Ce que les parents doivent savoir

Felix Economakis, hypnothérapiste anglais spécialisé dans le traitement du SED (dont je vous ai déjà parlé plusieurs fois), nous a demandé ce que nous – les néophobes adultes – aimerions donner comme conseils aux parents pour pouvoir les aider pendant la croissance de leurs enfants. Voilà ce qu’il en est ressorti.

green and red healthy food

Le trouble de l’alimentation sélective (Selective eating disorder – SED, NDT) n’est pas la même chose qu’une personne difficile. C’est une phobie réelle et sérieuse, ou une aversion phobique.

* Être difficile est une phase normale dans le développement de la plupart des enfants. Ils PEUVENT manger les aliments mais ne veulent pas.

* Le SED est basé sur un mini-traumatisme qui a créé une aversion – l’enfant VEUT manger mais ne PEUT PAS indépendamment de la pression qu’on lui met pour le faire. En fait, l’enfant préférerait se laisser mourir de faim plutôt que de manger quelque chose qu’il ne connaît pas, donc laisser votre enfant sans manger, le menacer, le soudoyer, le faire culpabiliser, etc. ne va pas fonctionner et sera même contre-productif.

Récemment, j’ai demandé aux membre du forum Facebook « Selective eating disorder » (plus de 400 membres) quels conseils ou réponses ils auraient vraiment apprécié recevoir dès le début, qui auraient pu faire une grande différence pendant leur enfance.

Certains thèmes sont revenus plusieurs fois. Ce qui suit regroupe les réponses des membres, copiées/collées telles quelles. Parents, soyez attentifs : tout ceci vient de personnes atteintes du SED qui ont traversé ça et ont retenu ces leçons à leurs dépens. Vous pouvez épargner à votre enfant et vous-même beaucoup de frustration grâce à l’expérience des autres.

Sans ordre d’importance :

  • « Ce n’est pas votre faute (celle des parents). La plupart des professionnels de santé n’ont jamais entendu parler du SED, et tout le monde vous fera penser que vous avez fait quelque chose pour rendre votre enfant comme ça »
    J’aimerais aussi ajouter ici que vous pourriez très bien être élue « mère de l’année » et ne pas pour autant réussir à diminuer son SED, parce que la réponse phobie est par définition émotionnelle et non pas intellectuelle.
  • « Supprimez la pression !« 
    « Ne mettez pas la pression à votre enfant à propos de la nourriture! Ça fait plus de mal que de bien. Ne faites pas de la nourriture un problème, laissez-lui la possibilité de choisir (dans la limite du raisonnable) plutôt que de lui dire ce qu’il doit manger. Moins de pression = moins d’anxiété. »
    Les membres ont évoqué plusieurs fois à quel point la pression venant de leurs proches à propos de la nourriture a empiré les choses pendant leur enfance.  Les gens qui développent le SED ont tendance à être têtu, et la pression est la pire approche pour les pousser à changer.
    « Ne privez pas votre enfant de nourriture parce que votre médecin vous a dit qu’il mangerait quand il aura faim, la culpabilité que vous en tirerez vous poursuivra pour le reste de votre vie. Ne vous énervez pas contre votre enfant mais contre son trouble alimentaire. »
    « Ne vous battez pas pour les repas, cela vous fera tous deux (parent/enfant) pleurer. Ne forcez pas votre enfant à se nourrir. »
    « Prévoyez toujours sur la table quelque chose que votre enfant peut manger, en plus de la nourriture que vous, parents, aimeriez le voir manger. Laissez votre enfant manger autant qu’il le souhaite de ce que vous lui proposez. Ne vous attendez pas à des miracles instantanés. Concentrez-vous sur le fait de créer une atmosphère détendue pendant les repas et d’avoir un bon comportement à table. Votre enfant ne voudra pas goûter à de nouvelles choses, ou même ne voudra pas manger du tout, s’il se sent stressé. »
  • Tu n’es pas seul (pour l’enfant)
    Un enfant qui souffre de SED ne comprend pas sa propre réaction, et est encore moins capable de l’expliquer à ses parents. En absence d’information, un parent ou quelqu’un d’autre peut sauter à la conclusion que l’enfant est juste difficile. Pour reprendre les mots de l’un des membres :
    « J’encouragerai fortement les parents à expliquer à leurs enfant avec un SED qu’il n’est en fait pas « la personne la plus difficile du monde » et qu’il y a beaucoup d’autres personnes qui partagent le même sentiment et les mêmes peurs. Je pense que ça m’aurait aussi beaucoup aidée de rencontrer ou au moins de pouvoir échanger avec d’autres personnes qui souffrent du SED. »
  • Vous n’êtes pas seuls (pour les parents)
    « Mon conseil pour tous les parents est de s’assurer que vous recevez la bonne aide des professionnels de santé qui suivent votre enfant, et de rejoindre autant de groupes d’aide que possible traitant de ce sujet pour recevoir des conseils et de l’aide d’autres personnes qui vivent avec le SED. »
    Découvrez ce qui fonctionne grâce à ceux qui l’ont découvert en tâtonnant.
  • « Ne vous laissez pas malmener par les médecins et autres professionnels de santé mentale« 
    « C’est assez difficile de trouver un professionnel de santé qui CONNAIT le SED. La plupart vont penser que c’est juste un enfant difficile normal, et que ça va passer en grandissant, ils pourront même aller jusqu’à vous conseiller de priver l’enfant de ses aliments « sûrs » jusqu’à ce qu’il cède. D’autres feront diversion en vous envoyant voir un ORL, une orthophoniste, etc. Malheureusement, vous devrez sûrement enseigner à votre médecin quelle est la réalité du SED. »
  • « Préparez vous à un long combat pour vos droits« 
    Désolé, il n’y a pas de bonne manière de dire ça : vous allez être jugé(e)… Jugé(e) par les gens en qui vous avez le plus confiance au monde, les médecins, les professeurs, les chefs spirituels, les amis, et pire que tout, votre famille. Ils vont dire que vous avez baissé les bras trop tôt, vous dire que vous laissez votre enfant vous contrôler, que votre enfant est juste trop gâté. Vous allez entendre tellement de « si c’était le mien » que vous allez commencer à croire les leçons et jugements. Vous connaissez votre enfant, vous êtes le/la seul(e) à avoir connu les larmes et épreuves et la réalité du problème.
  • Respectez les difficultés de votre enfant
    « Ne servez pas dans l’assiette de votre enfant des aliments qu’il ne considère pas comme « sûrs », ne dites pas qu’il est difficile en sa présence, ne le nourrissez pas de force, ne lui mettez pas la pression, évitez tout ce qui peut empirer la situation. Si vous allez manger dehors, prévoyez d’emporter de la nourriture « sûre », ou commandez à l’avance. Plusieurs restaurants m’ont préparé un plat qui n’était pas sur le menu quand j’ai appelé à l’avance. Mangez tous ensemble à table ou alors vous en faites un problème, tout comme le fait d’en parler! »
    Votre enfant n’a pas demandé à être traumatisé par une quelconque expérience perdue dans la nuit des temps. S’il avait eu le choix à l’époque, il aurait choisi une vie plus facile, plutôt qu’une option dangereuse, bizarre socialement et qui fera de lui un adulte anxieux socialement qui devra refuser des offres d’emploi et même des relations possibles.
  • Replacez le SED dans le contexte
    Votre enfant a une phobie. Il se trouve simplement que c’est à propos de la nourriture. Vous n’en voudriez pas à votre enfant s’il avait la phobie des araignées. Vous compatiriez et réaliseriez que cela est dû à une peur causée par une grosse araignée apparue de nulle part. Votre enfant a été effrayé de la même manière par la nourriture ou quelque chose associé à la nourriture. Expliquez à votre enfant et aux autres le fait que c’est juste une phobie, que 30% de la population a des phobies sérieuses, et que celle-ci se trouve juste être à propos de la nourriture. Aider votre enfant à relativiser le SED le plus tôt possible évitera de devenir plus tard un adulte complexé, se sentant responsable, et anxieux socialement.
  • PATIENCE
    Baby steps ! Ne serait-ce qu’essayer de goûter un nouvel aliment, même si l’enfant n’aime pas, est une réussite. C’est le signe que votre enfant essaye de faire des efforts pour vaincre sa peur.

Un grand merci pour tous les contributeurs du forum SED sur Facebook. S’il-vous-plaît faites passer l’information à quiconque pourrait avoir un enfant qui souffre du SED. Cela pourrait épargner les familles d’une grande frustration inutile et douloureuse.

Enfin, sachez que de l’aide est disponible. N’abandonnez pas.

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14 réflexions sur “Ce que les parents doivent savoir”

  1. au détour d’1insomnie, lire ce blog aura été un grand pas remplis de beaucoup de réconfort… ma fille a actuellement 3ans, j’espère que nous vainquerons cette peur le plus tot possible, mais savoir que le chemin et long, et surtout se sentir moins isolés, ça fait chaud au coeur ! j’ai fais une demande d’ajout sur le groupe facebook, j’espère que vous y répondrez favorablement !

  2. Bonjour.
    Je vous remercie pour vote site. Mon fils de presque huit ans souffre de ce trouble depuis qu’il a un an et demi environ (à la suite d’un souci gastrique et d’examens invasifs). Aucune amélioration, cela aurait même plutôt tendance à se radicaliser en ce moment. Lorsqu’il va à la cantine, il ne mange pas, sauf très rares exceptions. Parfois même pas une tranche de pain. Je reprends un travail à la rentrée et il devra aller à la cantine plusieurs jours par semaine… Je voudrais mettre en place un PAI pour pouvoir lui fournir les repas plutôt que de le laisser jeûner… Je ne sais trop vers quel médecin m’adresser…
    Merci pour vos éventuels conseils…
    TelleChris

  3. Oh je ne suis pas seule. ..enfin du réconfort. …Mon fils de trois ans et demi boit du lait et mange des chips et des gâteaux chocolates depuis ses 1 ans …C’est très dur. Je ne sais plus quoi faire. Ces conseils correspondent à ce que nous avons mis en place avec pedopsy psychomot et orthophoniste …Mais j’aimerai l’aider plus. ..qu’il mange des nouveautés seraient merveilleux mais bon l’important est sa santé et son bien être

  4. Mon fils lui a 4 ans et ne bois que du lait avec du cerelac….je suis très inquiète…ni bonbon ni biscuits il n en connaît même pas le goût…il est du coup anémique…et très pâle que faire le laisser grandir alors????OUF JE NE SUIS PAS LA SEULE MERCI

    1. Bonjour, Vous pouvez consulter une orthophoniste formée aux troubles de l’oralité elle pourra sûrement vous aider
      Bon courage
      Marie

  5. Bonjour, je viens de tomber sur votre site internet. Merci 1000 fois pour toutes ces explications. Je vais enfin pouvoir accepter que si mon fils de 15 ans ne mange pas grand chose, ce n’est pas de ma faute. Il a une phobie.
    Comme c’est écrit plus haut ou sur une autre page, il préfère ne pas manger plutôt que de manger  » un mini bout de courgette cachée dans des lasagnes….
    j’ignorai que c etait une phobie jusqu’a aujourd’hui. merci merci merci

  6. Bonjour à tous,
    Ma fille de 6 ans à de très gros problèmes pour mangé. Depuis ses 12 mois nous avons vu beaucoup de médecins différents.
    Elle a était suivi par le capms de Lille, qui ont décelé l’anorexie du nourrison. Mais à se jour il n’y a pas d’amélioration, j’aimerais avoir de l’aide, j’aimerais vraiment savoir comment aider ma fille et comment retrouver sa joie de vivre, qui s’atténue de jour en jour.
    Merci d’avance pour vos réponses.

    1. Bonjour,
      Désolée du délai énorme de réponse, je ne vois votre commentaire que maintenant. Suite à un bug sur le site, je n’étais plus prévenue des nouveaux commentaires…
      Vous pouvez consulter une ortophoniste formée à la prise en charge des troubles de l’oralité, qui pourra le cas échéant vous proposer un accompagnement à la désensibilisation et un travail d’approche progressive des aliments.
      Sur l’annuaire vous trouverez quelques contacts d’ortho à Lille et alentours : https://www.phobie-alimentaire.fr/annuaire-orthophonistes/
      Bon courage
      Marie

  7. Bonjour

    En fin j’ai compris le problem de mon fils , il a 7 ans et ne mange pas a part quelques aliments qu’il aime bien. je vous remerci beaucoup grace a ce site j’ai découvert au bout de 6 ans de quoi il souffre mon enfant

  8. Que dire à part que je pleure en parcourant toutes les pages du blog tellement je reconnais tout ça… les remarques de la famille, le jugement, ma culpabilité de maman, ses midis à la cantine sans rien dans le ventre, les repas conflictuels, le chantage,les cris, les larmes (les siennes et les miennes)… mon fils ainé a 7 ans et il souffrirait de ce SED, tout à commencé autour de 18 mois (même si déjà à la mat il ne voulait pas téter et on m’a bien fait culpabiliser…ensuite allaitement super et puis 1ères difficultés avec les morceaux mais rien de trop alarmant… etc jusqu’à ce que ça devienne l’enfer vers 18 mois.) Une amie psy à qui j’ai parlé de son pb alimentaire récemment (car j’en souffre tellement que je n’en parle pas) a été la première à me parler de neophobie alimentaire… ni la psy qu’on voit depuis qqs mois, ni le généraliste qui le suit depuis bébé (et qui le trouve tjs en forme car il grandit bien et reste sur la même courbe de poids dans la moyenne basse) n’ont évoqué ce trouble… du coup en lisant ce blog je me sens enfin moins seule… alors merci pour tout ça… je ne sais pas où on va mais pour le bien de toute la famille, je vais un peu lâcher prise…

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