Néophobie ou trouble de l’oralité ?

C’est une question qui revient souvent, quand on parle de nos difficultés alimentaires. Quelle est la différence ? Comment savoir si je suis l’un, l’autre, ou les deux ? Est-ce que l’un va forcément avec l’autre ?

Difficile de répondre à toutes ces questions. Déjà, parce que trouver des personnes du secteur médical pour poser un diagnostic est souvent un chemin long et semé d’embûches…

La question la plus facile à répondre, est de savoir quelles sont les différences et comment bien identifier chaque trouble.

Les troubles de l’oralité impliquent une hypersensibilité, globalement aux niveaux des extrémités (mains et pieds) et surtout, dans le cas qui nous intéresse ici, au niveau de la bouche. Goûts et textures sont alors perçus comme trop forts, comme des agressions, il est difficile de contrôler ses ressentis (trop d’informations) envers la nourriture et manger devient pénible. Il s’agit ici de troubles physiologiques, et non psychologiques.

La phobie quant à elle est plus du côté psychologique justement. On parle ici de la peur des aliments inconnus, de l’angoisse à l’idée de devoir les goûter, des comportements d’évitement que l’on développe pour éviter d’être confrontés à l’objet de notre peur.

Les deux peuvent être liés. Il semblerait que la dysoralité puisse entraîner la phobie, les mauvaises expériences répétées avec la nourriture créant une peur et donc développant la phobie.

En revanche, la réciproque n’est pas vraie. Une personne peut tout à fait développer une phobie alimentaire à cause d’un autre événement traumatisant (grosse crise d’allergie, étouffement, ou autre traumatisme lié à la nourriture…). On verra ces phobies se développer parfois plus tard, là où les troubles de l’oralité semblent en général plutôt présents depuis la naissance.

Beaucoup détectent les troubles de l’oralité (ou du moins identifient qu’il y a un problème même s’ils ne savent pas forcément qu’il s’agit de troubles de l’oralité) au moment du passage au morceau, les textures étant l’un des principaux blocages des personnes atteintes de troubles de l’oralité, cela peut aisément se comprendre. Cependant, si on creuse un peu, on se rend parfois compte que sans que cela soit aussi dramatique, la tétée aussi (sein et/ou biberon) a aussi pu être compliqué, tout comme l’acceptation de la cuillère en bouche par exemple.

Les deux troubles ont des manifestations, des origines, et donc aussi des traitements différents. Je reste persuadée qu’il faut traiter les deux, et dans ce sens les centres spécialisés multi-disciplinaires (comme celui de Duke aux Etats Unis dont Marie nous avait parlé dans cet article) semblent tout indiquer, puisqu’ils permettent une prise en charge par plusieurs disciplines médicales en parallèle, tous travaillant ensemble pour la progression du patient.

On peut bien sûr combiner les suivis dans le privé en consultant un psy et une ortho, mais je trouve que le fait qu’ils travaillent ensemble apporteraient un vrai plus dans la progression de manière globale. Malheureusement à ma connaissance il n’existe pas de telles structures en France (mais si vous en connaissez surtout n’hésitez pas à partager en commentaire !)

Pour soigner la phobie, on peut consulter un psychologue, ou un psychologue comportementaliste, certains ont même eu des résultats concluants avec l’hypnose (ce qui n’est pas mon cas, l’hypnose n’a rien fait…)

Pour la dysoralité, à ce jour, à ce que je sache, seules les orthophonistes le prennent en charge, tant pour le diagnostic que pour le suivi de désensibilisation.
Il faut consulter pour cela une orthophoniste formée aux troubles de l’oralité, quelques autres professions peuvent l’être aussi tels que certains ergothérapeutes et kinés. Attention cependant, toutes les ortho ne sont pas formées pour la simple et bonne raison que les troubles de l’oralité ne faisaient pas partie du programme de la formation initiale jusqu’à il y a quelques années. Les orthos formées ont donc suivi une formation dédiée par la suite pour se spécialiser dans ce domaine précis. (et pour anticiper les questions, car celle-ci revient souvent, non je n’ai pas de liste d’ortho à vous partager, malheureusement je ne peux que vous conseiller de contacter celles autour de chez vous pour leur demander si elles sont formées ou si elles peuvent vous recommander quelqu’un pas trop loin. Les orthophonistes semblent avoir un bon réseau entre elle et avec un peu de chance cela vous aidera à trouver quelqu’un.

Enfin, on me pose parfois la question de l’ordre dans lequel consulter. Certaines ortho semblent conseiller de commencer par traiter la dysoralité, je trouve cela un peu surprenant, j’aurais plutôt tendance à penser l’inverse personnellement. En tout cas moi c’est ce que j’ai fait, et je suis persuadée que dans l’autre sens ça n’aurait pas pu fonctionner. Avant mes suivis pour la phobie, j’étais tout bonnement incapable d’approcher un aliment inconnu, l’angoisse était beaucoup trop forte. M’apprendre à comprendre et maîtriser cette angoisse était donc primordial avant de commencer un travail d’approche des aliments avec l’ortho (encore une fois, ce n’est que mon expérience personnelle et en aucun cas un avis ni médical ni généralisé)

Je trouve qu’il est plus logique de d’abord lever les barrières psychologiques, de réussir à gérer ses angoisses face aux aliments nouveaux, à approcher les aliments sans crainte, pour ensuite se concentrer sur les problématiques d’oralité et travailler les approches des aliments. Pour ma part, lors de mon 2nd suivi ortho, on faisait 1 mise en contact par semaine avec un nouvel aliment. C’est un rythme assez soutenu, un travail qu’il fallait ensuite que je continue à la maison pour réussir à vraiment manger ces nouveaux aliments et les intégrer à mon alimentation « courante ». Sans le travail préalable de gestion des angoisses et du stress, j’aurais été bien incapable de faire tout ce travail d’approche.

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