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Alimentation et troubles de l’oralité

Un replay de l’émission La maison des maternelles

La Maison des Maternelles nous parle de troubles de l’oralité, voici un petit résumé de ce qu’on peut retenir de cette vidéo :

Au moment des repas, les signes suivants peuvent alerter d’un potentiel trouble de l’oralité :

  • la peur de manger, peur à la vue ou au toucher des aliments
  • bébés qui n’arrivent pas à se poser, qui grignotent et repartent et reviennent et repartent (petits mangeurs)
  • les enfants sélectifs : par couleur, par texture…

Ne pas écouter les personnes (et même médecins) qui nous disent de ne pas s’inquiéter car un bébé/enfant ne se laissera pas mourir de faim, c’est faux !

Pour bien manger, il faut être bien assis. On ne peut pas être à l’aise pour manger si on n’est pas stable. Il faut une chaise avec un repose pied, et que l’enfant se tienne bien assis tout seul. Sinon, cela peut entraîner des difficultés au moment des repas.
Le choix des ustensiles aussi est important, il faut choisir des cuillères bien adaptées au bébé.

On ne force pas un bébé, le bébé gagne dans 100% des cas
Ce n’est pas pour autant qu’il ne faut rien faire, il faut réussir à faire en sorte que le repas soit un plaisir

Manger c’est à la fois regarder, toucher, porter à la bouche. Tous les sens sont en éveil.
Si l’enfant n’est pas à l’aise avec les textures, commencer par le désensibiliser avec du non alimentaire : pâte à modeler, peinture avec les mains…

L’atelier patouille, organisé par Céline de Sousa et Véronique Leblanc, aide les enfants à se désensibiliser progressivement au niveau sensoriel :

  • un parcours sensoriel où les enfants marchent pieds nus sur différentes cases avec des sensations différentes : sable, plumes, feuilles, terre. Ca peut être réalisé très facilement chez vous, en habituant progressivement les petits à marcher pieds nus sur la moquette, sur le carrelage, sur l’herbe, sur le sable. Ca peut être très compliqué pour eux à accepter, alors il faut y aller progressivement, le chemin peut être long avant que ce soit totalement accepté
  • atelier de loisirs créatifs où la peinture est remplacé par du chocolat, appliqué avec des éponges. Les enfants peuvent essayer de toucher la peinture/chocolat du bout du doigt, essayer de toucher leurs lèvres avec le doigt plein de chocolat (faire un bisou au doigt), voire de le lécher si c’est possible pour eux. On peut ajouter également des « paillettes » avec du sucre coloré
  • Préparation d’une recette (gâteau au chocolat par exemple), où l’enfant mélange avec les doigts directement sur du papier cuisson pour mélanger tous les ingrédients. On peut lui demander de toucher son visage avec les doigts plein de pâte, de donner un peu de pâte à sa maman, ou de mettre de la pâte sur le nez de sa maman. On peut également lui proposer de décorer le gâteau une fois cuit avec des fruits rouges par exemple, de les toucher donc, mais aussi de leur faire des bisous.

L’objectif de ces ateliers n’est pas de manger mais de manipuler des ingrédients. De répéter l’expérience plusieurs fois jusqu’à ce que ces aliments deviennent suffisamment familiers pour ne plus faire peur, et ensuite seulement on peut envisager de proposer d’essayer de les manger.

Ce que les yeux, le nez, les mains, voire le corps dans son intégralité n’ont pas apprivoisé au niveau sensoriel, ma bouche ne pourra pas y toucher.
Manger, c’est tous les sens en éveil donc il faut traiter tous l’aspect sensoriel qui relève de l’alimentation.
Il ne faut pas être propre ! Oser toucher, se salir, patouiller, l’objectif in fine est de prendre du plaisir à manipuler

L’apéro peut être un moment efficace d’appropriation des aliments par l’enfant. Les gâteaux apéro sont souvent croustifondants (chips, tuc), ça croque, mais ça fond en bouche sans avoir besoin de mâcher. C’est quelque chose de facile avec lequel on peut commencer, ça permet d’avoir des expériences positives sur lesquelles on peut capitaliser par la suite.

Merci à la Maison des Maternelles de communiquer sur ce sujet encore mal connu, et merci au Dr Bellaïche pour tous ses précieux conseils !

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Troubles de l’oralité = repas compliqués ?

Un replay de l’émission La maison des maternelles

La Maison des Maternelles nous parle de troubles de l’oralité, voici un petit résumé de ce qu’on peut retenir de cette vidéo :

Les troubles de l’oralité toucheraient selon les études entre 10 et 25% des enfants à un moment donné.

Comment se manifestent les troubles de l’oralité alimentaire ?

  • le refus alimentaire complet : l’enfant repousse son assiette, détourne la tête dès qu’on lui présente la cuillère de manière systématique
  • l’enfant n’arrive pas à avaler des morceaux tardivement (vers 18 mois)
  • des réflexes nauséeux quand on présente des textures plus épaisses et collantes, pouvant même aller jusqu’au vomissement

Les signaux qui doivent alerter :

  • la perte de poids : vérifier la croissance de l’enfant petit mangeur
  • les réflexes nauséeux
  • un enfant qui ne porte pas les objets à la bouche, qui ne peut pas mettre ses mains sur des choses collantes (il n’aime pas patouiller)

Pour traiter les troubles de l’oralité, une prise en charge multi-disciplinaire peut être nécessaire :

  • diététicienne
  • psychomotricienne
  • orthophonie
  • psychologue

Il est important d’être pris en charge le plus tôt possible, il ne faut pas laisser les troubles évoluer et s’installer.

Il est important d’habituer l’enfant très tôt à différentes textures, par le toucher d’abord puis par l’alimentation, de les laisser patouiller, se salir
Il ne faut pas cuisiner trop lisse pour l’habituer à différentes textures progressivement

Il ne faut jamais forcer l’enfant à manger

Merci à la Maison des Maternelles de communiquer sur ce sujet encore mal connu

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Deux infographies sur la dysoralité sensorielle

Deux infographies trouvées sur le site Hoptoys.fr, dont une qui explique très bien ce qu’est la dysoralité et les signes que l’on peut détecter chez les personnes atteintes (oui ça ne touche pas que les enfants, ça ne disparaît pas miraculeusement le jour de nos 18 ans !)

A partager sans modération autour de vous
En citant la source bien sûr !

Vous trouverez également sur ce site pas mal d’articles, en français, sur le thème des troubles de l’oralité, dont celui-ci, écrit par une orthophoniste, qui explique ce que les orthophonistes justement peuvent faire pour aider les personnes atteintes de troubles sensoriels

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Néophobie ou trouble de l’oralité ?

C’est une question qui revient souvent, quand on parle de nos difficultés alimentaires. Quelle est la différence ? Comment savoir si je suis l’un, l’autre, ou les deux ? Est-ce que l’un va forcément avec l’autre ?

Difficile de répondre à toutes ces questions. Déjà, parce que trouver des personnes du secteur médical pour poser un diagnostic est souvent un chemin long et semé d’embûches…

La question la plus facile à répondre, est de savoir quelles sont les différences et comment bien identifier chaque trouble.

Les troubles de l’oralité impliquent une hypersensibilité, globalement aux niveaux des extrémités (mains et pieds) et surtout, dans le cas qui nous intéresse ici, au niveau de la bouche. Goûts et textures sont alors perçus comme trop forts, comme des agressions, il est difficile de contrôler ses ressentis (trop d’informations) envers la nourriture et manger devient pénible. Il s’agit ici de troubles physiologiques, et non psychologiques.

La phobie quant à elle est plus du côté psychologique justement. On parle ici de la peur des aliments inconnus, de l’angoisse à l’idée de devoir les goûter, des comportements d’évitement que l’on développe pour éviter d’être confrontés à l’objet de notre peur.

Les deux peuvent être liés. Il semblerait que la dysoralité puisse entraîner la phobie, les mauvaises expériences répétées avec la nourriture créant une peur et donc développant la phobie.

En revanche, la réciproque n’est pas vraie. Une personne peut tout à fait développer une phobie alimentaire à cause d’un autre événement traumatisant (grosse crise d’allergie, étouffement, ou autre traumatisme lié à la nourriture…). On verra ces phobies se développer parfois plus tard, là où les troubles de l’oralité semblent en général plutôt présents depuis la naissance.

Beaucoup détectent les troubles de l’oralité (ou du moins identifient qu’il y a un problème même s’ils ne savent pas forcément qu’il s’agit de troubles de l’oralité) au moment du passage au morceau, les textures étant l’un des principaux blocages des personnes atteintes de troubles de l’oralité, cela peut aisément se comprendre. Cependant, si on creuse un peu, on se rend parfois compte que sans que cela soit aussi dramatique, la tétée aussi (sein et/ou biberon) a aussi pu être compliqué, tout comme l’acceptation de la cuillère en bouche par exemple.

Les deux troubles ont des manifestations, des origines, et donc aussi des traitements différents. Je reste persuadée qu’il faut traiter les deux, et dans ce sens les centres spécialisés multi-disciplinaires (comme celui de Duke aux Etats Unis dont Marie nous avait parlé dans cet article) semblent tout indiquer, puisqu’ils permettent une prise en charge par plusieurs disciplines médicales en parallèle, tous travaillant ensemble pour la progression du patient.

On peut bien sûr combiner les suivis dans le privé en consultant un psy et une ortho, mais je trouve que le fait qu’ils travaillent ensemble apporteraient un vrai plus dans la progression de manière globale. Malheureusement à ma connaissance il n’existe pas de telles structures en France (mais si vous en connaissez surtout n’hésitez pas à partager en commentaire !)

Pour soigner la phobie, on peut consulter un psychologue, ou un psychologue comportementaliste, certains ont même eu des résultats concluants avec l’hypnose (ce qui n’est pas mon cas, l’hypnose n’a rien fait…)

Pour la dysoralité, à ce jour, à ce que je sache, seules les orthophonistes le prennent en charge, tant pour le diagnostic que pour le suivi de désensibilisation.
Il faut consulter pour cela une orthophoniste formée aux troubles de l’oralité, quelques autres professions peuvent l’être aussi tels que certains ergothérapeutes et kinés. Attention cependant, toutes les ortho ne sont pas formées pour la simple et bonne raison que les troubles de l’oralité ne faisaient pas partie du programme de la formation initiale jusqu’à il y a quelques années. Les orthos formées ont donc suivi une formation dédiée par la suite pour se spécialiser dans ce domaine précis. (et pour anticiper les questions, car celle-ci revient souvent, non je n’ai pas de liste d’ortho à vous partager, malheureusement je ne peux que vous conseiller de contacter celles autour de chez vous pour leur demander si elles sont formées ou si elles peuvent vous recommander quelqu’un pas trop loin. Les orthophonistes semblent avoir un bon réseau entre elle et avec un peu de chance cela vous aidera à trouver quelqu’un.

Enfin, on me pose parfois la question de l’ordre dans lequel consulter. Certaines ortho semblent conseiller de commencer par traiter la dysoralité, je trouve cela un peu surprenant, j’aurais plutôt tendance à penser l’inverse personnellement. En tout cas moi c’est ce que j’ai fait, et je suis persuadée que dans l’autre sens ça n’aurait pas pu fonctionner. Avant mes suivis pour la phobie, j’étais tout bonnement incapable d’approcher un aliment inconnu, l’angoisse était beaucoup trop forte. M’apprendre à comprendre et maîtriser cette angoisse était donc primordial avant de commencer un travail d’approche des aliments avec l’ortho (encore une fois, ce n’est que mon expérience personnelle et en aucun cas un avis ni médical ni généralisé)

Je trouve qu’il est plus logique de d’abord lever les barrières psychologiques, de réussir à gérer ses angoisses face aux aliments nouveaux, à approcher les aliments sans crainte, pour ensuite se concentrer sur les problématiques d’oralité et travailler les approches des aliments. Pour ma part, lors de mon 2nd suivi ortho, on faisait 1 mise en contact par semaine avec un nouvel aliment. C’est un rythme assez soutenu, un travail qu’il fallait ensuite que je continue à la maison pour réussir à vraiment manger ces nouveaux aliments et les intégrer à mon alimentation « courante ». Sans le travail préalable de gestion des angoisses et du stress, j’aurais été bien incapable de faire tout ce travail d’approche.

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J’aime / J’aime pas

Pendant très longtemps, il n’y a eu que deux catégories d’aliments à mes yeux: ceux que j’aime et ceux que je n’aime pas.

Je ne connaissais pas la notion de néophobie ni les troubles de l’oralité alimentaire, et ne savais pas expliquer autrement mes blocages alimentaires que par un simple « j’aime pas ». 

Il y avait pour moi seulement 2 catégories, les aliments que je pouvais manger (j’aime) et ceux que je ne pouvais pas manger (je n’aime pas). Mais du coup je n’avais pas vraiment de notion de goût (pas du tout même). Il y avait bien entendu certains aliments / plats que je préférais manger à d’autres, que je prenais du plaisir à manger (les gaufres, les frites maison…) par rapport à d’autres pour lesquels je faisais plus la grimage en les mangeant (la banane, la soupe de légumes verts). Mais si je pouvais manger, alors je considérais que j’aimais ça. 

Je ne compte même plus combien de fois on n’a rétorqué, en 25 ans, « mais tu ne peux pas dire que tu n’aimes pas ça, tu n’as jamais goûté ». Seulement voilà, je n’avais pas d’autres mots, pas d’autres manières d’expliquer que je mangeais pas tel ou tel aliment. Toutes ces notions de pouvoir manger, pouvoir goûter, de phobie, de dégoût, de troubles sensoriels, je n’en avais aucune idée. Le seul mot que j’avais pour exprimer tout ça, c’était ce simple « j’aime pas » qui n’est pas du tout représentatif de ce qui se passait en réalité en moi (sans que je n’en ai d’ailleurs aucune conscience)

 

Ce n’est que plus récemment (vers 25 ans je pense), après avoir bien découvert & intégré les concepts de néophobie et de dysoralité, que j’ai compris qu’il y a en fait 3 catégories d’aliments pour moi. 

Concernant ma dysoralité/phobie, il a les aliments que je PEUX manger VS ceux que je suis incapable de mettre en bouche. Il ne s’agit là aucunement de questions de goûts ou de préférence personnelle. Je ne PEUX PAS les manger, les approcher provoque angoisses, nausées, vomissements. Les textures me sont insupportables et c’est bien au-delà de ma volonté de savoir si oui ou non je souhaite manger ça. 

Ces aliments craints sont pour moi grande source d’angoisse non seulement à l’idée de les mettre en bouche – vous noterez que je ne parle même pas de les MANGER ici, mais bien d’approcher la sphère orale, qui est encore à des lieues du concept de croquer puis avaler… – mais plus largement, également à l’idée de les toucher, les manipuler, les sentir et même parfois simplement les voir. C’est tout la sphère sensorielle qui est ici touchée et la notion de goût ou de préférence gustative est très loin d’être atteinte ici, on parle de toutes les étapes avant d’en arriver au goût. 

 

Et ensuite, parmi les aliments acceptés, ceux que je suis capable de mettre en bouche, de mâcher, d’avaler, et même d’en faire un vrai repas complet régulièrement (qui encore une fois sont des étapes progressives, pour certains je suis capable d’en avaler quelques petites bouchées mais pas un plat entier), alors rentre enfin en jeu la question du goût. Je peux alors parmi cette petite variété distinguer ceux que j’aime (les gaufres) de ceux que je n’aime pas (la banane). 

Je peux faire l’effort de manger une banane de temps en temps parce que je sais que je ne mange pas beaucoup de fruits et que c’est bon pour ma santé, mais je ne prendrai pas de plaisir du tout à la manger, je n’aime pas ça. Mais je peux la manger. 

En revanche, il y a des plats que j’aime, dont le goût me plaît, où je me dis que je préfère manger du poulet/pommes de terre plutôt que des patates seules qui maintenant me paraissent fades, ou que je préfère manger de la blanquette avec poulet et carottes plutôt que du riz blanc, sec et fade. 

Au delà de réussir à augmenter le nombre d’aliments / plats que je peux manger, aujourd’hui je m’efforce aujourd’hui de réussir aussi à trouver de nouveaux plats / assortiments / préparations que j’aime, et croyez-moi après avoir passé une grande majorité de ma vie à n’avoir aucune idée de ces notions, il n’est pas toujours facile de distinguer mes propres goûts de l’engouement de réussir à manger un nouveau plat. 

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Interview de Audrey Lecoufle, orthophoniste, dans Vies de famille, émission de radio

Partage d’une émission de radio très instructive de RCF, autour des troubles de l’oralité alimentaire, à travers l’interview d’une orthophoniste spécialiés, Audrey Lecoufle.

Source originale: RCF radio – Vies de famille

Je vous ai retranscrit toute l’interview au cas où le replay ne serait plus disponible dans le temps, mais si le player fonctionne, c’est exactement la même chose que la bande son !

 

Journaliste – Bonjour, ravie de vous retrouver dans Vies de famille. Votre enfant refuse de manger, il est sélectif avec la nourriture. Il refuse les éléments nouveaux, les morceaux. Il a des nausées, des vomissements pendant les repas. Ouille ouille ouille… Alors on vous a dit « il faut le forcer, c’est un caprice », ou alors on va dit « de toute façon laisse-le, un enfant de ne laisse pas mourir de faim », et vous avez quand même mauvaise conscience à le forcer, c’est compliqué, le repas est devenu un moment très très tendu… Alors, que faire ? Est-ce qu’il s’agit d’un caprice ? Ou est-ce qu’il s’agit d’un trouble de l’oralité alimentaire ? C’est de cela dont nous allons parler aujourd’hui. Ce refus de manger est une réelle source d’angoisse pour les parents et sans doute pour l’enfant aussi, l’heure des repas peut vite se transformer en combat, en stress. Alors, on va tenter d’y voir clair aujourd’hui. Pour cela, je reçois Audrey Lecoufle, qui est orthophoniste au service de gastro-nutrition du CHR de Lille. Bonjour Audrey

Audrey Lecoufle – Bonjour

Journaliste – Alors, pouvez-vous dans un premier temps nous expliquer de quoi il s’agit quand on parle de ce trouble de l’oralité alimentaire ?

A – Alors, le trouble de l’oralité alimentaire, il y a plusieurs façons de le définir. On peut l’appeler de plusieurs façons en fonction des auteurs, on peut retrouver dysoralité, certains parlent d’aversion alimentaire sensorielle, de trouble des fonctions alimentaires… Il y a plein de façons différentes de parler de cette même chose. A l’heure actuelle, il n’y a pas de consensus sur les appellations qui vont recouvrir une grande variété de tableaux cliniques, mais de façon simple, on va parler de troubles de l’oralité alimentaire pour désigner l’ensemble des difficultés à s’alimenter par la bouche, l’ensemble des problèmes d’alimentation par voie orale, l’oralité étant définie comme l’ensemble des fonctions de la bouche : manger, respirer, parler, pouvoir découvrir avec sa bouche, les goûts, les textures, la communication et le langage. Donc on se rend compte que les troubles de l’oralité regroupent vraiment toutes ces fonctions-là et avec un retentissement du coup qui peut être important.

J – Oui effectivement, et d’où l’intérêt de consulter éventuellement une orthophoniste spécialisée dans ce domaine-là. Parce que peut-être qu’en première intention on se dit « il ne veut pas manger je ne vais pas forcément aller voir une orthophoniste, mais vous avez tout un travail à faire.

A – Oui, tout à fait, il y a un travail très important qu’on peut mener autour de l’oralité alimentaire, qui fait partie maintenant depuis le 1er avril 2018 de notre nomenclature des actes en orthophonie, donc on a une reconnaissance maintenant au niveau du ministère sur ce domaine-là, avec une reconnaissance du bilan des troubles de l’oralité, et la prise en charge avec l’acte de prise en charge des troubles des fonctions oro-faciales et de l’oralité, donc ça fait maintenant entièrement partie des actes que les orthophonistes peuvent ré-éduquer.

J – Donc d’abord ces signes, qu’est-ce qui est visible ? Comment les parents peuvent se retrouver là-dedans ?

A – Alors, les signes cliniques du trouble de l’oralité sont multiples, et il peut y avoir plusieurs formes d’expression. On peut retrouver des difficultés sur les temps de repas et en-dehors des temps de repas.

Sur les temps de repas, ça va être par exemple des enfants qui ont du mal à passer à la cuillère, des enfants qui ne vont aimer que des textures très très lisses, qui auront du mal à passer aux morceaux, qui vont être nauséeux à chaque changement de texture, de température des aliments, qui ne vont avoir aucun plaisir à manger, qui ne réclament jamais – les parents peuvent nous dire « si je ne lui donne pas à manger, il va rester toute la journée sans réclamer, il ne prend pas de plaisir ».
Des temps de repas qui vont être très longs, les parents peuvent décrire des temps de repas d’une heure, où il faut divertir l’enfant, il faut mettre la télé, il faut se déguiser…
Des enfants qui vont stocker la nourriture pendant longtemps dans les joues aussi, qui vont faire des sortes de boulettes dans les joues et qui n’arriveront plus à avaler après, ou des enfants qui vont avoir des aversions sélectives, par exemple ils vont manger tels aliments parce que c’est croustillant, mais pas tels autres qui ont d’autres caractéristiques sensorielles.
Et donc on se rend compte que sur les temps de repas, c’est devenu des moments de conflits et de tensions permanents, que les parents vont appréhender, et qui vont être compliqués pour l’enfant. Donc ça, c’est les signes cliniques sur les temps de repas.

On a aussi des signes, des choses à repérer en-dehors des temps de repas. Ce sont par exemple ces enfants qui ne portent jamais rien en bouche. On sait que dans le développement ordinaire de l’enfant, il y a une phase entre 0 et 18 mois, où l’enfant va découvrir le monde en explorant tout ce qui l’entoure avec sa bouche. Et on se rend compte que ces enfants-là, enfin une grande majorité des enfants qu’on accueille avec des troubles de l’oralité alimentaire, ne sont pas passés par cette phase de découverte de l’environnement par la bouche, parce qu’ils ont une bouche qui est du coup trop sensible et ils ne prennent aucun plaisir à y découvrir le monde. Donc on sera vigilent à cette exploration oralie qui est très importante pour nous.
Ca peut être des enfants aussi qui présentent des hyper-réactivités ou des hypo-réactivités. Alors c’est un mot un peu compliqué juste pour dire que ce sont des enfants au niveau sensoriel qui vont être gênés par certaines choses qui vont y répondre de façon hyper-réactive. Par exemple, ils vont être gênés par le contact d’un vêtement, et, au lieu d’y répondre de façon ajustée en disant « j’aime pas » ou « ça me gêne », ils vont pouvoir faire des crises de colère ou des choses très importantes. Donc on peut voir des hyper ou des hypo-réactions sur tous les sens. Donc ça peut la vue, le goût, l’olfaction, le système vestibulaire. Tous les sens sont exacerbés, et ce sont des enfants qui sont un peu irrités par tous ces sens-là et par toutes les informations sensorielles qu’ils n’arrivent pas à traiter.
Ca peut être aussi des enfants qui présentent des haut-le-coeur, des vomissements, même en-dehors des temps de repas, ou alors des enfants qui présentent des troubles oro-moteurs, c’est à dire ils n’arrivent pas bien à bouger leur langue, leurs joues, à faire des mouvements, parce que ce qui est important c’est de se dire que la bouche, elle nous sert à manger et à parler, et donc quand c’est compliqué pour nous de manger, il peut aussi y avoir un lien sur l’articulation, sur le langage, parce que du coup, la mastication demande des mouvements oro-moteurs très fins, de la même façon que l’articulation et le langage. Donc on est toujours vigilents aussi à ces deux plans-là.

J – C’est intéressant, parce que effectivement on dit on retrouve l’alimentaire, on se dit il y a des soucis quand on mange, mais il y a toute cette observation à faire au quotidien de l’enfant.

A – Oui, il peut y avoir des répercutions vraiment sur le quotidien de l’enfant, et donc on est amenées dans nos bilans à poser des questions par exemple sur le lavage de dents, est-ce qu’il est possible pour l’enfant ou pas. Les enfants qui ont un trouble de l’oralité, souvent le brossage des dents est très compliqué parce qu’il faut accepter la brosse à dents, du dentifrice, et donc c’est des enfants qui sont souvent nauséeux à ces sensations-là.
On pourra poser des questions aussi sur la sensorialité plus générale, est-ce que par exemple l’enfant accepte de marcher dans le sable, de marcher pieds nus sur l’herbe, de faire un shampoing par exemple et d’avoir de l’eau un peu sur le visage, d’être massé, pour un tout petit, d’être massé avec une crème. Et tout en fait tout ça peut refléter ce qu’on appelle des troubles du traitement de l’information sensorielle dont font partie les troubles de l’oralité alimentaire aussi.

J – D’accord, c’est vraiment intéressant tout ça. Nos auditeurs, ne prenez pas peur, tout n’est pas trouble de l’oralité. Est-ce qu’on a une idée des causes de ce trouble ?

A – L’origine de ces troubles n’est pas toujours facile à identifier, parce qu’il y a plusieurs causes qu’on peut repérer. Il peut y avoir des causes médicales ou organiques, les enfants qui ont par exemple des intolérences alimentaires, qui vont avoir des régimes d’exclusion alimentaire très stricts.
Les enfants qui ont un reflux gastro-oesophagien pathologique, c’est sûr que certains enfants vont vite engrammer « je mange, j’ai mal, donc je ne veux plus manger ».
Les enfants qui ont des pathologies organiques, des malformations congénitales par exemple les enfants qui ont des fentes palatines ou des malformations digestives, on sait qu’ils vont avoir pendant un petit moment besoin d’une assistance nutritionnelle, de sondes, qui peuvent entraîner par la suite des difficultés alimentaires.
Ca peut être aussi des enfants qui ont des difficultés oro-motrices, des enfants qui ont du mal à têter, à bien positionner leur langue, leur bouche, qui ont une bouche un peu hypotonique, les lèvres qui tombent un petit peu.

Ca peut être aussi des origines qu’on pourrait appeler psycho-comportementales. Ces enfants qui ont un peu peur de la nouveauté, ou alors qui ont vécu des éléments traumatiques qui ajoutés les uns aux autres avec en plus un terrain un peu fragile peuvent déclancher, ou en tout cas être le terrain de troubles de l’oralité alimentaire.
Ou ces enfants qui ont des fragilités sensorielles, et c’est peut-être ce qu’on peut repérer de façon plus générale dans la population tout venant hors pathologie, ce sont des enfants qui ont du mal à découvrir leur environnement au niveau sensoriel et vont être très vite gênés par les goûts, par les odeurs. Des enfants que les parents vont décrire comme hyper-réactifs, hyper-sensibles à tous les sens.

Donc ces causes sont rarement isolées, et souvent entre-mêlées. C’est ça qui fait la richesse et la complexité de ce travail et de poser un diagnostic. Et du coup, c’est important d’avoir une évaluation très rigoureuse. On a un temps d’anamnèse où on va vraiment échanger avec les parents pour essayer de mieux comprendre l’enfant, son histoire médicale ou alimentaire. Et puis un temps où on va observer l’enfant en dehors du repas sur des petits jeux plutôt sensoriels. Un temps où l’on va observer l’enfant sur un temps de repas. Et puis un temps d’évaluation, où là on va pouvoir essayer d’apporter des gestes facilitateurs ou des choses pour aider l’enfant.

J – Alors, pour rassurer nos auditeurs, dès que l’enfant ne veut pas manger ou que le passage aux morceaux est difficile, ce n’est pas forcément un trouble de l’oralité. C’est quoi la différence entre le côté un peu pathologique et un peu normal ?

A – Alors, effectivement, il y a une phase normale du développement de l’enfant qui s’appelle la néophobie alimentaire. La néophobie alimentaire, c’est une phase par laquelle passent 80% des enfants. Ce sont des enfants qui mangeaient très bien, qui ont pu être diversifiés sans problème, le passage aux morceaux s’est bien passé. Et puis tout d’un coup, ils se disent que les légumes verts par exemple, ils n’aiment pas, ils n’en veulent plus. Ou alors, que tout ce qui est de telle couleur ou de telle texture, ils n’en veulent plus. Donc cette phase-là est complètement normale.

A la différence, dans le trouble de l’oralité alimentaire, dès le début du développement, il y a eu tout de suite des petits grains de sable qui sont venus enrayer les choses.

Voilà, donc c’est la différence. La néophobie, le développement s’est bien passé et à un moment l’enfant ne veut pas. Dans les troubles de l’oralité, c’est l’enfant qui ne peut pas et qui dès le début, manifeste déjà des difficultés.

J – Bon donc ça rassure, parce que s’il fait un petit caprice qu’il ne veut manger que du blanc, ce n’est pas grave, on va essayer de feinter, on va ruser et puis on verra ce que ça donne. Merci pour cet éclaircissement qui va rassurer tout le monde. Donc on a bien compris Audrey Lecoufle, que vous êtes avec nous pour nous parler de ces troubles de l’oralité alimentaire. On vient de voir un peu toutes ses causes et surtout toutes ses manifestations, qui sont finalement multiples, parce que ça ne se limite pas au temps des repas, donc il faut observer et prendre du temps, voir comment l’enfant réagit dans moultes situations. Et puis, à partir de là, un caprice peut-être, ou alors un trouble, si c’est un trouble c’est là depuis longtemps. Ensuite, Audrey va nous donner des conseils un peu plus précis sur ce qu’il y a lieu de faire pour que ça se passe bien si on est en situation un petit peu délicate.

Ce qui m’interpellait, c’est en quoi le travail d’une orthophoniste intervient dans les troubles de l’oralité alimentaire ? Parce qu’on pense aux maths, on pense à tout ça, mais expliquez-nous…

A – Tout à fait, c’est vrai qu’on a plus la représentation de l’orthophoniste autour du langage oral et du langage écrit, mais l’orthophoniste travaille aussi sur tout ce qui concerne la bouche, dans son versant communication et dans son versant alimentation. L’orthophoniste peut être amenée à rencontrer des patients de tous âges, ça peut aller du bébé prématuré pour lequel la coordination « je tête, je déglutis, je respire » est compliquée, à la personne adulte après un AVC ou à la personne âgée en neuro-gériatrie pour réapprendre le plaisir à manger en tout sécurité. Donc on se rend compte que l’alimentation touche tous les âges de la vie et donc que l’orthophoniste est un partenaire à ne pas oublier dans ces aspects alimentaires. Et donc, à l’hôpital, je travaille au CHR de Lille auprès de bébés et de jeunes enfants qui présentent des difficultés alimentaires dans le cadre de pathologies digestives plutôt rares, ce sont des enfants qui sont hospitalisés dans le service soit de façon ponctuelle, soit de façon plus chronique et qu’on essaye d’accompagner autour de l’alimentation pour que ça reste un plaisir et pour qu’ils puissent remanger par la bouche le plus rapidement possible par la suite.

Et donc, la bonne nouvelle pour les orthophonistes, comme on en parlait tout à l’heure, c’est que depuis le 1er avril 2018, on a une vraie reconnaissance de ce domaine dans notre champ de compétences. Et donc les troubles de l’oralité alimentaire font partie de notre nomenclature des actes, et les orthophonistes sont de plus en plus formées, en formation intiale, et en formation continue, à ces difficultés-là, pour mieux accompagner les jeunes patients, et les jeunes parents aussi.

J – On disait aussi en première partie que manger était en lien avec tous les sens. Est-ce que vous pouvez développer un peu ça ?

A – Pour prendre plaisir à manger, on ne s’en rend pas compte parce que c’est un acte qu’on fait de façon pluri-quotidienne, mais pour prendre plaisir à manger, tous nos sens sont sollicités.

La vue par exemple, est l’un des premiers sens sollicités quand on mange, c’est vrai qu’une assiette joliment présentée va donner envie, alors que quand tout est mélangé et n’a pas une jolie couleur, tout de suite ça va moins donner envie, alors que peut-être que l’aliment est très bon. Donc on se rend compte que la vue c’est le premier sens qui va nous donner envie d’aller vers un aliment, ou pas. Donc c’est un sens particulièrement important, sur lequel il faudra être vigilent aussi, présenter une assiette sympa à l’enfant, ça lui donne déjà envie d’aller plus loin.
Les restaurateurs l’ont bien compris, quand dans un restaurant étoilé on vous présente une belle assiette, vous n’y allez pas pour la quantité, mais déjà juste pour le plaisir visuel. Donc la vue est importante.

L’audition est aussi un sens important qu’on oublie souvent un petit peu. Parce que déjà, dans le quotidien de l’enfant, les bruits de la cuisine font partie des bruits de son quotidien. Mélanger dans une casserole, faire chauffer des choses à la poele, mixer, ce sont des sons qui font partie du quotidien de l’enfant et qui le préparent aussi à ce qui va se passer après c’est-à-dire le temps de repas.
Et il y a un autre versant qui est intéressant dans l’audition, c’est que quand on mange, on entend aussi quand on fait du bruit, et notamment quand on mange des aliments qui croustillent. Il y a ce qu’on appelle un feedback auditif. C’est ce qu’on entend quand on mange un biscuit apéritif par exemple qui croustille. Et ce côté croquant, que l’enfant va entendre, est souvent très intéressant pour eux parce que ça leur donne envie de croquer et de mastiquer encore plus. Donc l’audition est importante.

Il y a aussi le sens tactile. Le sens tactile est souvent très développé chez les tous petits, parce que l’enfant, dans son développement, si on lui laisse des choses à disposition, qu’est-ce qu’il fait ? Il va mettre les mains, il écrase, il patouille en y prenant du plaisir, en écrasant les aliments, en les portant en bouche après. Et donc ça lui permet de découvrir avec ses mains ce qu’il va devoir mettre en bouche, et donc d’avoir une connaissance de qu’est-ce qui va se passer dans sa bouche. Par exemple, j’ai un morceau dans la main, quand je l’écrase ça va fondre, ah bah tiens dans ma bouche il va se passer la même chose. Donc cette découverte tactile elle est vraiment importante chez le tout petit, parce que c’est ce qui va lui permettre de découvrir les propriétés de l’aliment. Est-ce que c’est dur ? C’est mou ? Est-ce que je vais devoir le croquer ? Est-ce que c’est chaud ? Donc découvrir vraiment tout le côté sensoriel tactile de l’aliment

J – Donc on peut laisser patouiller les enfants alors ?

A – Oui, tout à fait. Je dis toujours aux parents, dans le respect du cadre éducatif qu’on se pose, mais c’est vraiment important de laisser l’enfant pouvoir découvrir avec ses mains avant de pouvoir mettre en bouche.

Le repas, c’est aussi l’odeur des aliments, l’odeur qui nous donne envie, ou qui ne nous donne pas envie. L’odeur prépare du coup la salivation et donc la digestion.

Et puis, c’est bien sûr le goût. Pouvoir prendre plaisir à découvrir le goût des aliments.

Et il y a deux systèmes sensoriels qui sont un peu moins connus mais qui sont aussi sollicités sur les temps de repas, c’est le système vestibulaire, qui nous permet d’être en équilibre. Par exemple, quand on mange normalement, on est bien assis sur une chaise, bien installé, et c’est ce qui nous permet de manger de façon efficace. Et quand on a un trouble du système vestibulaire, ce sont des enfants qui ont besoin de bouger en permanence, qui ne tiennent pas en place.

Et le système proprioceptif, c’est le système qui nous renseigne en permanence sur notre position dans l’espace, et c’est en lien avec l’installation sur les temps de repas. C’est pour ça qu’on dit toujours, c’est important pour bien manger d’être bien installé. Vous avez peut-être fait l’expérience de manger sur un tabouret de bar avec les pieds ballants dans le vide, les coudes qui ne sont pas en appui, la table qui est un petit peu loin, et bien on profite moins de ce qu’on mange. Donc c’est vrai que l’installation est vraiment très importante pour se libérer de la contrainte de la posture et pouvoir manger de façon agréable.

J – Ok, donc de là, on peut peut-être déjà proposer des conseils aux parents alors ? Qu’est-ce qu’on peut leur donner pour que le temps du repas se passe bien ?

A – Donc, on se rend compte que comme l’oralité est un domaine qui touche énormément d’éléments, il y a beaucoup de pistes qu’on peut proposer. Donc ça peut être déjà, d’être vigilent à tous les sens, c’est-à-dire la vue. Présenter une assiette joliment décorée, sympa, qui donne envie. Présenter des petites quantités, parce que c’est toujours plus encourageant d’avoir une petite quantité et de finir plutôt qu’une grosse quantité où on va manger une cuillère et ça ne se verra pas dans la masse. Donc des petits quantités.

On dit toujours « inciter sans forcer », donc c’est à dire proposer à l’enfant. Plus on lui propose, plus on a une chance pour que l’aliment fasse partie de son panel alimentaire, mais sans forcer parce que ce n’est pas ça qui va aider l’enfant à manger. Dans les troubles de l’oralité alimentaire, ce n’est pas qu’il ne veut pas, mais c’est qu’il ne peut pas le faire. Donc on essaye d’accompagner mais sans être dans du forçage.

Donc ça peut être essayer de l’intéresser à de nouveaux aliments, en lui proposant d’abord de les découvrir avec ses mains, de les sentir, de les porter à la bouche, tout ça de façon ludique pour amener l’enfant à s’y intéresser.

Ca peut être aussi lui proposer des temps où il mange avec d’autres enfants, parce qu’on sait à quel point c’est important l’imitation avec les tous petits, pour qu’il puisse regarder comment font les autres, regarder comment font papa et maman. Donc tout ça, ça va être des choses importantes, et après, je pense que s’il y a des parents qui sont inquiets sur l’alimentation de leur enfant, ça peut être intéressant de proposer un bilan pour s’assurer qu’il s’agit du développement normal ou de troubles et faire la part des choses entre les deux, pour ne pas inquiéter à l’excès et pour accompagner les enfants de façon précoce.

J – Donc là, on peut faire un bilan en libéral chez une orthophoniste qui a été formée à ça ? Toutes les orthophonistes ne sont pas forcément formées à ça ?

A – Depuis la réforme des études, depuis 5 ans, ça fait partie de la formation initiale des orthophonistes, avec un module de 90 heures sur l’oralité alimentaire, donc nos jeunes collègues seront formées.

J – Donc ça commence à venir, très bien. Et vous disiez tout à l’heure dans la première partie qu’il fallait aussi être vigilent de tout ce qui se passe en amont du repas. En amont ou en aval, mais dans la vie de tous les jours.

A – Tout à fait. Les petits pistes de prévention qu’on pourrait c’est de proposer aux tous petits des petits jeux à porter en bouche, des petits hochets de dentition, des choses qui ont des textures variées, qu’ils vont pouvoir mettre en bouche, pour découvrir leur bouche avec plaisir. Et ça a un lien du coup, indirectement, avec l’alimentation. Plus on va porter en bouche des choses avec des textures variées, plus notre bouche va accepter après d’avoir des petits morceaux, des choses un peu variées. Donc cette découverte-là aussi est importante. En dehors des temps de repas, c’est laisser l’enfant pouvoir découvrir aussi par des activités sensorielles.

Et puis, il y a aussi tout le travail oro-moteur qu’on va mener pour ces enfants, c’est-à-dire leur montrer que leur bouche elle peut aussi faire des mouvements, claquer la langue, gonfler les jours, apprendre à mastiquer sur des outils de mastication, pour travailler aussi cette motricité-là et que ces enfants puissent s’en servir après pour mastiquer.

J – D’accord, très très intéressant tout ça. En préparent l’émission, vous me disiez que vous organisez des ateliers pour présenter un peu toutes ces choses-là, avec une association, expliquez-nous un petit peu ?

A – A l’hôpital, on organise une fois par mois des ateliers pour les enfants qui sont passés par le service hospitalier, qui ont un suivi en libéral, et pour lesquels l’orthophoniste nous sollicite pour proposer un groupe. Parce qu’on sait à quel point le groupe est thérapeutique. Et donc on mène trois ateliers, un pour les enfants entre 1 et 3 ans, un pour les 3-6 ans et un pour les plus de 6 ans, où on va leur proposer une recette de cuisine, avec des choses à sentir, à toucher, à goûter, et chacun fait comme il peut dans le respect de ses compétences. L’objectif c’est d’être là, de regarder, de participer à hauteur de ce qu’on peut faire.

J – D’accord. Puis vous me présentiez aussi des brochures d’une association, expliquez-nous ?

A – Le groupe miam-miam est un groupe de réflexion et de sensibilisation autour des troubles de l’oralité alimentaire parents-soignants. On a une antenne nationale et des antennes régionales, et on essaye de transmettre, d’informer et de sensibiliser les professionnels et les parents aux troubles de l’oralité alimentaire, parce que les parents sont partenaires principaux à accompagner, parce que ce sont eux qui sont au quotidien avec leur enfant, et donc l’objectif c’est que ça se passe bien avec eux. Donc ce sont vraiment les partenaires privilégiés de tout notre travail auprès de l’enfant.

J – Alors, qu’est-ce que vous nous proposez dans cette association du groupe miam-miam ?

A – Alors, dans cette association on organise dans la région des Hauts-de-France une fois par an minimum une soirée d’information et de sensibilisation, et on est amenés aussi à créer du matériel, à créer des fiches, des outils, des guides pratiques, que vous pouvez retrouver en téléchargement sur le site web du groupe miam-miam, pour sensibiliser, pour informer, pour faire connaître, et pour donner aussi des pistes pour accompagner de façon la plus ajustée possible.

J – Et je les ai vues ces fiches, elles sont très bien faites ! Donc je vous invite vraiment à aller voir, l’association groupe miam-miam.

Donc je pense que nos auditeurs ont des bonnes pistes pour que les repas se passent bien. Donc si on devait conclure, qu’est-ce que vous pourriez dire Audrey pour conclure nos propos ?

A – Ce qui est important, c’est de pouvoir faire la part des choses entre le développement ordinaire de l’enfant, qui parfois va vouloir ne pas manger telle ou telle chose et c’est normal, ça fait partie de son développement normal, et puis ce qu’on appelle les troubles de l’oralité, où là il y a besoin d’un soin et d’une prise en charge.

Et donc c’est vraiment proposer sans forcer, et si les parents sont inquiets, s’il y a une inquiétude autour de l’alimentation, je pense que ça vaut toujours le coup d’en parler au pédiatre, qui est quand même le professionnel en première ligne, qui pourra par la suite adresser à l’orthophoniste s’il le sent, pour accompagner les parents de façon la plus ajustée possible.

J – D’accord. Alors j’ai envie de dire aussi, pour prépararer les repas, il faut s’y prendre en amont, préparation du repas avec l’enfant, lui faire toucher…

A – Oui, bien sûr, si c’est possible, l’activité de faire la cuisine avec l’enfant est l’activité la plus adaptée pour qu’il puisse avoir toute cette préparation en amont. L’odeur, le goût, la vue, le toucher. Et puis prendre plaisir avec ses parents aussi autour de cette activité.

J – Donc c’est vraiment important, me semble-t-il, que tout se passe dans les bonnes conditions, que les parents soient détendus aussi à ce moment-là ?

A – Oui, c’est souvent plus facile à dire qu’à faire, mais effectivement c’est important qu’il puisse se passer des choses, des intéractions sympathiques autour du repas pour détendre l’atmosphère et pour que le repas puisse après se passer dans les meilleures conditions possibles.

J – Je vous remercie vraiment Audrey de tous ces bons conseils

 

 

Mille merci à RCF radio et à l’émission Vies de famille pour cette interview pleine de bons conseils et surtout de bonnes explications sur ce qu’est le trouble de l’oralité alimentaire !

A partager sans modération autour de vous !

Comprendre

Non, ce n’est pas un caprice

caprice
nom masculin
(italien capriccio, frisson, puis désir soudain)

Volonté soudaine, irréfléchie et changeante de quelqu’un ; lubie

Voici la définition du Larousse, et L’internaute nous dit peu ou prou la même chose :

caprice , nom masculin

Désir, volonté subite, irréfléchie et passagère.

 

[Attention, ce que je vous dis là est mon point de vue de jeune adulte, les nuances sont bien moindres chez les enfants, je vous l’accorde]

 

Premier point déjà : passager, soudain, changeant.

Un blocage qui apparaît peu avant les deux ans, et qui perdure dans l’enfance, l’adolescence, puis l’âge adulte, ne me semble pas très passager…

 

Mais ce sur quoi je veux surtout attirer l’attention, c’est cette notion de désir, de volonté.

J’ai commencé à avoir envie de goûter la pizza, j’avais 16 ou 17 ans. J’ai réussi à goûter la pizza pour la première fois j’avais 24 ans.

Je n’avais pas de désir ou de volonté de ne pas manger, mais bien au contraire, une ambivalence entre cette envie de manger venant de mon esprit, et du refus catégorique de mon corps d’effectuer le geste de mettre un morceau de pizza dans ma bouche. J’avais bien un désir, mais c’était celui de pouvoir manger, et non pas de ne pas manger.

 

Comprendre

Sophie nous parle de ses lectures sur la néophobie

Sophie-Charlotte est maman d’un néophobe de 5 ans et demi, et elle a lu cet été deux livres parlant de la néophobie, qui l’ont aidée à comprendre ce que vit son fils au quotidien. Elle a accepté de répondre à mes questions pour nous parler de ces deux bouquins qui pourront sûrement vous intéresser aussi.

 

 

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Bonjour Sophie-Charlotte, merci d’avoir accepté de contribuer au blog.

Tu m’as dit avoir lu récemment deux livres à propos de la néophobie. Que cherchais-tu comme réponses en commandant ces livres ?

 

De lectures en lectures sur ton blog, j’ai compris que mon fils n’était pas du tout un cas isolé et que je n’étais pas non plus la seule maman désemparée devant une telle situation dont les médecins n’ont que faire et qui finalement ne gêne que nous, jusqu’à un certain point…. En grandissant, Nicho devra surmonter son blocage, pour faire comme les autres, être moins dépendant de telle ou telle marque de yaourt….

Et puis, il y avait toujours cette incompréhension entre lui et moi, et lui et son père. Pourquoi ne mange-t-il pas comme nous ? Préparer 1 repas pour lui, 1 pour le petit-frère et 3 autres pour les autres ça commence à agacer malgré tout. Quand dans le frigo il n’y a plus de desserts comme il faut, c’est le drame, les pleurs, la crise….

Alors quand je suis tombée sur des articles en anglais parlant de livre dédiée au SED et écrits par des anglais, je me suis dit que c’était l’occasion de me pencher sur la question pour avoir les bons mots (en anglais) pour que mon mari prenne aussi conscience de la réalité. Je voulais comprendre de quoi il s’agissait, pourquoi et comment ça pouvait arriver, comment faire pour l’aider…. Je voulais des solutions pour lui, pour nous, je voulais qu’il devienne « normal »

 

 

Pourquoi as-tu choisi ces livres là plutôt que d’autres ?

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Can I tell you about Eating Disorders ? par Bryan Lask

 

Le premier est écrit pour des ados : ce sont des ados mis en scène qui racontent leurs différents rapports avec l’alimentation. Je me suis dit que le point de vue était intéressant et fait pour aider les enfants à se comprendre et à se faire comprendre quelque soit leur régime.

Je me suis aperçue que l’auteur avait aussi écrit un livre pour les «  grands » : un guide pour les parents. Mon mari, à ma grande surprise, m’a dit de l’acheter pour qu’on en sache plus. J’ai eu la chance que cet auteur soit londonien et que cela inspire confiance à mon mari de par ses origines britanniques.

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Eating Disorders, A parent’s guide

 

 

Il y a plusieurs personnes non anglophones parmi nos lecteurs, qui ne pourront malheureusement pas lire ces deux livres puisque la traduction française n’est pas disponible. Peux-tu nous dire rapidement ce que tu as retenu de tes lectures, ce qu’elles t’ont apporté ?

 

Le premier livre m’a permis de comprendre que le problème de mon fils était une vraie pathologie, pas juste une phase, pas un caprice, pas un trait de caractère pourri. C’était une réalité qui avait valu le coup d’en parler dans un livre au même titre que la boulimie et l’anorexie, et là je me suis dit que c’était sérieux voire grave….

Le second livre m’a rassurée, car de toutes les formes de troubles de l’alimentation, l’alimentation sélective (SED) était peut-être la « moins pire ». Elle n’engendrait pas de dommages physiques irréversibles, l’alimentation bien que sélective restait toujours équilibrée, que ces enfants ne manquaient de rien et que tout s’arrangeait souvent avec l’adolescence (ce qui n’est peut-être pas si certain…)

Mais ce qui m’a aussi intéressée et intriguée, c’est que finalement cette alimentation sélective n’était peut-être que la face visible de l’iceberg. Nicho est très émotif, il pleure beaucoup, a peu confiance en lui et a aussi tous ses sens en éveil : il sent et voit beaucoup de chose avant nous. Il n’aime pas le bruit, aime son lit, n’aime pas l’eau froide qui coule dans le bain, toutes ces choses bizarres qui le rende un peu spécial prenait alors du sens : elle formaient un tout. Et il n’était pas le seul dans ce cas-là, alors il n’était pas si différent si d’autres aussi réagissaient de la sorte.

J’ai compris qu’il fallait être patient, ne pas le forcer, ne jamais le forcer. J’ai compris que ce n’était pas ma faute et que seul lui pouvait décider de s’aider mais que son corps et son inconscient pouvaient l’en empêcher. J’ai compris qu’on ne maitrisait pas son corps et sa tête, j’ai compris qu’il y a des phobies qu’on ne traite pas toujours.

S’en est suivi une période de doutes et d’inquiétudes encore plus grande, moi qui avait laissé tomber, j’avais repris espoir en trouvant ses lectures … Mais en refocalisant sur son problème, je rendais de nouveau la situation difficile, il réduisait à nouveau son champs d’aliments. J’ai dû lâcher prise malgré moi, et depuis ça va doucement mieux….

 

 

Encore merci à Sophie pour ses réponses !

 

Et vous, des livres qui vous ont aidé que vous souhaitez nous partager ?

N’hésitez pas à m’écrire pour me partager vos lectures, ou vos témoignages !

Comprendre

Hypersensible ?

Il semblerait que néophobie et hypensibilité soient liés, c’est le cas pour ma part mais il n’en est pas forcément de même pour tous les néophobes apparemment.

 

J’ai pour ma part rencontré une orthophoniste, formée pour détecter et soigner une hypersensibilité (dysoralité sensorielle, sachez que c’est quelque chose d’assez nouveau et toutes les orthophonistes ne sont pas forcément formées pour cela), puis j’ai d’autre part rempli un test pour évaluer ma sensibilité (que malheureusement je ne peux publier sur le blog pour des raisons de droits). Ne pouvant vous retranscrire mot pour mot ni l’un ni l’autre de ces deux tests, je peux tout de même recenser les questions redondantes, les thèmes abordés dans les deux cas, les choses que l’on retrouve également dans les articles traitant d’hypersensibilité.

 

On parle beaucoup de ce genre de problème pour les enfants handicapés, on les soulève moins dans d’autres cas. Si beaucoup de ces comportements peuvent faire penser à des réactions d’un enfant autiste par exemple, ce n’est pas sans raison car souvent ces enfants sont confrontés à ce genre de problèmes. Mais jusqu’alors, si ce genre de diagnostic est souvent donné à des enfants handicapés, on ne pense pas forcément à faire évaluer des enfants « normaux » qui présentent ce genre de trouble sans forcément présenter d’autres symptômes.

 

Savoir reconnaître les signes d’une hypersensibilité

L’hypersensibilité n’est pas seulement liée à la nourriture, d’autre signes peuvent aussi être décelés :

  • Sentir des odeurs que les autres personnes ne détectent pas
  • Être très gêné par des odeurs, parfois même jusqu’à en devenir nauséeux
  • Être dérangé par les produits trop fortement parfumés (bougies…)

  • Accepter difficilement le brossage des dents
  • Ne pas aimer se salir les mains
  • Ne pas aimer se laver les mains
  • Ne jamais marcher pieds nus

  • Être gêné par une trop forte luminosité
  • Préférer les ambiances tamiséesÊtre très sensible aux températures (nourriture, eau pour le lavage des mains par exemple)Avoir du mal à mélanger les aliments, en particulier les textures (yaourts avec morceaux, sauces dans les plats…)Sursauter facilement quand il y a des bruits forts (aspirateur, claquement de portes…)Souvent demander à baisser le volume, écouter la musique/la télé avec un volume très bas

 

Si ces phrases vous correspondent ou correspondent à votre enfant, alors votre problème n’est peut-être pas seulement de l’ordre d’un blocage alimentaire, il peut être dû à une hypersensibilité. Consulter un orthophoniste (encore une fois j’insiste, mais il est important de trouver un orthophoniste formé à ce sujet sinon cela pourra ne rien donner) pour faire un bilan de dysoralité pourrait alors être conseillé.

 

 

 

Je tiens à rappeler que je n’ai aucune qualification médicale sur le sujet et tout ceci est basé sur ma propre expérience, de mon point de vue de ‘malade’ et n’a absolument aucune valeur professionnelle ni médicale. C’est pour cela que j’utilise beaucoup le conditionnel et ne propose que des pistes qui pourraient j’espère vous aider.

 

Source image : TopSanté

Comprendre

Syndrome de dysoralité sensorielle

L’hypersélectivité alimentaire, quand on est petit c’est un caprice, et quand on est grand c’est psy.

Voilà ce que m’a dit mon orthophoniste aujourd’hui. Selon elle, ce n’est pas psy, c’est physiologique. Une nouvelle piste toute neuve et très intéressante qui pourrait expliquer pas mal de choses…

Et si ce n’était pas psychologique, finalement ?

C’est une piste à laquelle j’avais pensé sans pourtant trouver les mots — ou les maux — à mettre dessus. Une très forte sensibilité aux odeurs, aux goûts, aux textures. Je suis capable de détecter le moindre grain de poivre alors que ma famille ne le sent même pas. Les américains parlent de super tasters. Des techniques obscures où il faut compter le nombre de papilles sur la langue permettraient même de déterminer si on est un super taster ou non. Un bref coup d’oeil à ma langue dans le miroir a suffi pour me dissuader de me lancer le comptage de mes papilles gustatives. Ne sachant pas du tout vers qui me tourner pour savoir si oui ou non j’avais une sensibilité gustative surdéveloppée, j’avais donc mis cette hypothèse de côté.

Puis il y a quelques semaines, une maman du groupe francophone, Alexandra, nous a parlé du syndrome de dysoralité sensorielle.

La dysoralité est une hypersensibilité sensorielle, surtout au niveau du goût et des odeurs. Les américains parlent de SPD, Sensory Processing Disorder (qui en français donnerait trouble d’intégration sensorielle (TIS) ou dysfonctionnement sensoriel). J’avais déjà vu plusieurs mamans des forums anglophones le mentionner. Je n’avais donc jamais cherché plus que ça ce qu’était le SPD. C’est Marie (l’expat aux Etats-Unis dont je vous parlais dans mon précédent article) qui a fait le lien entre la dysoralité et le SPD. Même si quasi personne ne connaît ni n’a entendu parler de ça en France, ce diagnostic a l’air assez commun aux Etats-Unis.

 La dysoralité sensorielle (SDS) est une hyper réactivité génétique des organes du goût et de l’odorat touchant 25% des enfants à développement normal et entre 50 à 80% des enfants ou adultes avec un polyhandicap. Cette dysoralité d’origine sensorielle est très polymorphe et la réaction de l’enfant ou du jeune adulte peut aller d’un simple dégout pour un certain type d’aliment jusqu’à un état d’aversion alimentaire sévère pouvant faire croire à une anorexie. Jusqu’à présent il était admis que ces troubles du comportement alimentaire étaient d’origine psychologique et plus précisément reliés à une relation mère/enfant pathologique.

Le SDS concerne 20% de la population en France, m’a dit l’orthophoniste. Bien sûr il y a différents niveaux et chacun le gère à sa manière.

Une sensorialité normale est facteur d’appétit.
Une sensorialité exacerbée va avoir l’effet inverse

 

 

 

Les symptômes

Un réflexe hyper nauséeux (des hauts le cœur tout le temps et pour tout), un odorat surdéveloppé, des difficultés même pour le brossage des dents, une alimentation très sélective composée d’aliments qui ne se mâchent pas ou très peu.

1300440111-19566Les symptômes tels que manque d’appétit, refus des nouveautés, sélectivité alimentaires, nausées, vomissements et problèmes de comportements aux repas, débutent dès la 1ère année de vie, majoritairement à la période où les mères commencent à diversifier l’alimentation. Certains facteurs associés vont aggraver les troubles de l’alimentation tels que des facteurs organiques ou psychosociaux comme les allergies, les intolérances alimentaires, le Reflux Gastro Oesophagien (RGO), la constipation ou les problèmes relationnels. Ces facteurs vont influer sur l’appétit de l’enfant mais n’en sont pas la cause première pour Mme Senez.

 

 

 

Ce sont les orthophonistes qui traitent le SDS. Certains proposent des massages buccaux de désensibilisation, d’autres proposent un processus d’habituation aux nouveaux aliments par le toucher.

 

Source des citations :
Catherine Senez – Le syndrome de dysoralité sensorielle
Synthèse sur les troubles de l’oralité chez les enfants

Source image : GEM

Comprendre

L’ARFID, qu’est-ce que c’est ?

Je vous en parlais il y a quelques jours, un nouveau trouble alimentaire a été ajouté au DSM-V. Le DSM est un livre de référence des maladies mentales, publié aux États-Unis par l’Association Américaine de Psychiatrie. Le DSM-IV, précédente version, avait été publié en 1994, et la dernière version en date, la Ve donc, est parue en mai dernier.

Pour nous, qu’est-ce que ça change ?

Jusqu’à la version précédente, il y avait dans la catégorie des troubles alimentaires l’anorexie mentale, la boulimie, ainsi que deux autres troubles alimentaires : « Autres troubles alimentaires non spécifiés » (EDNOS, Eating Disorder not Otherwise Specified), et « Trouble de l’alimentation des bébés et jeunes enfants » (Feeding disorder of Infancy and Early Childhood).

La phobie alimentaire aurait pu/dû rentrer dans cette seconde appellation, mais les nombreuses limites fixées par la définition de cette dernière en a fait un trouble très peu diagnostiqué, voire carrément inusité.

Avec la publication du DSM-V, une définition revisitée d’un ancien trouble alimentaire a vu le jour. Le trouble de l’alimentation sélective et évitante  (ARFID, Avoidant Restrictive Food Intake Disorder) a remplacé le Trouble de l’alimentation chez le bébé et jeune enfant, qui était défini dans le DSM-IV.

La nouvelle catégorie ARFID a pour but de regrouper toutes les caractéristiques qui avaient été définies dans le DSM-IV, et d’y ajouter d’autres troubles alimentaires qui ne sont pas définies dans le DSM-IV, et qui devaient donc jusque là être attribués du diagnostic de « Autres troubles alimentaires non spécifiés » (EDNOS, Eating Disorder Not Otherwise Specified). Le premier élément crucial dans la définition de l’ARFID par le DSM-V est un trouble persistant de l’alimentation qui mène à des conséquences médicales significatives, telles que la perte de poids, une croissance insuffisante, des carences nutritionnelles significatives, la dépendance à une sonde naso-gastrique d’alimentation ou à des compléments alimentaires pour maintenir un apport suffisant, et/ou un rapport psychosocial altéré, tels qu’une inaptitude à manger avec d’autres personnes.

[…] Le diagnostic de l’ARFID ne devrait pas être donné si les problèmes d’alimentation sont dûs à un manque de nourriture disponible, ou une pratique culturelle (jeun religieux), ou si la problème a un rapport irrationnel avec son image corporelle ou son poids (comme avec l’anorexie mentale et la boulimie), ou si le problème est expliqué par une condition médicale ou maladie mentale.

L’ARFID a été développé pour pouvoir identifier des individus présentant des problèmes significatifs d’alimentation restrictive […] : capacité à s’alimenter altérée, difficulté à digérer ou avaler des liquides ou de la nourriture solide, refus de manger dû à un dégoût de certaines caractéristiques sensorielles de la nourriture, et plus généralement un manque d’intérêt général face à la nourriture. Toutes ces spécificités, précédemment classifiées sous l’appellation Trouble de l’alimentation chez le bébé et jeune enfant, sont désormais classifiées sous l’appellation ARFID, ainsi que le sont d’autres qui jusque là étaient classés dans les « Autres troubles alimentaires » (EDNOS) :

Apport inadéquat dû à une restriction du nombre d’aliments mangés, ou un apport restreint du nombre de calories ingérées, qui ne mènent pas à une perte de poids significative ou une courbe de croissance cassée. Les individus avec ce problème peuvent éviter des aliments à cause de certaines qualités sensorielles – telles que les textures, couleurs, goûts ou température. Par exemple, un enfant qui ne mangerait que des aliments qu’il n’a pas besoin de mâcher, et qui donc a de grandes difficultés à consommer un nombre d’aliments suffisant pour supporter une croissance et un développement normaux.

Apport réduit de nourriture dû à un choc émotionnel lié à la nourriture, sans que cela ait un rapport avec le poids ou l’image de soi. Cela peut être causé par des relations difficiles entre l’enfant et ses parents, où les repas seraient devenus des moments stressants avec de l’anxiété et des interactions déplaisantes, où les repas seraient sans cesse interrompus.

Réticence à manger suite à événement traumatisant en rapport avec la nourriture. Une personne qui a réduit son alimentation des suites

S’il y avait déjà une appellation qui nous correspondait, pourquoi en changer ?

Il existe de très nombreuses limites à cette maladie et pouvoir poser ce diagnostic relevait presque de l’impossible. Il fallait que cela concerne un enfant de moins de six ans, que sa courbe de poids soit cassée depuis au moins un mois, et qu’aucun autre problème d’ordre digestif ou psychologique n’entre en compte. Une relation difficile avec ses parents pouvait aussi être considéré comme une cause contribuant à créer un stress au temps du repas et donc une raison pour laquelle l’enfant ne serait pas capable de s’alimenter correctement. En plus tout ça, le DSM-IV ajoute qu’un enfant avec des problèmes d’alimentation a probablement une mère sur-protectrice, intrusive, ou trop stimulante en ce qui concerne la nourriture, et que ces dernières présentes souvent des troubles mentaux tels que la dépression ou un trouble alimentaire semblable à celui de leur enfant.

Donc, pour résumer, le DSM-IV disait :

  • Que c’est en général la faute de la mère
  • Que ça passe puisqu’après 6 ans on ne peut plus souffrir de ce trouble
  • Que ça ne peut pas être lié à un autre trouble physiologique ou psychologique car si on a autre chose on ne peut pas avoir ça
  • Et que si on grossit normalement on n’a aucun problème alimentaire.

Effectivement, difficile de réunir toutes les conditions…

Dans le DSM-V, la nouvelle appellation ARFID, qui remplace la précédente définie ci-dessus, élargit donc un peu plus le diagnostic. Un évitement ou une restriction significative du régime alimentaire fait désormais partie des symptômes de ce trouble, ainsi que le fait qu’ils puissent, ou non, être associés à d’autres conditions médicales associées.

Le but du DSM est également de proposer et d’harmoniser les traitements connu, reconnus, possibles, efficaces pour les maladies qui y sont recensées. Avec l’ajout de l’ARFID au DSM V, c’est un espoir de voir les études sur le sujet se développer, et surtout de voir se « démocratiser » les traitements qui donnent de bons résultats pour soigner l’ARFID.

L’université de Duke, aux Etats-Unis, a été la première à lancer une enquête de grande envergure sur Internet, et a aujourd’hui ouvert un centre spécialisé dans le traitement des personnes atteintes du SED (Selective Eating Disorder, trouble de l’alimentation sélective). C’est ce genre d’infrastructures que nous espérons voir se généraliser avec l’ajout de l’ARFID au DSM-V.

Comprendre

Néophobie et troubles alimentaires

Un article du site Eating Disorder treatment, trouvé par hasard, qui soulève quelques points intéressants. il est en anglais, comme toujours, en voici donc la traduction :

Si vous pensez que les troubles alimentaires se limitent à l’anorexie et la boulimie, il y en a un autre à ajouter à la liste : la néophobie. Alors qu’on considère ceux qui en souffrent comme simplement difficiles en général, la néophobie ou trouble du comportement alimentaire sélectif se caractérise par une hyper-sélectivité des aliments par la personne qui en souffre. Les textures et odeurs peuvent les empêcher de manger certains aliments, et cette sélectivité peut être si importante que les personnes ne consomment pas assez de calories et nutriments, et peuvent arriver au point de mourir de faim. Des recherches sont faites à la fois l’Université de Duke et à l’Université de Pittsburgh, toutes deux situées aux États Unis. Les résultats montrent que le fait d’être difficile à propos de la nourriture ne passe pas toujours en grandissant. La néophobie est bien plus grave que de simplement ne pas aimer un ou deux aliments. Cela peut aller jusqu’au point d’avoir une liste d’aliments acceptés tellement réduite que ça interfère avec la vie quotidienne. Comme d’autres troubles de l’alimentation, la néophobie peut causer un stress déteignant sur les relations familiales, la vie sociale, la vie professionnelle et plus encore. Les médecins commencent à remarquer des points communs entre les personnes atteinte de sélectivité alimentaire et les anorexiques. Sur le long terme, les individus peuvent souffrir de problèmes osseux ou cardiaques car ils ne consomment pas les nutriments dont leurs corps ont besoin pour fonctionner de manière saine. Le trouble de l’alimentation sélective est de plus en plus connu, et l’Association Américaine de Psychiatrie (American Psychiatric Association) envisage déjà l’inclure dans la mise à jour de leur Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), qui est une référence pour les médecins qui traitent les troubles de l’alimentation. L’ajout de la néophobie au DSM permettra non seulement de rendre la maladie plus facilement identifiable, mais cela permettra également de mettre davantage l’accent sur la recherche pour le traitement et la prévention. L’une des théories sur le sujet  soulève la possibilité de racines communes entre le trouble de l’alimentation sélective et les troubles obsessionnel-compulsif ou l’autisme, partant du constat que des caractéristiques telles que l’aversion pour l’odeur et la texture des aliments sont présentes dans tous ces troubles. Le traitement du trouble de l’alimentation sélective comprend l’intégration progressive de nouveaux aliments dans le régime alimentaire d’un patient et de les aider à surmonter leur embarras sur leurs préférences alimentaires face à leurs amis et leur famille.
Dr Jonhatan Rader, 10 avril 2012

Depuis la date de parution de l’article, la néophobie a en effet été rajoutée au DSM-V, qui a été publié mi-mai dernier. Ce trouble est référencé sous le terme un peu barbare d’ARFID, qui signifie trouble de l’alimentation sélective et évitante  (Avoidant Restrictive Food Intake Disorder). Un article assez détaillé a été consacré à cet ajout sur Eating Disorder Review, toujours en anglais. Je vous traduirai donc dans un prochain article.

Comprendre

L’alimentation sélective chez les enfants

Je trouve de plus en plus d’articles sur le sujet, dont l’écrasante majorité est malheureusement en anglais. Je sais que certains d’entre vous ne parlent pas bien anglais, je me permets donc de traduire ces articles. J’en ai plusieurs sous le coude, je vais essayer de prendre le temps de les traduire dans les jours qui viennent..

Kartini-Clinic

Cet article a été écrit par Julie O’Toole, et publié le 14 mars 2013 sur le blog de la Clinique Kartini de Portland, spécialisée dans les troubles alimentaires.

Il y a un trouble alimentaire pédiatrique dont on parle peu, que je n’ai pas encore beaucoup traité sur mon blog, tout comme on en parle assez peu ailleurs, y compris dans les différentes publications du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, un ouvrage de référence publié par la Société américaine de psychiatrie, NDT). En tant que pédiatre généraliste, tout comme d’autres pédiatres, j’ai croisé des cas, mais ce n’est qu’en lisant, il y a quelques années, le livre des Dr Rachel Bryant-Waugh et Dr Bryan Lask, Eating disorders: a parents’ guide, que j’ai pris conscience de ce trouble assez commun, appelé « alimentation sélective ». Depuis, j’ai vu beaucoup de patients de ce type.

Je n’ai connaissance d’aucune étude sur l’étendue de ce trouble, mais mon expérience m’a appris que l’alimentation sélective atteint souvent les garçons, et se retrouve souvent dans une même famille. Et, bien que ce ne soit pas mortel, ni nécessairement accompagné d’autres difficultés psychologiques, ce trouble cause beaucoup d’angoisse chez les parents, et par extension, une grande détresse chez les enfants.

Ok, donc qu’est que l’alimentation sélective ? L’AS est une condition présente depuis la plus tendre enfance, où les enfants mangent une variété très restreinte d’aliments, et refusent tous les autres aliments, bien que leur courbe de croissance soit normale. De tels enfants ne sont pas réceptifs à la persuasion ; ni les menaces, punitions, « bons points », pas plus que devoir rester à table « jusqu’à ce qu’ils finissent leur assiette » n’aide le moins du monde. Les parents de mangeurs sélectifs racontent régulièrement avoir essayé toutes ces choses et plus encore — souvent pour apaiser les grands parents — sans résultat. Ces enfants préfèrent littéralement se laisser mourir de faim plutôt que de manger des aliments en dehors de leurs limites.

Et quelle limite ! Typiquement, leurs aliments favoris sont désignés comme diaboliques, et font que les parents culpabilisent de les offrir à leurs enfants : des Cheetos, du sirop au chocolat dans un type de lait particulier, du beurre de cacahuète, des nuggets de poulet (mais seulement de chez McDonald’s), du pain blanc d’un type particulièrement non nutritif… Principalement des féculents, du sucre, et du gras. Il est rare qu’un tel enfant mange n’importe quel type de pain ou de beurre de cacahuète – non, il faut qu’il vienne de tel endroit, et il ne peut pas être modifié ni amélioré de quelque manière que ce soit. Pouvez-vous imaginer à quel point cela peut être frustrant pour les parents ? Ils voient leur pédiatre, qui leurs disent que leur enfant est normal et que ça va passer en grandissant.

Il est normal, oui, mais cela ne va vraisemblablement pas passer en grandissant. Les mangeurs sélectifs peuvent faire une « overdose » de certains aliments qu’ils préféraient auparavant, et trouver de nouveaux substituts (aussi appétissants), mais généralement, ils entrent dans l’âge adulte en étant capable de manger une très mince variété d’aliments, deviennent ce mari (ou moins souvent, cette femme) qui ne mange que « des trucs blancs, natures, et pas cuisinés » — pas de légumes verts, seulement du maïs, pas de fruits, etc. Et ils vont parfaitement bien. J’insiste sur le bien. Warren Buffet est un mangeur sélectif connu, et il a plus que réussi, merci beaucoup.

L’écrasante majorité des mangeurs sélectifs ne consultent jamais de médecins spécialistes des les troubles alimentaires chez l’enfant tels que moi, mais quelques uns le font. L’information essentielle concernant de tels enfants se trouve dans leur courbe de croissance. Si elle est normale, alors il n’y a simplement pas de problème. Dieu seul sait pourquoi ces enfants sont capables de grandir en si bonne santé et devenir si intelligent seulement avec des Cheetos, du lait chocolaté et des nuggets de poulet, mais ils y arrivent. Je n’ai aucun souvenir d’avoir rencontré un mangeur sélectif obèse ou même en surpoids, et sous réserve qu’ils ne soient pas persécutés dans un sentiment d’infériorité et de « mauvais comportement » à cause de leurs habitudes alimentaires, ils sont par ailleurs de beaux enfants, peut-être un peu néophobes (peur du changement et des nouvelles choses) en général, mais certainement pas des malades mentaux.

Mais la détresse des parents est réelle. Il est profondément établi de se sentir mal si nous ne pouvons pas nourrir correctement nos enfants. Les mères en particulier doivent supporter les piques des donneurs de conseils bien intentionnés : « confisque son iPad jusqu’à ce qu’il mange quelque chose de bon pour lui », ou « interdis-lui de sortir de table, elle mangera quand elle aura assez faim ». Oh non, elle ne mangera pas. Vraiment pas. Et ce n’est pas un échec en tant que parent ni un manque d’attention. Donc, l’une des première choses que je fais quand je reçois un enfant comme ça et voit sa courbe de croissance presque invariablement normale, est de complimenter les parents sur le bon boulot qu’ils ont fait à prendre soin de leur enfant. Et ils ont vraiment fait du bon boulot.

Au risque d’être trop visuelle, je me dois de poser une question à ceux qui croient que de tels enfants peuvent diversifier leur alimentation s’ils le devaient vraiment : qu’est ce qu’il faudrait pour vous convaincre de manger de la crotte de chien ? Vous voyez ce que je veux dire ? Si on vous forçait, vous auriez sûrement des haut-le-cœur et vomiriez probablement — exactement la même réaction qu’auraient la plupart de ces enfants si on leur présentait un aliment en dehors de leurs limites. Quelle est la probabilité que vous changiez d’avis à propos de ce plat gastronomique, peu importe qui d’autre le mange et trouve que c’est bon pour la santé. Ayez pitié de ces enfants dont le cerveau est programmé pour rejeter ce que nous trouvons normal de manger. Si leur croissance est normale, nous sommes tirés d’affaire. Libérez les parents de ce sentiment d’échec, complimentez-le sur le bon boulot qu’ils ont fait pour élever un enfant qui grandit bien, et laissez leur enfant se préoccuper des seules vraies tâches de l’enfance : s’amuser, apprendre de nouvelles choses, se faire des amis et trouver leur place dans le monde.

Il est bien connu — et probablement ironique, prononcé par un médecin spécialiste des troubles alimentaires — que l’homme ne vit pas seulement de pain.

Merci beaucoup à Vicky du groupe Facebook Selective eating disorder pour avoir partagé cet article !

Comprendre

Le juste milieu ?

Ce message est tout particulièrement adressé aux mamans de néophobes. Je m’excuse d’avance si je vous froisse ou si vous le prenez mal, croyez moi bien, ce n’est pas mon intention et je dis tout ça simplement dans le but de vous aider.

Je me demande souvent où se situe la frontière. Comment savoir si l’on fait tout ce qui est en notre pouvoir pour aider son enfant, ou si à trop vouloir l’aider on ne pousse pas un peu trop loin.

J’ai lu récemment un témoignage disant qu’un néophobe d’ une dizaine d’années a trop mal vécu le voyage scolaire l’an dernier, et y a donc renoncé cette année. Cela m’amène à me poser une question.
Votre rôle en tant que mère aujourd’hui, de fils d’une dizaine d’années, est-il de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour qu’il guérisse et qu’il puisse un jour, après un combat long et sûrement douloureux, réussir à manger comme tout le monde, ou de tout faire pour qu’il soit heureux ? Je ne doute pas que vous souhaitiez que vos fils soient heureux, mais j’ai peur que vous ne preniez peut être pas le bon chemin pour y parvenir.

Je sais que pour une mère, la santé, la croissance, l’équilibre alimentaire sont très importants. Pour un enfant de neuf ans, ce ne sont pas les priorités, loin de là. Pour lui, la vie sociale commence à prendre le dessus sur tout le reste (et cela ne va pas aller en s’améliorant dans les années à venir), et nous savons tous la place qu’occupe les repas au sein de cette vie sociale. L’important aujourd’hui, n’est-ce pas de l’aider à se construire autour de cette vie sociale, sans laisser son problème avec la nourriture gâcher tout ça ? Je ne dis pas que ce sera facile tout les jours, ni que ce sera gagné d’avance, je dis simplement que à ce stade de la vie de vos enfants, c’est peut être un combat qui mérite toute votre attention, plus que d’essayer de les faire manger de tout. Ils ont bien grandi jusqu’ici, le corps humain à une extraordinaire capacité d’adaptation et nous en sommes tous la preuve ici, alors ils continueront sûrement de grandir aussi bien pendant quelques années encore. Mais ils arrivent dans une période de leur vie où ils vont construire bien plus.

Si le dernier voyage scolaire à été un fiasco, alors il faut en tirer des leçons et apprendre au se débrouiller différemment pour le suivant. Il ne faut pas les priver de tous ces moments simplement car ils ne mangent pas comme tout le monde. La vie sociale est trop importante pour s’en isoler à cause d’une différence.

Le premier voyage sans mes parents, je n’ai quasiment rien avalé, et toute ma famille m’a appelé « le petit monstre » pendant près de 20 ans à cause de ce fameux week-end. Mon premier voyage scolaire, je suis partie avec plus de paquets de chips que d’habits dans ma valise. Le suivant, j’ai fait cuire des pâtes en oubliant de faire bouillir l’eau d’abord. Mais j’ai appris de mes erreurs, ma mère a appris de nos erreurs. On a appris à se débrouiller comme on pouvait. Je ne suis plus jamais partie avec une valise sans provisions, j’ai appris très tôt les rudiments de la cuisine de base. Mais j’ai fait tous les voyages scolaires, du CE1 à la première, et je suis même partie en colo. Et je garde de chacun de ces voyages des souvenirs extraordinaires.

C’est pour tous ces souvenirs qui me sont si chers que je me permets aujourd’hui de bousculer un peu vos cœurs de mamans et de vous dire de faire attention, de ne pas passer à côté de l’essentiel. Ne laissez pas cette maladie prendre toute la place et se transformer en phobie sociale. Peu importe s’il ne goûte rien pendant des mois, ou s’il ne mange pas de viande ou de légumes. L’important est qu’il mange à sa faim, et surtout qu’il soit heureux, qu’il réussisse à accepter cette différence afin de pouvoir vivre sa vie de la manière la plus normale possible. Car on a beau dire, être normal, à cet âge là, c’est un peu tout ce qui compte..

Certains pensent que c’est bien de vouloir tout faire pour aider son enfant, surtout maintenant qu’on trouve davantage d’informations grâce à internet. J’ai juste peur que ce surplus d’informations ne pousse les parents vers un entêtement qui ne ferait pas forcément que du bien à l’enfant. Quand je lis tous ces parents qui trainent leurs enfants de spécialiste en spécialiste, de thérapie en clinique spécialisée, et le tout sans résultat ou si peu, j’ai peur que les enfants ne retiennent que cet interminable combat de leur enfance, et que cette triste épopée ne prenne le dessus sur tous les souvenirs d’enfance si simples mais pourtant irremplaçables.
Je sais que mon expérience ne prévaut pas comme règle générale, que chaque famille a son propre ressenti face à tout ça, mais je ressentais quand même le besoin de tirer ce message d’alerte suite à ces nombreux témoignages que j’ai pu lire ces derniers temps, et qui je l’avoue m’inquiètent un peu…

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Une phobie comme les autres ?

La question était de savoir combien d’entre nous sont complètement honnête avec les gens à propos de leur SED. La personne ayant soulevé ce sujet ne l’est pas, s’en cache le plus possible, mais elle se dit que peut être qu’être plus ouverte à ce sujet pourrait l’aider à mieux le vivre. Parmi les réponses, certains s’en cachent carrément, la plupart évitent le sujet en disant simplement qu’ils n’ont pas faim ou qu’ils ne se sentent pas très bien. Peu sont ceux qui comme moi l’expliquent clairement.

Avec le temps, j’ai réalisé que plus je l’expliquais clairement, moins on m’emmerdait à ce sujet. En prenant les devants, en expliquant le problème avant même que les questions se posent, je trouve qu’il est plus facile d’éviter les questions qui mettent mal à l’aise, les réflexions déplacées, et on peut plus facilement orienter la discussion dans le sens que l’on souhaite. Ainsi, quand la discussion s’oriente vers ce sujet, je dis directement que j’ai une phobie de la bouffe. Je place le mot phobie le plus rapidement possible. Les gens savent ce que c’est, et comprennent plus facilement ce terme, que même le terme néophobie, ou encore moins trouble de l’alimentation sélective… Ils sont toujours un peu dubitatifs : comment peut-on avoir peur de la nourriture alors que 1/ c’est inoffensif, et 2/ c’est vital pour la survie de l’homme.

Les phobies des souris, des araignées, de la foule, sont des peurs souvent évoquées, et assimilées par tous comme des raisons « valables » à une phobie. Alors que bien souvent, les personnes souffrant de ces phobies n’ont même jamais été confrontées à un événement traumatisant impliquant l’un de ces éléments (pour la foule peut être un peu plus). On ne remet pas en cause ces phobies. Pourquoi cela devrait-il être différent pour la nourriture ? C’est pourtant le cas. Les gens ne peuvent pas concevoir qu’on puisse avoir une phobie de la nourriture.

Et c’est là que Felix E. a eu un raisonnement qui m’a bien plu :

Le sentiment de honte est très destructeur et ajoute une autre couche d’angoisse à la personne atteinte de SED, dont elle pourrait vraiment se passer. Combien de phobiques des araignées sont honteux de leur phobie ? Très peu. Si quelqu’un avoue être effrayé par des araignées minuscules, les autres personnes présentes ont tendance se montrer compréhensives.

Pourquoi une phobie de la nourriture devrait être différente d’une autre phobie ? Ça ne devrait pas. Mais après avoir entendu bon nombre de fois « ooh, mais ce n’est que de la nourriture, comment peux-tu être phobique de la nourriture ?! », à un certain moment le jugement négatif des autres (souvent basé uniquement sur leur ignorance) va commencer à déteindre et la personne atteinte va elle-même se juger de manière négative.

Si vous croyez un tel jugement, alors vous allez souffrir, vous sentir incompris et honteux, alors vous gardez cela secret. Vous vous sentez complexé et timide, et êtes rapidement sur la défensive.

Cela agrave encore plus le problème.

Prenons l’exemple des personnes phobiques des araignées. Elles acceptent d’avoir une phobie et se disent « Et alors ? La plupart des gens ont une phobie de quelque chose. ». Ces personnes ne se ressent pas le besoin de s’en cacher, de juger ou quoi que ce soit. Ils l’acceptent tout simplement. C’est beaucoup plus facile de vivre avec.

Si vous êtes indulgent vous-même, que vous tolérez et accepter votre SED, vous allez alors projeter cela sur les autres autour de vous, les éduquer en conséquence et ils deviendront alors eux-aussi plus indulgents, et compréhensifs, ils l’accepteront aussi plus facilement. Ils prennent exemple sur vous. Ne prenez pas ça personnellement, voyez le simplement comme une ignorance temporaire de comment fonctionne le SED.

Pour accepter plus facilement votre SED, accordez vous la même indulgence que si vous aviez une phobie des araignées. Rappelez-vous que votre inconscient peut créer des phobies de n’importe quoi. La plupart des personnes ayant la phobie des araignées ou des serpents n’ont jamais été blessées par des serpents ou des araignées, alors que la plupart des personnes souffrant de SED ont bel et bien ressenti de la douleur – vomissements, crampes, intolérances, réactions allergiques, goûts infects ou textures désagréables par le passé. Toutes ces expériences justifient bien de développer une phobie, et bien plus que celles justifiant les autres phobies citées plus tôt.

 

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Trouble de l’alimentation sélective

Voici la définition de Wikipedia pour Selective Eating Disorder, dont la description est très complète, bien documentée, bref très très très bien. Vu qu’il n’y a rien d’aussi complet en français, je me suis permise de la traduire pour ce blog.

gal-not-eatingLe trouble de l’alimentation sélective (SED en anglais : Selective eating disorder) (aussi connu sous le nom de Trouble persévérant de l’alimentation) empêche la consommation de certains aliments. Il est souvent considéré comme une phase de l’enfance qui est en général surmonté avec l’âge. Certains enfants, cependant, continuent à être atteints de SED tout au long de leur vie d’adulte.

Le trouble de l’alimentation sélective manque de critères officiels de diagnostics et de classification ; et ne figure pas actuellement dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.

La revue anglaise de Psychologie clinique de l’enfant et états psychiatriques déclare que « l’alimentation sélective est un phénomène peu étudié consistant à manger une gamme très limitée d’aliments, associée à un manque de volonté à go^ter de nouveaux aliments. Commun chez les jeunes enfants, ce trouble peut persister dans la moyenne enfance et l’adolescence chez un petit nombre d’enfants, majoritairement des garçons. Lorsque ces se produit, l’évitement social, l’anxiété et les conflits peut en résulter. »

Les personnes atteintes de SED ont une incapacité à manger certains aliments en fonction de la texture ou de l’arôme. Les aliments « sûrs » peuvent se limiter à certains types d’aliments ou même à certaines marques spécifiques. Dans certains cas, les individus touchés vont exclure des groupes entiers d’aliments, tels que les fruits ou les légumes. Parfois, les aliments exclus peuvent l’être simplement à cause de leur couleur. Certains peuvent n’aimer que les aliments très chauds ou très froids, ou seulement les aliments très croquants ou difficiles à mâcher.

L’Institut de la santé infantile de l’université de Londres rapporte que « en général, un enfant ou un adolescent avec une alimentation sélective ont un poids et une taille dans la moyenne, et ne montrent aucune anomalie à l’examen physique. Parfois, l’alimentation sélective peut survenir après une période d’alimentation normale, mais pour beaucoup, les troubles alimentaires sont précoces et il peut y avoir eu un problème de sevrage (passage aux morceaux, diversification alimentaire après les biberons / le sein).Manger une gamme très restreinte d’aliments est une caractéristique commune des tout-petits – jusqu’à 20% des enfants âgés de moins de 5 ans sont difficiles et le problème persiste jusqu’à l’âge de huit ans pour environ deux tiers d’entre eux. Toutefois, pour certains jeunes le problème persiste pendant la pré-adolescence, l’adolescence et même à l’âge adulte. Cela peut conduire à la malnutrition, des retards de développement global, des problèmes de croissance et des prises de poids, ainsi que des problème de santé connexes. »

Le SED est fréquent chez les jeunes autistes, cela est probablement causé par un dysfonctionnement de l’intégration sensorielle. On le trouve aussi chez des adolescents ayant des besoins spéciaux. Il est généralement accompagné de comportements de refus sévères en cas de présence d’aliments « non privilégiés ». Ce trouble ne doit pas être confondu avec le trouble affectif d’évitement alimentaire (FAED en anglais : Food avoidance emotional disorder), un évitement de nourriture dû à des difficultés émotionnelles et non à l’image du corps), ou à l’anorexie mentale (trouble caractérisé par la peur de la nourriture en raison de problèmes liés au poids). Le SED a des caractéristiques communes avec la Néophobie alimentaire, une évitement de la consommation d’aliments nouveaux.

Le Dr Bradley C. Riemann, directeur clinique des troubles osessionnels compulsifs au Rogers Memorial Hospital à Milwaukee, dit : « La plupart du temps ce n’est pas un traumatisme ou des souvenirs qui posent problème. C’est plus une question dégoût, de texture, d’odeur et de vue. Il peut provenir d’un incident. Disons que vous avez eu un haut-le-coeur en mangeant de la viande une fois, vous pourriez développer une peur de s’étouffer et devenir anxieux à l’idée de manger quoi que ce soit de difficile à mâcher. Il a également été associé au TOC et la à la peur de la saleté et des contaminations suite à la façon dont la nourriture a été préparée. »

Pour corriger les modes de comportements, on emploie généralement la thérapie cognitive comportementale. Le Dr Riemann explique que « si une personne ne mange que de la soupe, on peut commencer par y mettre des nouilles, puis nous continuerons jusqu’à y ajouter du poulet. »

Des recherches sont actuellement en cours au Rogers Memorial Hospital, à Milwaukee dans le Wisconsin, ainsi qu’au Centre Monell Chemical Senses à Philadelphie, en Pennsylvanie.

Source photo : Neo planete

Comprendre

Je crois bien que je suis normale.

Il y a quelques jours, j’ai été contactée par la télé pour une émission à propos de la néophobie alimentaire. J’ai passé plus de 30 minutes au téléphone avec la journaliste qui m’a posé tout un tas de questions, puis elle m’a proposé de passer dans l’émission, parce que de ce qu’elle a pu voir dans ses recherches, je suis assez présente sur la toile quand on fait des recherches sur ce sujet ; et surtout, je peux apporter un début de solution à un problème assez méconnu. Alors forcément, ça m’a de suite beaucoup plu, je me suis dit que ce blog commençait à porter ses fruits, j’étais contente. Et hyper partante pour passer à la télé pour parler de mon problème.

Mais je ne connaissais pas du tout l’émission. Donc forcément, je me suis renseignée un peu, et j’ai demandé l’avis de mes amis. Ça a été unanime. Non non et triple non. J’avoue, ça m’a un peu interloquée au début. Mon enthousiasme est retombé comme un soufflet raté, et j’ai pris le temps de la réflexion. Puis j’ai regardé l’émission.

C’est le genre d’émission où ils te filment pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, dans ton quotidien, pour vraiment rendre compte de ton problème. Et puis ils passent d’un reportage à l’autre toutes les 5 minutes, à grand renfort de questions existentielles du genre « Roberte va-t-elle réussir à vaincre sa peur et surmonter son problème ? Comment va-t-elle faire face à ses amis ? ».
Et c’est à ce moment précis, lors d’une énième question, que je me suis dit : mais ils vont dire quoi pour moi ? Quelles questions ils vont bien pouvoir poser ? Qu’est-ce qu’ils vont montrer ?

Et tout à coup, je me suis sentir hyper normale, et je me suis dit que finalement je n’étais peut être pas assez atteinte pour participer à ce genre d’émission. Ça aurait été quand j’étais en primaire je ne dit pas, j’étais parfaitement le type de gamine qui cadrait parfaitement à l’émission, et ça aurait fait un sujet pile poil dans leurs thèmes de prédilection. Mais aujourd’hui, non. J’ai vraiment pas l’impression d’y avoir ma place.

D’ailleurs, c’est peut être ce que la journaliste a pensé aussi, puisqu’elle ne m’a toujours pas rappelée alors qu’elle aurait dû le faire il y a quinze jours.

Et dans un registre totalement différent, mais qui finalement se recoupe quand même un peu sur certains points, hier j’ai rencontré dans la vraie vie un compatriote néophobe, qui souhaitait qu’on puisse échanger un peu plus que sur le forum (laissé à l’abandon) où se retrouvent les néophobe adultes ou mamans désespérées qui aimeraient bien éviter que leurs bambins néophobes ne deviennent eux aussi des adultes néophobes.

Déjà, lorsque j’avais parcouru le forum quand je l’avais découvert l’an dernier, je m’étais rendue compte que certaines personnes étaient beaucoup plus affectées que moi par ce blocage alimentaire, que cela influait énormément sur leurs relations sociales, les empêchait totalement de manger en société, même ne serait-ce qu’avec leurs collègues. Ma rencontre d’hier n’a fait que confirmer tout ça, et me faire prendre conscience de la chance que j’avais eue d’avoir des parents compréhensifs, qui ont tout fait pour faire en sorte que je vive ma différence le mieux possible au lieu de la stigmatiser. D’avoir eu des amis, des petits amis. D’avoir voyagé. D’avoir rencontré des tonnes de gens différents.

Et aujourd’hui, je me rends compte que certes, j’ai un problème avec la bouffe, mais ça s’arrête là. A côté de ça j’ai une existence tout ce qui se fait de plus normale, avec des amis, un copain, un travail, des sorties, des soirées, des tas de voyages, de découvertes, et aussi tous les petits tracas que cela engendre mais rien de plus, et surtout sans honte.

Car au fond, je crois que c’est là que se trouve la différence. Notre problème est le même, mais la vision que nous avons, l’image que nous nous en faisons, est totalement différente. Certains sont tellement persuadés de l’énormité de leur problème et incapables de l’accepter ni même de vivre avec qu’ils s’imaginent que les gens autour non plus ne pourront pas l’accepter, et que ça va les gêner. Alors qu’au final le seul vraiment gêné c’est le néophobe. Les autres, en vrai ils s’en foutent. Au mieux ils ne comprennent pas, mais ça n’ira pas plus loin. Ils diront « ah bon c’est bizarre mais ok » et retourneront à leur petite vie. Mais le néophobe, lui, sera incapable de voir ça de cette manière. Moi je l’ai accepté, et je crois que c’est ça qui fait toute la différence.

Finalement, je me trouve hyper normale comme fille.

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Néophobie alimentaire

La néophobie alimentaire est une étape normale du développement de l’enfant. Elle survient entre 2 et 6 ans, et se traduit par la peur et le refus systématique de goûter à de nouveaux aliments. Cette réaction de refus traduit une volonté de s’affirmer vis-à-vis de l’autorité parentale, mais peut aussi venir d’une peur de l’intoxication, ou de l’étouffement. Cependant, elle diminue en grandissant, jusqu’à disparaître complètement. Sauf pour certains, chez qui elle persiste jusqu’à l’âge adulte. On ignore pourquoi, quels sont les causes ou éléments déclencheurs.

Cette néophobie est difficile à vivre pour la personne atteinte, mais aussi pour son entourage. Le néophobe mange toujours les mêmes choses, son alimentation se réduit à une quinzaine d’aliments différents au mieux. Ses proches doivent s’adapter à ce régime contraignant, et souvent préparer un repas à part pour le néophobe. Quant aux personnes de l’entourage moins proche, ils font souvent preuve d’une incompréhension face à ce qu’ils considèrent plus comme un caprice, un manque de volonté.

Le néophobe n’est pas juste une personne difficile. Chaque repas en présence de nouvelles personnes est une épreuve, souvent amplifiée par le fait de devoir systématiquement expliquer la situation, et souvent faire face à de l’incompréhension. Il doit faire face à une peur panique chaque fois qu’il se retrouve face à de la nourriture qu’il ne connaît pas. La nourriture est l’objet de sa phobie, comme certains ont une peur phobique des araignées, des souris, ou encore du vide. Cette peur ne se contrôle pas, et aucun raisonnement logique ne parviendra à l’amoindrir. Le fait de demander de goûter un nouvel aliment à un néophobe revient à demander à une personne qui a le vertige de sauter à l’élastique, ou à un arachnophobe de tenir une araignée dans sa main, si petite soit-elle.

Il est normal pour les personnes entourant le néophobe de désirer le voir goûter de nouvelles choses, mais il ne faut surtout pas le forcer, car cela risquerait de faire totalement l’inverse de l’effet souhaité, et d’augmenter encore le blocage. Il faut faire preuve d’une grande patience, et l’encourager à chaque petit progrès, car même si manger un minuscule morceau d’un nouvel aliment vous paraît aisé, ça a été une grande épreuve pour lui. Comme il ne connaît pas les goûts des aliments qu’il ne mange pas, la vue et l’odorat sont des critères très importants pour le néophobe, et un aliment qui sent bon lui paraîtra plus appétissant qu’un fromage qui sent fort par exemple.

La néophobie est une maladie dont on parle très peu, et dont même les médecins ignorent en général l’existence. Cependant, un traitement est possible. Les phobies peuvent être associées aux TOC (troubles obsessionnels compulsifs), et donc être traitées de la même manière. Le but est de réduire le stress panique pour pouvoir faire face à son problème et le résoudre. Pour ce faire, un traitement de fond à base d’anti-dépresseurs (à plus forte dose que pour traiter la dépression) est préconisé. On peut aussi effectuer une psychothérapie comportementale, qui poussera le néophobe à mieux comprendre sa phobie et à faire des exercices pour tenter de la combattre. Selon les cas et la gravité du blocage, l’un ou l’autre des traitements peut se révéler suffisant, mais on peut aussi coupler les deux pour de meilleurs résultats.

 

 

Source image : Max Rubin for Daily Trojan