L’alimentation sélective chez les enfants

Cet article a été écrit par Julie O’Toole, et publié le 14 mars 2013 sur le blog de la Clinique Kartini de Portland, spécialisée dans les troubles alimentaires.

Je trouve de plus en plus d’articles sur le sujet, dont l’écrasante majorité est malheureusement en anglais. Je sais que certains d’entre vous ne parlent pas bien anglais, je me permets donc de traduire ces articles. J’en ai plusieurs sous le coude, je vais essayer de prendre le temps de les traduire dans les jours qui viennent..

Kartini-Clinic

Il y a un trouble alimentaire pédiatrique dont on parle peu, que je n’ai pas encore beaucoup traité sur mon blog, tout comme on en parle assez peu ailleurs, y compris dans les différentes publications du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, un ouvrage de référence publié par la Société américaine de psychiatrie, NDT). En tant que pédiatre généraliste, tout comme d’autres pédiatres, j’ai croisé des cas, mais ce n’est qu’en lisant, il y a quelques années, le livre des Dr Rachel Bryant-Waugh et Dr Bryan Lask, Eating disorders: a parents’ guide, que j’ai pris conscience de ce trouble assez commun, appelé « alimentation sélective ». Depuis, j’ai vu beaucoup de patients de ce type.

Je n’ai connaissance d’aucune étude sur l’étendue de ce trouble, mais mon expérience m’a appris que l’alimentation sélective atteint souvent les garçons, et se retrouve souvent dans une même famille. Et, bien que ce ne soit pas mortel, ni nécessairement accompagné d’autres difficultés psychologiques, ce trouble cause beaucoup d’angoisse chez les parents, et par extension, une grande détresse chez les enfants.

Ok, donc qu’est que l’alimentation sélective ? L’AS est une condition présente depuis la plus tendre enfance, où les enfants mangent une variété très restreinte d’aliments, et refusent tous les autres aliments, bien que leur courbe de croissance soit normale. De tels enfants ne sont pas réceptifs à la persuasion ; ni les menaces, punitions, « bons points », pas plus que devoir rester à table « jusqu’à ce qu’ils finissent leur assiette » n’aide le moins du monde. Les parents de mangeurs sélectifs racontent régulièrement avoir essayé toutes ces choses et plus encore — souvent pour apaiser les grands parents — sans résultat. Ces enfants préfèrent littéralement se laisser mourir de faim plutôt que de manger des aliments en dehors de leurs limites.

Et quelle limite ! Typiquement, leurs aliments favoris sont désignés comme diaboliques, et font que les parents culpabilisent de les offrir à leurs enfants : des Cheetos, du sirop au chocolat dans un type de lait particulier, du beurre de cacahuète, des nuggets de poulet (mais seulement de chez McDonald’s), du pain blanc d’un type particulièrement non nutritif… Principalement des féculents, du sucre, et du gras. Il est rare qu’un tel enfant mange n’importe quel type de pain ou de beurre de cacahuète – non, il faut qu’il vienne de tel endroit, et il ne peut pas être modifié ni amélioré de quelque manière que ce soit. Pouvez-vous imaginer à quel point cela peut être frustrant pour les parents ? Ils voient leur pédiatre, qui leurs disent que leur enfant est normal et que ça va passer en grandissant.

Il est normal, oui, mais cela ne va vraisemblablement pas passer en grandissant. Les mangeurs sélectifs peuvent faire une « overdose » de certains aliments qu’ils préféraient auparavant, et trouver de nouveaux substituts (aussi appétissants), mais généralement, ils entrent dans l’âge adulte en étant capable de manger une très mince variété d’aliments, deviennent ce mari (ou moins souvent, cette femme) qui ne mange que « des trucs blancs, natures, et pas cuisinés » — pas de légumes verts, seulement du maïs, pas de fruits, etc. Et ils vont parfaitement bien. J’insiste sur le bien. Warren Buffet est un mangeur sélectif connu, et il a plus que réussi, merci beaucoup.

L’écrasante majorité des mangeurs sélectifs ne consultent jamais de médecins spécialistes des les troubles alimentaires chez l’enfant tels que moi, mais quelques uns le font. L’information essentielle concernant de tels enfants se trouve dans leur courbe de croissance. Si elle est normale, alors il n’y a simplement pas de problème. Dieu seul sait pourquoi ces enfants sont capables de grandir en si bonne santé et devenir si intelligent seulement avec des Cheetos, du lait chocolaté et des nuggets de poulet, mais ils y arrivent. Je n’ai aucun souvenir d’avoir rencontré un mangeur sélectif obèse ou même en surpoids, et sous réserve qu’ils ne soient pas persécutés dans un sentiment d’infériorité et de « mauvais comportement » à cause de leurs habitudes alimentaires, ils sont par ailleurs de beaux enfants, peut-être un peu néophobes (peur du changement et des nouvelles choses) en général, mais certainement pas des malades mentaux.

Mais la détresse des parents est réelle. Il est profondément établi de se sentir mal si nous ne pouvons pas nourrir correctement nos enfants. Les mères en particulier doivent supporter les piques des donneurs de conseils bien intentionnés : « confisque son iPad jusqu’à ce qu’il mange quelque chose de bon pour lui », ou « interdis-lui de sortir de table, elle mangera quand elle aura assez faim ». Oh non, elle ne mangera pas. Vraiment pas. Et ce n’est pas un échec en tant que parent ni un manque d’attention. Donc, l’une des première choses que je fais quand je reçois un enfant comme ça et voit sa courbe de croissance presque invariablement normale, est de complimenter les parents sur le bon boulot qu’ils ont fait à prendre soin de leur enfant. Et ils ont vraiment fait du bon boulot.

Au risque d’être trop visuelle, je me dois de poser une question à ceux qui croient que de tels enfants peuvent diversifier leur alimentation s’ils le devaient vraiment : qu’est ce qu’il faudrait pour vous convaincre de manger de la crotte de chien ? Vous voyez ce que je veux dire ? Si on vous forçait, vous auriez sûrement des haut-le-cœur et vomiriez probablement — exactement la même réaction qu’auraient la plupart de ces enfants si on leur présentait un aliment en dehors de leurs limites. Quelle est la probabilité que vous changiez d’avis à propos de ce plat gastronomique, peu importe qui d’autre le mange et trouve que c’est bon pour la santé. Ayez pitié de ces enfants dont le cerveau est programmé pour rejeter ce que nous trouvons normal de manger. Si leur croissance est normale, nous sommes tirés d’affaire. Libérez les parents de ce sentiment d’échec, complimentez-le sur le bon boulot qu’ils ont fait pour élever un enfant qui grandit bien, et laissez leur enfant se préoccuper des seules vraies tâches de l’enfance : s’amuser, apprendre de nouvelles choses, se faire des amis et trouver leur place dans le monde.

Il est bien connu — et probablement ironique, prononcé par un médecin spécialiste des troubles alimentaires — que l’homme ne vit pas seulement de pain.

Merci beaucoup à Vicky du groupe Facebook Selective eating disorder pour avoir partagé cet article !

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9 réflexions sur “L’alimentation sélective chez les enfants”

  1. J’approuve ce que dit Bérénice. Et au moins ça prouve que des personnes s’y intéressent réellement. C’est un bon début…

  2. Bonjour, vous dites que les enfants néophobes sont généralement dans la courbe de croissance, mais pour le mien ce n’est pas le cas, il est trop maigre même s’il est en super forme. Je n’ai malheureusement pas la pédiatre qui va me dire que je fais du bon travail mais qui va plutôt tenter de me convaincre qu’il faut que je le force à goûter. Mais ça ne marche pas du tout. Je suis terriblement angoissée pour sa santé. Jusqu’à 15 mois il mangeait quasiment de tout et depuis il ne veut ni fruits, ni légumes (parfois la soupe et la purée ça passe si on a de la chance, et il mange un seul type spécifique de compote mais pas régulièrement non plus, et par contre il mange des olives vertes, ce qui est super bizarre je trouve car c’est vert et que ça a un goût tout de même bien particulier. Alors pourquoi pas les autres aliments?). Il a aujourd’hui 3 ans 1/2. Son frère me posait aussi des difficultés mais pas à ce point là et lui a toujours été dans la courbe. Je ne supporte même plus de cuisiner parce que j’ai l’impression que ça ne sert à rien que je fasse des efforts…

  3. Milles mercis pour ces articles traduits. On vit un véritable cauchemars avec notre fils et enfin je viens de découvrir un nom sur ce qu’il vit au niveau alimentaire. L’accueil extra-scolaire pour les repas de midi est une horreur. Il en souffre mais c’est plus fort que lui, il n’arrive pas à goûter. Difficile de cuisiner, j’ai tout le temps l’impression de faire toujours la même chose et en plus depuis quelques mois il est en léger surpoids. Détresse pour des parents

  4. Merci infiniment pour la traduction et je suis honnête avec vous j en ai pleurer car j ai l impression de ne plus être seule . Mon fils a 4ans et demi et à partir de ses 18mois à cesser de manger normalement il mangeait que l’es purée et après il a arrêter pour ne manger que des gnokki midi et soir et il sort d une grippe depuis 10jours et la il ne veut plus non plus les gnokki je lui demande ce qu il veut il me dits je sais pas . Il mange les mêmes choses et ne veut gouter à rien ou c est vraiment exceptionnellement rare. Je désespère …. mon fils de 3 ans n est pas pareil il mange de tout . Je suis triste pour lui j’en pleure souvent . Sa pediatre me dits sa va passer avec l âge , les amies me disent donne lui la même assiette que toi s’il veut c est bien sinon tanpis il ne se laissera pas mourir de faim qu est ce que je déteste ces mots !!! Je voulais éventuellement voir un spécialiste . Je sais plus il n est pas maigre il est sur la courbe mais je suis triste qu il ne puisse pas gouter à tout j aimerais tant lui faire plaisir

  5. merci mon garcon a cinq ans et grace a une nouvelle recrue a l ecole je ne me sens plus seule elle m,a parlee de son fils de quatre ans et je revis appareamment l, orthophoniste peut aider je vais tenter de toute facon il se porte bien

  6. Bonjour, je découvre votre blog, qui m’est très utile car je peux enfin comprendre le trouble dont souffre ma fille de 6 ans. Elle est née grande prématurée et dès le début nous avons eu du mal à la faire boire son lait. A 18 mois elle a passé un mois en mangeant très très peu, nous avons passé un calvaire chez les médecins et hopitaux. Depuis elle ne mange que quelques aliments bien précis. Cantine tous les jours mais elle rentre le ventre vide. Ce qui me tracasse actuellement c’est le problème des médicaments. Bien entendu elle refuse de prendre quoi que ce soit par la bouche. En hiver nous avons réussi quelques fois à lui faire prendre du sirop par la force, elle nous l’a toujours vomi. Ces jours-ci elle devait prendre des ferments lactiques ca a été impossible, meme en la menaçant de piqures. Elle se fait immédiatement venir un haut-le-coeur..Avez-vous des conseils? Merci d’avance

  7. Merci pour la traduction de cet article. On vit la meme situation ici avec notre garcon de 3 ans 1/2. Il peut passer des jours a tout refuser ce qu’on lui offre, etnemanger wue du beurre de cacaouette a la cuilliere… Il ne faut surtout las changer la marque! :/ Ce fut un gros souci pendant des mois pour nous. On pensait que c’etait le terrible two, un probleme physique ou psyhologique. Votre article apporte un nouvel eclaire. Merci!

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