Je crois bien que je suis normale.

Il y a quelques jours, j’ai été contactée par la télé pour une émission à propos de la néophobie alimentaire. J’ai passé plus de 30 minutes au téléphone avec la journaliste qui m’a posé tout un tas de questions, puis elle m’a proposé de passer dans l’émission, parce que de ce qu’elle a pu voir dans ses recherches, je suis assez présente sur la toile quand on fait des recherches sur ce sujet ; et surtout, je peux apporter un début de solution à un problème assez méconnu. Alors forcément, ça m’a de suite beaucoup plu, je me suis dit que ce blog commençait à porter ses fruits, j’étais contente. Et hyper partante pour passer à la télé pour parler de mon problème.

Mais je ne connaissais pas du tout l’émission. Donc forcément, je me suis renseignée un peu, et j’ai demandé l’avis de mes amis. Ça a été unanime. Non non et triple non. J’avoue, ça m’a un peu interloquée au début. Mon enthousiasme est retombé comme un soufflet raté, et j’ai pris le temps de la réflexion. Puis j’ai regardé l’émission.

C’est le genre d’émission où ils te filment pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, dans ton quotidien, pour vraiment rendre compte de ton problème. Et puis ils passent d’un reportage à l’autre toutes les 5 minutes, à grand renfort de questions existentielles du genre « Roberte va-t-elle réussir à vaincre sa peur et surmonter son problème ? Comment va-t-elle faire face à ses amis ? ».
Et c’est à ce moment précis, lors d’une énième question, que je me suis dit : mais ils vont dire quoi pour moi ? Quelles questions ils vont bien pouvoir poser ? Qu’est-ce qu’ils vont montrer ?

Et tout à coup, je me suis sentir hyper normale, et je me suis dit que finalement je n’étais peut être pas assez atteinte pour participer à ce genre d’émission. Ça aurait été quand j’étais en primaire je ne dis pas, j’étais parfaitement le type de gamine qui cadrait parfaitement à l’émission, et ça aurait fait un sujet pile poil dans leurs thèmes de prédilection. Mais aujourd’hui, non. J’ai vraiment pas l’impression d’y avoir ma place.

D’ailleurs, c’est peut être ce que la journaliste a pensé aussi, puisqu’elle ne m’a toujours pas rappelée alors qu’elle aurait dû le faire il y a quinze jours.

Et dans un registre totalement différent, mais qui finalement se recoupe quand même un peu sur certains points, hier j’ai rencontré dans la vraie vie un compatriote néophobe, qui souhaitait qu’on puisse échanger un peu plus que sur le forum (laissé à l’abandon) où se retrouvent les néophobe adultes ou mamans désespérées qui aimeraient bien éviter que leurs bambins néophobes ne deviennent eux aussi des adultes néophobes.

Déjà, lorsque j’avais parcouru le forum quand je l’avais découvert l’an dernier, je m’étais rendue compte que certaines personnes étaient beaucoup plus affectées que moi par ce blocage alimentaire, que cela influait énormément sur leurs relations sociales, les empêchait totalement de manger en société, même ne serait-ce qu’avec leurs collègues. Ma rencontre d’hier n’a fait que confirmer tout ça, et me faire prendre conscience de la chance que j’avais eue d’avoir des parents compréhensifs, qui ont tout fait pour faire en sorte que je vive ma différence le mieux possible au lieu de la stigmatiser. D’avoir eu des amis, des petits amis. D’avoir voyagé. D’avoir rencontré des tonnes de gens différents.

Et aujourd’hui, je me rends compte que certes, j’ai un problème avec la bouffe, mais ça s’arrête là. A côté de ça j’ai une existence tout ce qui se fait de plus normale, avec des amis, un copain, un travail, des sorties, des soirées, des tas de voyages, de découvertes, et aussi tous les petits tracas que cela engendre mais rien de plus, et surtout sans honte.

Car au fond, je crois que c’est là que se trouve la différence. Notre problème est le même, mais la vision que nous avons, l’image que nous nous en faisons, est totalement différente. Certains sont tellement persuadés de l’énormité de leur problème et incapables de l’accepter ni même de vivre avec qu’ils s’imaginent que les gens autour non plus ne pourront pas l’accepter, et que ça va les gêner. Alors qu’au final le seul vraiment gêné c’est le néophobe. Les autres, en vrai ils s’en foutent. Au mieux ils ne comprennent pas, mais ça n’ira pas plus loin. Ils diront « ah bon c’est bizarre mais ok » et retourneront à leur petite vie. Mais le néophobe, lui, sera incapable de voir ça de cette manière. Moi je l’ai accepté, et je crois que c’est ça qui fait toute la différence.

Finalement, je me trouve hyper normale comme fille.

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7 réflexions sur “Je crois bien que je suis normale.”

  1. Salut,

    Quand, j’ai commencé à participé à un groupe de parole il y a 5 ans, je me décrivais comme quelqu’un qui s’en sort bien malgré l’alimentation et les complications qu’on pourrait imaginer mais qui ne se sont pas produite : parcours scolaire et professionnel impecable, la cantine de l’école a fait une exception pour moi, des parents compréhensifs qui ne me prennent pas pour un handicapé, qui m’ont payés les études, les vacances, une voiture, des amis divers tout au long de ma scolarité, j’ai le métier que je voulais, un bac +6 d’architecte obtenu facilement, embauché immédiatement à la sortie de l’école. Je ne me sens pas plus que ça exceptionnel par mes réussites, mais je ne me sens pas non plus incompétent de la vie ou fautif à cause de l’alimentation.
    Les gens du groupe me répondaient à chaques fois, si tout va bien, pourquoi viens-tu participer à un groupe de thérapie rempli de bras cassés un vendredi soir au lieu de regarder la tv en famille ou d’aller en boite avec tes amis ? (je précise que personne ne m’a imposé d’y aller, et que mon entourage n’était même pas au courant que j’y allait) Il m’aura fallu au moins toute une année de participation pour comprendre le sens de cette question, et surtout pour en assumer la réponse. Une fois cette étape franchie, mon interprétation de ce que je perçois du monde qui nous entoure a changé, et ma qualité de vie s’est améliorée comme par magie.

    Leeloo, j’ai apprécié notre rencontre, et comme je t’aime bien et par solidarité, je te retourne la question : Pourquoi ressens-tu le besoin d’écrire sur la néophobie alimentaire ? le vrai sens, l’émotion intérieure en toi, pas la réponse concensuelle que tu donnes à tous (la réponse est pour toi, tu n’es pas obligé d’y répondre ici)

    Ou dans le même genre, pourquoi as-tu accepté de me rencontrer cette fois ci, alors que tu n’avais pas répondu à ma demande il y a plusieurs mois ? Est-ce que tu voulais voir à quoi je ressemble, ou ce à quoi toi tu peux bien ressembler, vu de l’extérieur ?
    A chaque fois que j’ai dis publiquement faire une chose pour faire pareil que les autres, les gens m’ont systématiquement rit au nez « non, toi tu ne fais jamais comme les autres ». Ils seraient carrément écroulés de fou rire je je leur disais que je me trouve hyper normal comme garçon. Quand j’essai d’avoir l’air normal, j’ose rien dire et m’efface complétement, mais ça s’appelle plutôt hyper-ennuyeux du coup. Dans les surnoms donné derrière mon dos, j’ai eu droit à « looping de l’agence tous risque » ou « le fantôme »
    Mais bon, je t’accorde, que même si on a en commun la même alimentation, ça ne veut nécessairement dire qu’on est identique pour le reste.
    J’espère qu’ angélique et toi aurez l’occasion de vous rencontrer, étant toutes 2 des filles de la même tranche d’âge, vous trouverez plus de proximité entre vous qu’avec moi.

    à+

    alexis

  2. Question bête : si ce forum est à l’abandon et qu’il n’en existe pas d’autres, pourquoi ne pas en créer un qui puisse répondre à vos attentes?

    Bise.

    1. Question pas si bête que ça 😉
      Pour ma part je n’ai jamais été très forum. Je suis bien contente quand j’y trouve des réponses à mes questions, mais je n’ose jamais trop y prendre part. Alors je ne me vois vraiment pas en créer un…
      Bises

      1. L’interêt d’un forum de discussion est le même que celui d’un groupe de parole. C’est de confronter nos idées et réflexions à celles des autres. Dans une conversation lorsqu’on se trompe, l’autre nous le fait remarquer et nous demande soit d’argumenter notre position soit de corriger. Ca évite de persister dans l’erreur pendant des années, à se dire « pourtant je fais tout ce qu’il faut, ça devrait aller mieux ». Quand on est isolé, on se déconnecte vite de la réalité, et toute l’interprétation qu’on a des faits est altérée.

        La mérite du forum créé par seika, c’est qu’au moins, il a permis à plusieurs d’entre nous de se trouver. Savoir qu’on n’est pas seul à galérer, et avoir un endroit où se confier et échanger un minimum, c’est déjà beaucoup.

        Sur facebook, on peut faire des groupes, plus facile à créer et à gérer, mais je ne sais pas si c’est pratique pour discuter.

        1. Ah mais j’ai jamais dit que c’était pas bien hein, juste que c’était pas trop mon truc, donc je ne me voyais pas en créer un. C’est tout.

  3. Je crois savoir de quelle émission il s’agit… Il y a beaucoup de fake chez eux, si ça se trouve ils vont reprendre ton histoire et la remanier, la faire jouer par une actrice… C’est vrai que ça serait bien qu’on en parle à la TV , pour que ceux qui ne savent pas ce qu’est la néophobie, qui en souffrent ou qui ont des connaissances qui en souffrent, sachent ce que c’est.
    J’avais déjà essayé de contacter les chaines françaises en leur envoyant des mails via leur site mais ça n’a jamais abouti à quoi que ce soit malheureusement…
    Livrer un témoignage ok, mais il est vrai qu’être suivie dans son quotidien pendant des semaines ça ne doit pas être agréable…

    Je vais tenter de relancer les chaines notamment france 5 , je pense que l’émission « le magazine de la santé » serait plus approprié pour en parler.

    1. Je trouve ta démarche plutôt cool et assez courageuse ! C’est sûr que France5 ou même France2 seraient plus approprié que les émissions un peu fake… Mais je ne connais pas trop les émissions plus orientées santé en fait
      Si tu as un jour une réponse, tu me diras ?

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