des framboises seules), ou un demi abricot.

 

 

Bref, vous avez compris le principe, même si tout le monde n’est pas forcément pour cette technique (il faut réussir au bout d’un moment à manger et accepter l’aliment seul), ça a été pour moi une vraie porte ouverte vers la nouveauté et m’a grandement aidée à diversifier mon alimentation de façon vraiment pérenne.

 

Et vous, quels sont vos trucs et astuces pour réussir à accepter de nouveaux aliments ?
N’hésitez pas à partager en commentaire, et à me raconter aussi si cette technique marche pour vous !

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Apprivoiser les nouveaux aliments

Pour les parents d’enfants néophobes, le but ultime est de réussir à faire manger de tout à leurs enfants. Pour moi, c’est un peu mettre la charrue avant les boeufs, et il y a plein d’étapes à réussir à franchir avant de même pouvoir commencer à envisager de pouvoir goûter un aliment. La première étant de réussir à ce que les repas ne soient plus un moment d’angoisse pour l’enfant, et que les repas puissent se passer dans le calme et la sérénité, et idéalement tous ensemble, sans isoler l’enfant néophobe. Il est important qu’il apprenne avant toute chose à côtoyer d’autres aliments, à la condition qu’ils restent loin de son assiette. Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. Apprendre à côtoyer les aliments, une fois qu’on les accepte de loin (= être dans la même pièce qu’eux), puis ensuite, apprendre à les approcher.

 

C’est de cette deuxième étape dont je vais vous parler aujourd’hui. J’ai découvert cette technique pendant le tournage de l’émission E=M6, avec Allison, orthophoniste qui travaille de cette manière. C’est aussi la méthode que j’applique avec mon orthophoniste depuis quelques mois, avec des résultats plutôt probants. Il est vrai que j’ai bien évolué, donc pour moi c’est plus facile, et surtout plus rapide, mais cette technique semble tellement évidente que c’est à se demander pourquoi on n’y  pas pensé plus tôt !

 

Avant de sauter dans le grand bain, il faut apprendre à nager. Pour ce qui est des aliments, c’est un peu la même chose : il faut les apprivoiser, les approcher de loin, puis de plus en pus près, et y aller progressivement, franchir toutes les étapes une par une avant même d’envisager de vouloir le goûter. Il est important d’apprivoiser un aliment, d’arrêter de le craindre, et de le découvrir sous tous ses aspects.

 

  1. Regarder
    La vue est le plus « sûr » des sens, dans le sens où on peut faire ça de relativement loin, et il n’y a que très peu de risque pour le néophobe.
    L’observation, c’est ensuite s’en approcher, puis aussi examiner les différents aspects de l’aliment, la peau, l’intérieur, les éventuels grains/pépins/noyaux, les différentes textures, les nerfs, les filaments. C’est commencer à appréhender tout ce qui pourrait faire peur en bouche, et les identifier pour ne pas se laisser surprendre.
  2. Toucher
    Commencer par toucher l’aliment avec les mains d’abord seulement, encore une fois il faut y aller très progressivement et ne pas chercher à brusquer les choses. L’objectif n’est toujours pas de goûter, simplement de se familiariser. L’angoisse sera bien moins grande (même si tout de même présente), s’il n’y a pas le couperet de devoir mettre l’aliment dans la bouche à la fin.
    Cela peut passer par demander de l’aide pour préparer le repas, en étant bien clair « ce n’est pas pour toi, c’est pour nous / tes frères et soeurs / un dîner entre amis, mais j’aurais besoin que tu m’aides ». On peut lui demander de déplacer l’aliment emballé pour commencer aussi (demander de l’aide pour ranger les courses par exemple), c’est plus « sûr », et puis une fois qu’il sera à l’aise avec ça, passer à l’étape au-dessus et manipuler l’aliment en lui-même, hors de son emballage. Dans tous les cas, il est important ici que l’enfant ne se sente pas en danger, on n’est pas du tout dans le contexte de SON alimentation à lui.

    Puis une fois cette phase bien acceptée, on peut se rapprocher de la sphère orale. On peut commencer par les joues, pour y aller en douceur, puis se rapprocher petit à petit de la bouche. Les lèvres ensuite, juste poser l’aliment sur les lèvres, sans tenter de le rentrer dans la bouche ou de toucher la langue, juste la lèvre pour déjà commencer à appréhender la texture, et ensuite lécher sa lèvre (seulement la lèvre, pas l’aliment) pour découvrir le goût en douceur. On pourra commencer à découvrir que certains aliments sont très salés, ou plus juteux ou mous qu’on ne s’y attendait.

  3. Sentir
    Le goût est très lié à l’odorat. Cependant, sentir un aliment peut être moins anxiogène pour un néophobe que de devoir faire le geste de le mettre dans sa bouche. Cela peut se faire d’assez loin pour commencer, peut également se faire au cours d’un repas où les autres personnes (famille du néophobe) mangent des aliments assez ou très odorants.

    Il existe aussi un jeu de société, le loto des odeurs, qui permet de se familiariser avec un certain nombre d’odeurs, que l’on doit reconnaître dans des petits godets non marqués. Même si le périmètre des odeurs est assez limité, et que certaines sont plus réussies que d’autres (certaines odeurs sont très chimiques et difficilement reconnaissables), cela peut être un bon exercice pour un néophobe. On peut bien entendu aussi jouer au loto des odeurs avec ce que l’on trouve dans sa cuisine, les épices et aromates s’y prêtent très bien, ou alors couper de tous petits bouts de fruits par exemple (mais il faut le refaire à chaque fois qu’on joue). L’intérêt des godets est qu’ils sont opaques et percés de petits trous sur le dessus de façon à ne pas voir la couleur / la forme de ce qu’il y a dedans, mais avec un peu d’imagination, on peut facilement en fabriquer soi-même. Il faut penser à bien secouer avant pour que les odeurs ressortent mieux.

    Le loto des odeurs Sentosphère

    Ne pas aussi hésiter à discuter avec l’enfant, s’il fait une remarque sur une odeur (qu’il trouve que ça sent bon ou mauvais), lui expliquer quel est cet aliment, etc, de façon à ce qu’il se familiarise avec l’aliment également via l’odeur.

  4. Lécher
    Encore une fois, j’insiste, il est vraiment important que l’étape précédente soit bien acquise, totalement acceptée, avant d’envisager de passer à cette étape. On commence à rentrer dans le vif du sujet, et on aborde la phase vraiment délicate pour l’enfant. S’approcher de la sphère orale est très anxiogène, et rien qu’approcher sa langue d’un aliment peut suffire à déclencher un réflexe nauséeux.
    L’idée de lécher un aliment, c’est d’en découvrir le goût, sans avoir encore à appréhender la texture. Bien entendu, on va commencer à la découvrir en passant sa langue sur la surface de l’aliment, mais on n’aura pas encore à mâcher
  5. Croquer
    Ou plutôt devrais-je dire planter ses dents. L’idée, encore une fois, est de découvrir progressivement la texture, de voir comment l’aliment se comporte quand on mord dedans, s’il y a du jus, des miettes, si c’est dur ou mou. On n’est toujours pas à l’étape de manger proprement dit, rien ne reste en bouche, rien n’est avalé, on est encore au stade de la découverte de l’aliment de manière très progressive
  6. Goûter
    On arrive enfin à l’étape finale, et je pense qu’ici, le plus important est le contexte. Ne jamais présenter un plat complet, sans autre option acceptable pour le néophobe à côté. Lui proposer un tout petit morceau (pour ma part, je commence par des morceaux minuscules, moins grand que l’ongle du petit doigt pour commencer, c’est beaucoup plus facile), dans une autre assiette que son repas habituel pour éviter que les aliments ne se touchent, prévoir une serviette en papier, ou une poubelle/évier/bassine pas loin pour s’il a besoin de cracher/vomir, lui expliquer que ce n’est pas grave s’il crache, que c’est déjà très bien de réussir à le mettre dans sa bouche et que c’est malgré tout une très grande victoire.
    Une fois que cette première étape sera passée, on pourra agrandir la taille des morceaux, encore une fois de manière très progressive, et on pourra également augmenter les quantités au fur et à mesure.

    Il ne faut surtout pas dire « tiens ce soir on mange ça, tu goûtes », et ne proposer que ça. La pression sera beaucoup trop forte, et l’angoisse prendra le pas sur tout le reste, ne laissant aucune chance au nouvel aliment.

  7. Manger
    Enfin, une fois toutes ces étapes passées avec succès et bien acceptées, on va pouvoir commencer à envisager d’intégrer ce nouvel aliment aux menus réguliers du néophobe.
    Encore une fois, cela peut être parfois très progressif, parfois pas. J’ai accepté la pizza tout de suite, en revanche, cela fait 5 ans que je travaille sur le poulet, je commence enfin à manger des portions « normales » (= une cuisse presque entière), mais je suis toujours incapable d’accepter la texture du poulet seule en bouche, il faut toujours que dans la même bouchée je mette poulet + le féculent ou légume qui l’accompagne.

 

J’espère que toutes ces étapes pourront vous aider à accompagner votre enfant dans la découverte de nouveaux aliments. Ce n’est qu’un partage de ma propre expérience, je n’ai aucune formation médicale ou paramédicale, aucune qualification, je partage seulement ce qui a marché pour moi et m’a permis au fil des dernières années, de découvrir de nouveaux aliments.

 

 

Et vous, qu’est-ce qui marche pour vous ou votre enfant ?
Comment procédez-vous pour approcher de nouveaux aliments ?
Aussi, qu’est-ce qui vous décide à goûter ou non tel ou tel aliment ?

N’hésitez pas à partager vos techniques et/ou réussites dans les commentaires !

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Food chaining : comment goûter plus facilement de nouveaux aliments

En anglais, on parle de food chaining. Comme en français, je n’ai pas vraiment trouvé d’expression équivalente, je vais garder l’expression anglaise, qui je trouve est suffisamment parlante, même pour les non-anglophones (mais si vous avez l’équivalent en français n’hésitez pas à partager en commentaire !).

L’idée est assez simple, et somme toute, assez logique : identifier des aliments proches de nos aliments sûrs, qui seraient du coup plus facile à goûter. C’est un principe que j’ai énormément mis en pratique lors de mon traitement aux anti-dépresseurs, et qui m’a vraiment permis d’ajouter de nombreux plats à mon alimentation quotidienne.

Ce que j’appelle mon « alimentation quotidienne », ce ne sont pas les plats que je mange tous les jours, mais ceux qui peuvent constituer n’importe quel repas de ma semaine, sans aucun challenge ou difficulté particulière. Ajouter un nouvel aliment (ou un nouveau plat) à cette liste signifie que je n’ai pas seulement goûté un nouvel aliment, mais que je suis capable d’en faire un repas complet et d’en manger régulièrement.

Je parle de nouveau plat car via le food chaining, de nombreux plats sont en fait constitués des mêmes aliments. Cependant, pour un néophobe, manger un même aliment mais préparé différemment constitue un challenge tout aussi difficile (ou presque, selon les cas) que de manger un nouvel aliment. On a déjà vu que le même aliment, mais cuisiné légèrement différemment, peut complètement bloquer le néophobe et l’empêcher de manger le plat, notamment des enfants incapables d’expliquer leur blocage et encore moins de le raisonner : des pâtes à l’huile d’olive plutôt qu’au beurre, des oeufs à la coque légèrement trop cuits, des croque monsieur, des nuggets et des pommes de terres faits au four plutôt qu’à la poêle…

Ce principe de food chaining est donc à appliquer avec parcimonie, pour des personnes ayant évoqué le souhait d’élargir leur alimentation, et il faut garder en tête que notamment chez les enfants très récalcitrants, cela peut s’avérer inefficace, comme expliqué plus haut…

 

 

Voici quelques exemples de plats que j’ai pu rajouter à mon alimentation grâce au principe de food chaining :

  • Les gnocchis
    C’est un mélange de pâtes et de pomme de terre, deux de mes aliments les plus sûrs, donc très facile à goûter. Ce n’est pas mon plat préféré, mais je suis aujourd’hui capable d’en manger si besoin.
  • Les pommes de terre sous toutes ses formes
    Avant ce n’était que frites et pomme noisettes, surtout pas de patates vapeur ou purée ! Maintenant, je peux manger la pomme de terre de toutes les manières, peu importe la façon.
    J’ai encore beaucoup de mal avec la texture de la purée, mais si vraiment il faut je suis capable d’en manger quand même. En revanche, j’arrive à manger plus facilement l’écrasé de pomme de terre (de chez Picard), qui a une texture légèrement différente.
  • La purée de carottes, et la purée de patate douce
    En mélangeant avec l’écrasé de pomme de terre, j’ai réussi à incorporer petit à petit un peu de purée de carotte. Je mange toujours un mélange des deux, je ne suis pas encore passée à la purée 100% carottes, mais j’arrive à faire un repas complet avec cette purée carottes/pommes de terre donc c’est déjà pas mal !
    Et j’applique le même procédé avec la purée de patate douce.
  • Le gratin de pâtes et le gratin dauphinois
    J’aimais le fromage gratiné sur les gâteaux apéritifs par exemple (Monaco de Belin), et je mangeais des pâtes et des pommes de terre, donc j’ai tenté les gratins, que j’adore désormais, ça fait partie de mes plats préférés
  • Les pâtes au gruyère rapé
    Dans les gratins, je rajoutais un peu de fromage dans les pâtes en plus du fromage sur le dessus qui gratinait, j’ai donc aussi pu ajouter les pâtes au gruyère fondu dans ma liste de repas — avant c’était seulement les pâtes au beurre, surtout rien d’autre ! Je ne suis pas une grande fan du gruyère râpé dans les pâtes, à la maison je les préfère nature avec seulement un peu de beurre, mais dans les stands de pâtes à emporter par exemple où les pâtes ne sont pas super bonnes, je les préfère avec un peu de gruyère pour donner un peu de goût.
  • Le croque monsieur
    Je mangeais du pain de mie et désormais aussi du fromage fondu, j’ai donc tenté le croque monsieur.
    J’ai commencé sans jambon au début, seulement le pain et le fromage. Puis une fois bien accepté sous cette forme-là, j’ai commencé à rajouter un tout petit peu de jambon cru dedans, des morceaux tellement petits que je ne sentais pas la texture (qui me semblait impossible à mâcher !) mais je sentais quand même ce petit goût un peu salé qui me plaisait plutôt.
    J’ai préféré le jambon cru au classique jambon blanc car l’odeur et l’aspect du jambon blanc m’écoeurent vraiment, mais le jambon cru ça passe aussi bien à la vue et qu’à l’odeur.
  • La raclette
    Une fois que je mangeais du fromage fondu, un peu de jambon, et des pommes de terre vapeur, c’était un jeu d’enfant !

Voilà comment à partir deux aliments, le fromage et la pomme de terre, j’ai pu ajouter 10 nouveaux plats à mon alimentation.

 

Cela fonctionne aussi avec les oeufs : de l’oeuf à la coque, j’ai réussi à passer à l’oeuf au plat et donc manger des crêpes ou galettes oeuf fromage, des croque madame, et des pâtes mélangées avec un oeuf au plat.

 

 

A lire sur le sujet (en anglais) : Food chaining, The Proven 6-Step Plan to Stop Picky Eating, Solve Feeding Problems, and Expand Your Child’s Diet

 

 

Si vous avez d’autres exemples, ou des idées de food chaining, surtout n’hésitez pas à partager en commentaire, je suis très intéressée par ce type d’associations, et je suis persuadée que cela pourra aider d’autres personnes également !

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Manger « social »

Dans l’échelle de la progression des néophobes, j’ai identifié comme septième étape d’incorporer des aliments « sociaux » à l’alimentation du néophobe. Petite anecdote personnelle pour vous faire comprendre ce que j’entends par aliments sociaux, et pourquoi pour moi, c’est une étape importante de l’évolution du néophobe.

 

 

Il y a quelques temps, je discutais avec un collègue de bureau, et j’ai réalisé qu’il n’était pas au courant de mon problème avec la bouffe.

Ça fait plus de 10 mois que je bosse dans cette entreprise, c’est un collègue avec qui je bosse tous les jours, et il nous est régulièrement arrivé de manger ensemble au restaurant, pour les anniversaires ou les repas d’équipe. Nous avons mangé plus d’une quinzaine de fois ensemble, et il ne s’est rendu compte de rien.

Ce n’est pas qu’il ne s’intéresse pas, c’est simplement que maintenant, je mange « social » : j’arrive à manger des repas — presque — comme tout le monde, ce qui fait que les questions ne sont plus forcément systématiques.

Il y a trois restaurants où on va souvent : une crêperie où je mange une galette œuf fromage, un restaurant de burger où je mange un chicken burger nature, et un italien où je mange une pizza margherita. Des choses simples — ou simplifiées — mais des repas normaux, qui se trouvent sur la carte, qui ne choquent pas les gens avec qui je mange quand je les commande. Je passe tout au plus pour une nana un peu chiante, un peu compliquée, mais cela ne soulève pas les questions qui se posent inévitablement quand je commande une assiette de frites.

Je mange social, et je n’ai plus besoin d’expliquer systématiquement mon problème d’alimentation. Et ça pour moi, c’est un grand pas.

 

 

Manger social, ça peut aussi être manger des frites et nuggets pour pouvoir prendre un happy meal au McDo, manger du gâteau au chocolat pour les anniversaires des copains, manger des frites, des pâtes ou du riz pour être sûr de trouver quelque chose à manger dans la grande majorité des restaurants… C’est aussi manger de la raclette pour participer aux repas festifs d’hiver, ou manger du fish & chips pour pouvoir se nourrir dans les pubs anglais… Bref, vous avez compris l’idée !
Aucune considération de santé ou d’aliment « bien » ou « pas bien », simplement essayer d’introduire les aliments qui vous permettront ou permettront à votre enfant de manger plus facilement dans sa vie sociale quotidienne.

 

 

J’ai discuté avec plusieurs personnes, adultes néophobes, pour qui la néophobie avait engendré une phobie sociale. La peur de montrer cette faiblesse à leur entourage (copains, collègues…) les a poussés à éviter toute situation de partage de repas, et Dieu sait que les repas sont une composante très importante de la vie sociale, particulièrement en France. C’est pourquoi je pense que les étapes 2 et 7 de la pyramide de progression sont réellement essentielles — apprendre à se blinder face aux remarques, et trouver des aliments sociaux.

On peut vivre normalement avec la néophobie, et des dizaines — des centaines — de témoignages sur le groupe Facebook pourront vous le prouver : on peut grandir en bonne santé, on peut avoir des amis, des amoureux(ses), et même avoir des enfants. Mais pour faire tout ça, il faut faire la paix avec sa néophobie et apprendre à vivre avec.

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L’échelle de la progression

pyramide_besoins_maslowLa pyramide de Maslow définit par une représentation pyramidale les besoins fondamentaux de l’être humain, en partant du principe que l’homme ne cherche à satisfaire un besoin que lorsque celui du niveau inférieur est assuré. Voici, par ordre d’importance, les stades de la pyramide de Maslow : Besoins physiologiques, de sécurité, sociaux, d’estime et enfin d’accomplissement personnel.

 

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L’institut Ellyn Satter, spécialisé dans la nutrition, a tenté d’adapter la pyramide de Maslow à la nourriture. Ainsi, le premier niveau du besoin fondamental de nourriture consiste à trouver assez de nourriture.
Ne pas avoir peur de souffrir de la faim permet d’accéder au second niveau : trouver des aliments acceptables. La définition d’acceptable est très subjective et dépend de normes sociales, et de qualités nutritionnelles.
Le niveau supérieur consiste à ne pas se préoccuper de la disponibilité de ces aliments acceptables. Être capable de prévoir les repas suivants, et de faire des réserves.
Le niveau suivant consiste à se préoccuper des préférences gustatives de ces aliments. Se tourner vers ceux que l’on préfère, et les consommer plus régulièrement. C’est le stade où se trouve la plupart des gens des pays développés : ils n’ont pas à se préoccuper de la menace d’avoir faim, ils savent la nourriture en abondance et leurs choix alimentaires sont dictés par leurs goûts et leurs préférences.
L’étape supérieure consiste à goûter à de nouveaux aliments. Une personne ayant peur de manquer (niveaux 1-2 instables) n’osera pas goûter par peur de gâcher. Une personne avec une base de pyramide solide n’aura pas peur de ce gâchis et osera prendre ce risque afin de découvrir de nouveau aliments.
Enfin, le dernier niveau, tout comme la pyramide de Maslow, représente l’accomplissement, mais à travers la nourriture.

 

Dans le cas du processus de guérison de la néophobie, la pyramide d’Ellyn Satter ne saurait s’appliquer. Comment réussir à avoir une base stable quand pour réussir à avoir un nombre suffisant d’aliments acceptables, il faut braver le niveau 5, tout en haut de la pyramide ? Comment réussir à construire des bases saines si l’on s’élance tout en haut sans avoir de socle sur lequel se reposer ?

Après une discussion très intéressante et constructive avec Skye, l’auteur de Mealtime Hostage, nous avons élaboré un schéma de pyramide inversée qui pourrait s’appliquer à un processus de guérison de la néophobie.

pyramide

Nous sommes parties du constat que le régime alimentaire des néophobes est tellement restrictif qu’il ne pourrait en aucun cas représenter le socle de la pyramide. De plus, le processus de guérison de la néophobie consiste à goûter de nouveaux aliments pour pouvoir passer du stade de la néophobie à une alimentation plus « normale ». Le modèle de pyramide inversée semblait alors tout indiqué.

Après plusieurs échanges avec Skye, nous sommes parvenues à trouver le modèle qui pourrait correspondre :

1/ Accepter comme normal les caractéristiques du régime restrictif caractéristique des néophobes (régime d’un jeune enfant, plats fades, féculents…) Se focaliser sur le fait qu’il mange en quantité suffisante pour avoir l’énergie nécessaire, une bonne croissance et un poids correct, etc.

2/ Être capable de se blinder face aux remarques et à la pression des autres – rien que l’idée de manger avec d’autres personnes crée de l’anxiété, car nous savons que nous allons recevoir des remarques à propos de notre alimentation. Garder en mémoire que notre alimentation est normale (niveau 1) et que ce sont les remarques qui sont déplacées.

3/ Prendre du plaisir à manger les aliments « sûrs » et manger les aliments préférés à intervalles réguliers (planifier des menus) afin de ne pas s’en lasser. Découvrir de nouvelles manières de manger les aliments « sûrs » (food chaining)

4/ Être capable de trouver appétissants les aliments consommés par notre entourage, même si on ne les a jamais essayés (être attiré par des odeurs de nourriture, considérer des aliments comme plus « sûrs » que d’autres aliments inconnus)

5/ Être capable de goûter de nouveaux aliments. Pour cela, on peut procéder à l’habituation par stades : toucher l’aliment, le lécher, le mettre à la bouche, puis enfin réussir à en goûter une toute petite bouchée.

6/ Être capable d’apprécier de nouveaux aliments (jamais essayés, non familiers), puis de les incorporer à l’alimentation de tous les jours. 

7/ Incorporer des aliments « sociaux » pour être capable de manger « normalement » en société, pouvoir aller au restaurant sans avoir à répondre aux questions des serveurs et compagnons de table, voyager plus facilement sans angoisse etc.

8/ Incorporer des aliments « sains » pour pouvoir avoir une alimentation plus équilibrée et un mode de vie plus sain.

 

 

Souvent, les parents de néophobes souhaitant voir leur enfant « aller mieux », ou l’entourage d’adultes néophobes souhaitent en priorité, pour des raisons de santé, réussir à arriver à une alimentation plus saine. Je pense réellement que ce n’est pas la priorité, et qu’il est important de ne pas brûler les étapes pour pouvoir avancer pas à pas vers une alimentation plus diversifiée. Et c’est seulement une fois cette diversification acquise et consolidée, alors la question du régime sain et équilibré pourra se poser.